Une imagination débordante

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On lui a toujours dit que c'était un menteur, qu'il imaginait des choses, qu'il avait une imagination débordante.

Pourtant, c'était la réalité. Le jeune Simon pouvait voir des ombres derrière les personnes. Pas toutes les personnes, mais beaucoup. La plupart, il les apercevait derrière les adultes. Elles étaient de toutes les tailles et toutes les formes ; elles se confondaient parfois avec les personnes elles-mêmes. Elles traînaient comme des enfants boudeurs derrière eux, se collaient parfois aux dos et aux épaules, mais elles ne restaient jamais bien loin de leur propriétaire.

Il avait consulté des psychologues, des psychiatres, des médecins, des guérisseurs, rien n'y faisait. Tout le monde disait la même chose : il avait une imagination débordante. Ses parents lui interdisaient désormais de lire ou de regarder la télé, pensant que ça ampliefierait le problème. Rien n'avait changé. Et comme Simon n'aimait pas les yeux noirs de son père quand il en parlait, ni les soupirs de sa mère, il prétendait qu'il n'en voyait plus.

À l'école, il pensait qu'on le croirait. Sa maîtresse, toujours douce et gentille, avait essayé de le convaincre qu'il était normal de voir des ombres, que ça avait un lien avec la lumière, mais il n'avait pas tout compris. De toute façon, c'était clair, on ne le prenait pas au sérieux. Alors il s'était tourné vers ses camarades, mais ils se sont moqués de lui. En désespoir de cause, il parla de l'ombre de Jérémy, encore petite, mais qui collait le jeune garçon. Ce dernier le traita de débile et retourna toute l'école contre lui. Ce que personne ne savait, c'était que l'enfant composait avec un père violent. Seul Simon, même s'il ne l'avait pas compris, l'avait remarqué.

Simon demeurait donc seul, s'asseyant tristement sur un banc pendant les récréations, observant ses camarades jouer, s'imaginant parfois les rejoindre. Le soir, il n'avait pas de copain avec qui passer le temps, aller au parc à côté ou dormir chez lui. Alors, à la place, il rentrait. Il avait juste à traverser la rue, un petit pont, et une autre rue avant d'arriver chez lui.

Ce soir-là n'échappa pas à la règle. Après quelques minutes de marches, il aperçut sur le pont une ombre massive qui entourait une jeune femme comme si elle lui faisait un câlin. Elle se penchait par-dessus la balustrade, et il comprit en s'approchant qu'elle pleurait. Il devrait l'ignorer et rentrer chez lui. Il devrait oublier ce problème, cette imagination débordante, et vivre ainsi. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, voir quelqu'un pleurer lui donnait toujours envie de l'imiter.

  • Bonjour, murmura-t-il, timide.

La jeune femme sursauta. Ses longs cheveux roux laissèrent apercevoir des yeux noisette, et Simon fut marqué par la douleur qui s'y lisait.

« Tu vas tomber, si tu restes comme ça. Maman m'a toujours dit que c'était dangereux de se pencher comme ça.

L'inconnue sourit d'un air triste.

  • Ta maman a raison.
  • Pourquoi tu pleures ?
  • Parce que j'ai envie de mourir.

Sur ces mots, elle éclata en sanglots. Simon la dévisagea quelques secondes.

  • Pourquoi tu veux mourir ? Ça fait peur de mourir.
  • Parce que je suis lâche.
  • Ça veut dire quoi ?
  • Ça veut dire que je fuis toujours tout. Je déteste mes études. Je n'ai plus d'argent. Je ne dors plus. Je suis épuisée. On vient de me virer de mon job d'étudiant à cause d'une faute. Je ne sais pas ce que je vais devenir.

Simon ne comprenait pas tout. En revanche, il savait qu'elle était très très triste. Il se souvint de ce geste qu'il détestait mais qui semblait toujours calmer les autres. Il s'approcha et la prit dans ses bras. Il sentit l'étudiante se figer quelques instants puis elle se remit à pleurer de façon incontrôlable.

  • Non, pourquoi tu pleures ? Tu ne devrais plus pleurer, je te fais un câlin !
  • E-excuse-moi.

Elle lâcha un petit rire mais ne lâcha pas l'enfant pour autant. Il commençait à se sentir mal à l'aise dans cette proximité, mais il sentait qu'elle en avait besoin, aussi, il ne dit rien. Son regard se posa sur la périphérique, sous le pont, qui grouillait de voitures à cette heure-ci, et se fit la réfléxion que c'était drôlement haut.

La jeune femme finit par le relâcher. 

  • Merci.

Et elle partit, sans laisser le temps à Simon de répondre. Il fronça les sourcils et s'aperçut que son ombre avait diminué et s'était décollée de son dos. Il s'approcha du pont et regarda les voitures. Décidément, le comportement de la jeune femme était étrange. Pourquoi se pencher sur la balustrade pour regarder des voitures passer ?

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