Tempête de sable.

8 minutes de lecture

Je porte toujours un pantalon pour aller travailler. J'adore pourtant porter des vêtements beaucoup plus féminins, de la lingerie folle, des accessoires et des bijoux intimes d'une indécence à faire passer une travailleuse du sexe pour une vierge sortant du couvent. Mais au bureau, jamais.

Sauf ce samedi. Nous ne travaillons pas le week-end, mais Madame Nathalie me demande au dernier moment de passer au siège social, récupérer un dossier qu'elle doit présenter sans fautes lundi à neuf heures.

Je suis déjà habillée, tendance petite bourgeoise chic, pour une expo cet après-midi au Grand Palais. Je saute dans la voiture, bouchons, feux rouges puis parking, ascenseur. Non. L'équipe de maintenance a choisi ce week-end pour une grosse révision annuelle, c'est écrit sur le billet collé sur le bouton. Sept étages à avaler en talons hauts. Ascension des deux derniers, chaussures à la main, tant pis pour mes bas.

Évidemment, lui descend au même moment. Je le reconnais aussitôt, son dossier m'est passé entre les mains, il y a moins de trois mois. Lounis X., ingénieur, études de maths au Maroc, puis Londres et Californie, USA. Une bête en informatique, recrutée pour six mois afin de remettre à niveau la sécurité de notre infrastructure financière. Et, aussi, rejeton d'une grande famille marocaine, père influent dans la sphère politique et religieuse.

Grand, brun, cheveux courts, l'air timide et un peu lunaire. Je suis moi, essoufflée, rougeaude et ridicule. Il me sourit d'un d'un air désarmant.

— Tout va bien, Mademoiselle ? Vous êtes bientôt arrivée, il ne reste qu'un étage.

Je souris d'un air crispé. Imbécile, idiote, que vas-tu faire, maintenant ? Ce que je réponds est bien entendu vague et inintelligible. Nous nous croisons enfin, j'adopte l'attitude concentrée de celle qui, perdue, cherche son train sur le tableau d'affichage d'une gare de banlieue. Mais je sens bien son regard qui me suit, involontairement sans doute, bloqué sur mon cul moulé dans cette petite jupe. Peut-être même voit-il la naissance de mes bas ? Merde, tu n'aurais pas pu enfiler un jogging informe ?

Je récupère le dossier puis perd une demi-heure pour redescendre. De longs arrêts à chaque étage, cachée par les portes coupe-feu, pour être sûre de ne pas le croiser de nouveau.

Le week-end fait passer cet incident aux oubliettes, et le début de semaine me voit totalement absorbée par des taches professionnelles. Madame Nathalie part à New-York jeudi matin pour une réunion du groupe, réunissant toutes les filiales présentes dans le monde. Il y a beaucoup de choses à organiser pour le départ. Elle me propose de l'accompagner, en dépit des complications, liées à mon genre qui ne correspond pas à celui indiqué sur mes pièces d'identité. Mais je lui avoue piteusement que je n'ai jamais quitté la France, que je n'ai pas de passeport. Affaire réglée, et je sens la déprime s'installer.

Mercredi matin, on frappe à la porte de mon bureau.

— Mademoiselle ? Vous vous souvenez de moi ?

Je joue le jeu de celle qui a complètement oublié qu'elle a échangé avec un type il y a trois jours dans un bâtiment désert. Mais ça ne tient pas longtemps.

— Euh, oui. Que puis-je pour vous ?

— Je passe juste pour vérifier les protocoles de sécurité sur votre poste informatique. Quelques minutes seulement, je serai rapide.

Je le laisse taper quelques lignes de code sur mon laptop, il se lève, ouvre la porte pour sortir et se ravise.

— Je fête mes trois mois dans la boite, vendredi midi au self, vous voudriez venir ? Cela me ferait plaisir.

— Je déjeune toujours seule à mon bureau. Merci, mais je ne viendrai pas.

J'espère avoir carbonisé définitivement ses intentions de sociabiliser avec moi.

...

Jeudi matin, il pleut et nous filons dans la BM vers Roissy CDG. J'ai le moral au plus bas. La salle d'attente est rempli de collègues, alors nous allons nous embrasser tristement dans les toilettes.

Je rentre comme un zombie, en pleurant comme une petite gourde. Je tourne en rond une partie de la journée, mais je reçois un texto d'elle, cela me remonte un peu le moral. Je lui réponds aussitôt que, sans ma Maîtresse adorée, je ne suis plus rien et qu'elle a emporté avec elle ma raison de vivre. Elle me suggère en retour de chercher dans le troisième tiroir de son bureau. J'y trouve une culotte qu'elle a portée il y a peu. J'éclate en sanglots, mon visage enfoui dans la sainte relique.

La soirée est bien triste, je n'ai pas de nouvelles et je prends un somnifère pour dormir. Au matin, je n'ai pas envie de m'habiller, personne n'est là pour me voir. J'enfile une culotte en microfibres bien serrée, un pantalon large, un chemisier informe. Je me sens moche, alors chaussures plates et maquillage minimal, mes cheveux sont ternes.

Le midi, j'attaque sans plaisir une barquette de salade industrielle. Je suis en train de rectifier l'assaisonnement quand on frappe à la porte. C'est Lounis, avec un bouquet de fleurs.

— Bonjour, je vous ai aperçue ce matin, vous aviez l'air triste, alors je suis parti vous acheter des fleurs, pour égayer votre bureau.

Je tombe des nues, je l'avais oublié, celui-là.

— Ah, c'est gentil. Posez-les là, je trouverai bien un vase plus tard.

Je lui adresse un grand sourire crispé en regardant la porte, sous entendant que bon, c'est sympa, mais que j'ai autre chose à faire. Déjeuner seule en reniflant, par exemple.

— Vous êtes certaine de ne pas vouloir boire un verre à la cantine ? L'ambiance est bonne, vous savez.

— Oui. Je suis sûre.

— Alors, peut-être un autre jour ?

— Oui, voilà, c'est ça : un autre jour. Au revoir.

Quel toupet. S'il n'a pas compris après ça.

— Pourquoi pas demain ? C'est samedi, je peux vous inviter au restaurant. Vous aimez la cuisine orientale ? Je connais un res...

Je me lève d'un bond.

— Non, pas demain, ni après-demain, jamais. Vous n'avez pas le droit d'être ici, je ne suis pas autorisée à vous parler, sortez maintenant.

Il a l'air subitement malheureux, torturé par ses pensées.

— Mademoiselle, excusez-moi, je ne voulais pas vous blesser, dit-il dans un souffle. Mais depuis que nous nous sommes croisés, je ne pense plus qu'à vous. Je crois que je vous aime.

— Mais vous êtes fou. M'aimer ? Vous ne me connaissez même pas ! Vous ne savez pas qui je suis ! Et... Et je ne suis pas libre. Je suis en couple. Mariée, voilà. S'il vous plait, partez.

Les épaules basses, il sort en me souriant.

Mon cœur bat la chamade. Dans quel pétrin me suis-je fourrée ? Tous ces efforts de discrétion anéantis. Et je me retrouve désormais affublée d'un prétendant fou amoureux, qui voit en moi sa Cléopâtre... misère, s'il savait ! Je vais devoir tout raconter à Madame Nathalie, si elle l'apprend autrement, mes fesses font chauffer.

L'idée d'être face au mur, nue avec elle, me calme un peu. Et très honnêtement, je suis un peu flattée des attentions que ce Lounis a pour moi. Il m'a vue élégante et sexy, mais aujourd'hui, en créature informe et grise... cela ne l'a pas découragé. Peut-être est-il sincère ? Cela me remonte un peu le moral, c'est toujours bon à prendre.

...

Mon téléphone vibre, un texto, ce doit être ma Maîtresse. Je suis rassurée, je ne suis plus seule.

Non, c'est un numéro inconnu, je lis le message.

Non, je sais parfaitement qui tu es.

Tu es ...Khuntha

C'est lui. Comment a-t-il eu mon numéro ? Zut ! je suis sûre qu'il a bricolé mon ordinateur pour avoir accès à mon carnet d'adresse, mercredi. Quelle idiote ! Bon, que veut-il dire, avec ses incantations vaudoues ?

Il ne me faut pas longtemps pour comprendre, le nez sur le moteur de recherche : Khuntha veut dire androgyne.

Il sait. Comment a-t-il fait ? A-t-il eu un accès à nos dossiers personnels informatisés ? Sans doute. Sait-il pour Madame Nathalie ? Nos relations ?

J'ai envie de mourir, d'être foudroyée sur place, mais rien ne se passe, alors je compose son numéro. Tout faire pour que cela ne s'ébruite pas.

— Lounis ? Arrive tout de suite. Je raccroche sans attendre la réponse.

...

— Je ne peux pas, Lounis, je ne veux pas ! Écoute-moi ! J'appartiens à une autre, je ne suis pas libre de moi. J'ai choisi, je l'aime, et je ne t'aime pas. Mais ne me détruit pas, par pitié, ne dis rien, jamais. Tu n'as pas idée de ce qu'est ma vie, tu m'idéalises, je ne suis pas celle qu'il te faut, tu sais ?

Je ne sais plus que dire.

Il est entré dans le bureau avec des espoirs fous, que j'ai douché immédiatement. Il tombe à genoux, me dit qu'il sait qui je suis, qu'il sait pour mon sexe, mais qu'il s'en moque. Qu'il veut partir avec moi, n'importe où, faire sa vie avec moi. Que non, il ne me fera jamais de mal, qu'il préférait mourir que me faire du tort.

Je suis émue. Et comme je suis bête parfois, je m'approche de lui, pose mes mains sur ses épaules. Il est toujours à terre, il pleure contre mon ventre. Je sens sa joue contre mon sexe, et bientôt sa bouche, il dépose pieusement des baisers sur ma braguette. Comme une petite conne, je le laisse faire, paralysée. Il descend mon pantalon, ma culotte, embrasse mon pubis puis prend doucement ma petite queue dans sa bouche, Il me souffle des mots d'amour en arabe, c'est mélodieux, je trouve ça horriblement agréable, il ne faut pas que je laisse faire ça, mais Madame Nathalie n'est pas là, je n'ai plus de volonté, d'ailleurs maintenant, je suis dure dans sa bouche et il me suce, il prend tout mon sexe en lui, merveilleux, cette sensation oubliée.

De moi-même, je laisse le pantalon tomber à mes pieds, j'ai envie d'écarter les jambes. Je pose mes fesses sur le bureau, il me lèche, me doigte un peu, je dis oui, par là, viens.

Il se déshabille maladroitement, j'en profite pour déposer quelques gouttes d'huile d'olive sur mon petit trou, ponctionné dans le sachet offert avec ma salade. Je n'ai pas de lubrifiant, ici.

Il revient entre mes jambes et me pénètre doucement avec des précautions amoureuses. Il a une belle queue, avec un beau gland bien dur, et je me sens prise complètement, je joue du cul pour tout bien rentrer en moi, c'est délicieux. Il jouit rapidement, ne sachant pas se retenir. Je passe mes doigts entre mes fesses, ils sont pleins de son foutre crémeux, je les porte à ma bouche pour les sucer en le regardant. Il sourit et m'embrasse.

— Tu as le goût d'huile d'olive, tu sais, me dit-il.

Annotations

Vous aimez lire Léopold Ine ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0