2-Dans cette nouvelle vie

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J'avais repris mes études, rencontré de nombreuses jeunes femmes, passé mes examens, fait tout ce que je n'avais pas pu faire dans ma première vie. J'ai profité du temps gagné sans rattraper celui que j’avais perdu. Durant mes études et après avoir trouvé un petit boulot de rat de bibliothèque, ma route a croisé celle de Mona. Pour la première fois de mon existence, j'envisageais une vie de couple avec un être « normal ». Nous avons vécu ensemble deux ans avant de prendre la décision d'avoir un enfant. La bonne nouvelle n'avait pas tardé. J'allais être père. Quand l'enfer frappa de nouveau à ma porte, Mona était enceinte de six mois. 

J'étais exceptionnellement de repos. J'aurais pu rester au lit mais comme tous les matins, j'ai fait mon jogging puis je suis rentré avec l'idée de ranger ce qui s'appelait normalement un bureau. Après une bonne douche, je me suis servi un café. J'étais tranquillement en train de regarder New York s'agiter quand la sonnerie de la porte d'entrée retentie. J’étais juste surpris que l’interphone n’est pas crié pour annoncer cette venue. Je songeais à un voisin ou la concierge de l’immeuble. J'ouvris en toute sérénité. Dès que j’ai découvert Mael sur le pas de ma porte, j'ai lâché ma tasse qui a explosé sur le sol. 

Ma réaction sembla l'amuser comme si elle s'était attendue à ça. Je ne savais pas quoi répondre à ce qui pour moi était plus une moquerie qu'un amusement. Je ne fis que l'observer. Je ne pouvais rien faire d'autre. J'avais tant de fois imaginé nos retrouvailles que cette banalité - le simple fait de la trouver à ma porte d'entrée - m'empêchait de réfléchir. Ma gardienne était toujours aussi envoûtante et impatiente. Elle n'attendit pas que je l'invite à entrer. Je ne la suivis pas du regard et refermais machinalement la porte. En moi-même, j’espérais qu'elle ne soit qu'une illusion et qu'en me retournant, la pièce serait vide. Elle était toujours là, dans sa traditionnelle robe noire, ses cheveux toujours aussi longs. Elle ne disait rien. Elle observait mon appartement comme elle l'avait fait autrefois à Londres. 

-Tu as encore cette horrible bibliothèque ! 

Cette phrase ranima mon cerveau. Après tant d'années de silence, c'était la seule chose qu'elle trouvait à me dire. 

-Qu'est-ce que tu veux ? demandais-je très agressif. 

-Quelle animosité ! Après toutes ces années, tu n'es pas content de me revoir ? 

-Après toutes ces années, ce n'est pas le genre de retrouvailles que j'aurais imaginé. 

-Tu as toujours aimé la simplicité. 

-Tu as toujours fait en sorte de « rompre la monotonie de la simplicité » pour ne pas te citer. 

-Ne t’inquiète pas, je ne te prépare aucune surprise. 

J’aurais dû lui ordonner de quitter mon appartement mais je ne pouvais pas. Autant je la haïssais, autant je tenais à elle. Il fallait que je me protège, que je lui fasse comprendre que je ne voulais plus partager sa vie, même si c’était ma mission maintenant qu'elle avait repris contact. Je devais aussi penser à Mona et à notre enfant. Je n 'étais plus seul comme autrefois. J’avais à protéger ce que je n'avais pas pu construire dans ma première existence que je lui avais entièrement consacrée. 

-Je veux que tu quittes cet appartement. 

-Tu me déçois. Douze années de silence et tu me jettes comme une vulgaire étrangère. 

-Tu n'as pas essayé de me sauver... 

-Tu n'avais rien. Tu étais juste dans les vapes. S'ils n'étaient pas arrivés si vite, je t'aurais amené avec moi et offert le même cadeau. 

-De belles paroles ! 

-Mickaël a eu accès à certaines de mes intentions quand... 

-Tu étais en train de le tuer. 

-Je ne commets jamais deux fois les mêmes erreurs. Tu le sais mieux que personne. 

J'eus envie de la prendre dans mes bras mais je doutais de l'existence de cette attraction. Elle pouvait en être que le créateur, à moins que j'essaye de me trouver une excuse. L'arrivée de Mona me fit oublier cette irrésistible sensation. Elle me parlait, me demandait de l'aider à porter les sacs dont elle était encombrée. Je ne bougeais pas. J'observais Mael qui s'était sans doute rendue invisible pour elle. Je guettais le moindre de ses mouvements, le moindre de ses gestes. 

-Martin, est ce que je peux te demander de venir à mon secours, s'il te plaît ? Si ce n'est pas trop te demander ? Oh pardon ! Je ne vous avais pas vu. 

J'avais quitté Mael du regard durant une fraction de seconde. A la place de la sorcière noire qu'elle avait pour habitude de montrer, je vis une femme de notre temps. J'étais perdu. Je ne savais pas ce qu'elle avait en tête en agissant ainsi. Elle ne pouvait pas confesser ses projets. 

-Il faut bien avouer que vous ne vous attendiez pas à ma présence. 

-Oui en effet. 

Mona attendait que je fasse les présentations, mais Mael me devança. 

-Je suis Mael, une vieille amie de Martin. 

-Je vois, ajouta simplement ma moitié visiblement inquiète pour la suite des révélations. 

-Tu ne lui as jamais parlé de nous ? me demanda d'un air faussement innocent mon cauchemar. 

-Parce qu'il n'y a jamais eu de nous. 

Il fallait qu'elle parte. Mona était une femme très jalouse et lui faire croire qu'il avait existé quelque chose entre nous, n'était pas finement joué. J'invitais Mael à partir. Au même moment, un autre invité surprise fit son entrée. Je ne pensais jamais plus revoir cette fouille merde de ma vie. Il resta dans l’encadrement de la porte, obéissant sans doute aux ordres de sa maitresse. Il était là, toujours aussi fidèle qu'un chien peut l'être envers son maître. 

-Tu te souviens de Hazel ? 

-Comment l'oublier ? Je veux que vous quittiez ma maison. 

Je perdais mon calme. La présence de Hazel était plus que je ne pouvais supporter. Ils échangèrent quelques mots dans un vieux dialecte. J’en saisis vaguement le sens. Inconsciemment, je pris le bras de Mona et l'obligeais à venir derrière moi. Ma réaction l’inquiéta. Confiante, elle me laissa faire. 

-Tu devrais plutôt te méfier des gens qui te sont proches plutôt que de moi, s'agaça Mael. 

-Je te connais trop bien. 

-Il y a des choses que tu ignores et qui te coûteront la vie si tu ne veux plus me faire confiance. 

-Va-t-en ! Je ne veux plus de ton monde. 

Je venais de la blesser. J'en étais conscient. En osant dire cela, je reniais la mission que Mickaël m'avait confié. J'ai regretté ces paroles juste après les avoir prononcées. Mael m'avait pris par surprise et avait, sans doute, produit l'effet qu'elle désirait. 

-Je sais que ce n'est pas ce que tu... 

-Va-t-en. 

Je n'avais pas répété ma demande comme un ordre mais comme une supplication. Mael n'insista pas et partit sans ajouter un mot de plus. Je pris alors Mona dans mes bras et attendis que ma gardienne soit de nouveau un souvenir.

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