Préface
Ce livre est un recueil de lettres. Des lettres que j’ai écrites à celui qui a éveillé en moi tout ce que je comprends aujourd’hui de l’attachement. J’y parle d’amour, de peur, de distance, de silence. J’y parle de cette danse étrange entre une anxieuse et un évitant, entre le besoin de proximité et la peur de se perdre dans une relation.
Ces lettres racontent le chemin d’une femme qui s'est perdue en croyant lutter pour l'amour, qui a cherché à comprendre pourquoi aimer faisait si mal, pourquoi l’absence devenait vertige, pourquoi la tendresse pouvait laisser place à l'angoisse.
À travers ces mots, j’ai tenté de comprendre, de progresser. Aujourd'hui, je les relis et les partage dans une tentative de me réparer, de donner du sens à ce lien qui m’a blessée autant qu’il m’a révélée.
Ce livre n’est pas une histoire d’amour, c’est une exploration de la vulnérabilité, du besoin d’attachement, et du courage qu’il faut pour s’en libérer.
Bonne lecture
Marie
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Septembre 2023
Depuis un peu plus d’un an, Clément et moi travaillons ensemble. Peu à peu, je suis tombée amoureuse de lui pour sa douceur tranquille, son calme, son indépendance, son intelligence, sa sensibilité. J’aimais sa façon d’écouter, sa bienveillance naturelle, et cette volonté qu’il avait de se remettre en question, de se déconstruire avec sincérité.
Pendant quelques mois, nous avons partagé des verres après le travail et de longues conversations. Parfois, quand je manquais le dernier train, je dormais chez lui, dans la chambre d’amis. Ces soirs-là, je brûlais d’envie de lui avouer ce que je ressentais, mais j’étais encore en couple. Avec Xavier. Notre relation s’effritait, lentement, douloureusement, sans que j’ose encore y mettre fin.
Le 7 septembre 2023, j’ai quitté Xavier, après 5 ans de relation amoureuse, jour pour jour. Et ce même jour, incapable d’attendre davantage, j’ai écrit à Clément. Un simple message, quelques phrases maladroites envoyées depuis mon téléphone. L’aveu tant redouté, tant retenu. Par SMS — "La honte", ai-je pensé aussitôt.
Il n’a pas répondu à mon message. Alors, prise de panique, je l’ai appelé.
Sa voix, calme mais troublée, m’a dit que mon aveu le bouleversait. Que tout cela le chamboulait, oui, mais qu’il avait envie, lui aussi, de faire évoluer notre relation. Il a ajouté, avec cette assurance qui me désarme, que même si nous travaillons ensemble, nous saurions trouver un équilibre. Que nous y arriverions.
Quelques jours plus tard, il m’a parlé. Enfin. Avec cette honnêteté tranquille qui le caractérise, il m’a confié sa situation : il avait déjà deux relations : Julie, une femme mariée, son amie de longue date, une relation profonde, presque fondatrice, qu’il appelle sa "relation structurante". Une histoire tissée de repères, de projets partagés, de fidélité intellectuelle et émotionnelle. Et puis Corine, présente dans sa vie depuis deux ans. Il voulait maintenanir ces deux relations, il fallait que je l'accepte. Il voulait croire qu’on pouvait aimer plusieurs personnes à la fois, sans trahir personne.
Je l’écoutais, le cœur serré. Entre fascination et vertige.
Je comprenais ses mots, je voyais la cohérence de son discours, et pourtant, une part de moi tremblait.
Je rêvais d’un amour entier, choisi, réciproque. Ce soir-là, j’ai senti que ce que j’espérais de lui ne serait jamais simple. Que l’histoire que nous commencions serait faite de doutes… et peut-être, malgré tout, d’une forme d’amour.
Il a parlé à ces deux femmes de mon existance.
Quelques jours plus tard, alors que je sentais monter en moi une angoisse inexpliquée, et qu'avant même notre premier baiser, j'avais l'impression de retrouver les sensations désagrables d'une ancienne relation souffrante, on s'en est parlé. Ma peur de réactiver ma dépendance affective - je l'ai sentir tout de suite. Sa peur d'en être l'objet - il l'a senti aussi.
Quand j'ai quitté la table de ce café où nous avions échangé nos craintes, je l'ai embrassé, pour la première fois, et je suis partie. Quand je me suis retournée, il avait son visage dans ses mains, comme si le ciel lui était tombé sur la tête.
Pourtant, nous avons laissé évolué notre relation et passé notre première nuit ensemble.
Sans étiquette
Notre relation s'est approfondie et il m'a partager d'avantage sa peur de la dépendance. Il avait vécu 20 ans avec une femme qu'il qualifiait de dépendante affective et en avait été prisonnier. Il considérait Corine trop dépendante à son gout, également.
Avec Julie, il se disait "sous emprise" et devait marcher sur des oeufs pour ne pas qu'elle le rejette d'être dépendant d'elle.
Moi, j'avais déjà vécu la dépendance affective 7 ans auparavant et je m'en croyais libérée, tout en sentant qu'il pouvait la réactiver. Je ne sais pas exactement ce que j'ai senti à l'époque, mais il y avait quelque chose dans son attitude qui m'angoissait dès les premiers moments un peu intimes. Comme si mon sixième sens me disait "Tu vas souffrir". Mais lui, il m'avait dit "Je ne veux pas faire souffrir" alors, naivement, j'étais rassurée. Je n'avais pas compris que ça voulait dire "Je sais que j'ai une attitude qui peut faire souffrir et je t'espère assez solide pour le supporter". Evidemment, je ne l'étais pas. Il allait venir me chercher précisément là où je n'étais pas solide.
Une première soirée annulée "pour se recentrer" m'a mise en émois.
Par la suite, ne jamais savoir quand nous allions passer un moment tous les deux et devoir constamment proposer moi-même nos sorties ou initier les relations intimes me fragilisait un peu plus chaque jour. Enfin, la notion de relation "sans étiquette", moi qui était amoureuse, posait les bases de mon insécurité.
Pourtant, nous avions régulièrement des discussions ouvertes et je pensais que nous arriverions à nous ajuster et à nous comprendre.

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