Chapitre 26 : Armand
Au grand soulagement du Prince, Séréna avait accepté de prendre part au Rite. Armand avait été surpris que la Tisseuse de Rêves se montre aussi raisonnable. Durant leur aventure sur la Lune de Tamara, c’était plutôt le côté tête brulée et imprévisible de la jeune femme qui était ressorti. Cet aspect plus pondéré était probablement une autre facette de sa personnalité.
Armand avait passé une partie de la nuit au chevet de sa sœur, avant de s’accorder un repos plus que nécessaire. À présent, il se tenait dans la chambre de Séréna, qui s’était redressée autant qu’elle le pouvait sur le lit. Face à elle, se tenaient, la Reine, Maldrex et Luminar.
- Mère, Hauts-Mages, permettez-moi de vous présenter Séréna Kellerwick de Terra. Tisseuse de Rêve. Séréna, voici la Reine Estrella du Monde Central, et les Hauts-Mages Argentius Maldrex et Eldric de la Maison Luminar.
Séréna inclina poliment la tête et prit la parole d’une voix assurée. Il fut surpris qu’elle dissimule aussi bien son appréhension.
- Enchanté de vous rencontrer. Pardonnez mon impolitesse, mais il m’a été ordonné de demeurer au lit.
Toutefois, il se passa une chose à laquelle Armand ne s’attendait pas. En public et même lors de ce genre de réunion informelle, la Reine s’autorisait à peine l’expression d’un étonnement poli. Mais, à la vue du visage de Séréna, la souveraine cilla et ses mains se crispèrent imperceptiblement. Cette réaction n’échappa à aucune des personnes qui se trouvaient dans la pièce. Armand n’avait, pour ainsi dire, jamais vu sa mère agir de la sorte. Le silence se prolongea si bien, que Séréna finit par jeter un regard interrogatif au Prince, qui essaya d’infuser dans ses yeux, plus d’assurance qu’il n’en ressentait réellement. La Reine prit finalement la parole d’une voix légèrement tremblante :
- Soyez la bienvenue à Centralia, Dame Kellerwick. Pardonnez mon désarroi, mais vous me rappelez quelqu’un... Néanmoins, je n’arrive pas à mettre un nom sur ce visage...
La Reine se rapprocha du fauteuil qui trônait près du lit et s’y effondra presque. Armand n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. Venait-il précisément d’entendre sa mère, d’ordinaire si froide et si calculatrice, bégayer et hésiter ? La situation était tellement inédite qu’il ignorait totalement comment réagir. Maldrex et Luminar n’en menaient pas large eux non plus.
Si Séréna était impressionnée, elle le dissimulait plutôt bien. Il avait connu de jeunes nobles bien plus nerveux qu’elle lors de leur première entrevue royale. La Reine continua de fixer la Tisseuse de Rêves pendant de longues secondes, puis sembla redevenir elle-même : une souveraine parfaitement rompue aux exercices mondains et avare de démonstration émotionnelle. Sa voix avait retrouvé son aplomb habituel lorsqu’elle reprit la parole :
- Je pense pouvoir résoudre une partie de cette énigme. Nos Guérisseurs sont formels, vous êtes la première métisse de l’histoire des deux mondes. Du sang, à la fois Centralien et Terranéen coule dans vos veines. Votre existence était jusqu’à présent un secret extrêmement bien gardé.
Armand savait que la jeune femme avait été bouleversée par cette révélation. Bien qu’elle le sache déjà, le Prince lu dans ses yeux tout le poids que cet état de fait lui causait. Mais, la Tisseuse de Rêve se reprit rapidement. Quant à lui, il avait déjà réfléchi aux implications de cette nouvelle. Le nouveau statut de la jeune femme éclairait la situation sous un nouveau jour.
- Pensez-vous que c’est pour cette raison que j’ai été abandonnée ? interrogea-t-elle. À cause de cette loi qui interdit les relations entre Centraliens et Terranéens ?
- À ce sujet, nous n’avons pas la moindre certitude, répondit la Reine d’un air grave. Vous avez pu être cachée sur Terra, pour vous mettre à l’abri de Sigrid autant que de l’Ordre des Guetteurs. Le fait que nous n’ayons pas la moindre piste quant à l’identité de votre parent Centralien maintient le voile sur votre histoire.
- Un voile, oui, c’est très bien choisi votre altesse, intervint Maldrex qui lui non plus n’avait pas quitté Séréna des yeux depuis son arrivée. Dame Kellerwick, la Magie forme, en effet, comme un voile, autour de vous. Un sortilège très ingénieux et parfaitement exécuté, qui jusqu’à présent vous a habilement dissimulée à nous. Je comprends à présent, comment l’importance de vos pouvoirs et la taille de votre Lune ont pu nous échapper. En dépit de vos... origines métisses.
Il avait prononcé ces derniers mots avec un mépris à peine voilé. Armand sentit la colère monter en lui, de même qu’il lut le choc et la peine sur le visage de Séréna. Il se rappela les recommandations de son père.
- Prenez garde Archimage, intervint-il sur le ton de l’avertissement. Vous vous adressez à une invitée de la couronne.
Néanmoins, Maldrex poursuivit sans relever la remarque.
- À présent, ce maléfice est partiellement dévoilé, mais loin d’être brisé, constata-t-il. Étrange. Très étrange.
- Pouvez-vous conjurer cette Magie Argentius ? demanda la Reine.
- Dame Kellerwick, m’autorisez-vous à exercer la magie sur votre personne pour tenter de rompre ce sortilège ? questionna l’Archimage. Ce sera indolore.
Séréna acquiesça avec méfiance, alors Maldrex tendit les mains vers elle, les yeux clos. Un faible halo argenté cerna la Tisseuse de Rêve. Armand constata qu’il était comme fissuré par endroit. Séréna ferma les yeux à son tour.
- Je ressens votre pouvoir, murmura-t-elle. Il est... incroyable.
Le halo d’argent disparu et l’Archimage rouvrit les yeux en secouant la tête.
- Il s’agit d’une malédiction redoutablement bien conçue, expliqua le thaumaturge. Vous seule pourrez vous en libérer, Dame Kellerwick.
– Vous voulez dire par l’alliance de mes pouvoirs ? s’enquit-elle.
– J’ai peur que non, la détrompa-t-il. Vous devrez découvrir par vous-même le secret de vos origines. Je crains que cela ne soit le seul moyen.
- Voilà donc une raison supplémentaire pour vous de passer l’épreuve de la Grotte des Enchanteurs, intervint la Reine. Mon fils m’a fait part de vos réticences, mais sachez que ce sont vos intérêts qui nous tiennent à cœur et que le Rite sera le meilleur moyen pour vous d’obtenir des réponses.
- Votre altesse, répondit Séréna d’un ton respectueux, mais déterminé, je ne veux pas vous paraître ingrate, vous m’avez offert secours, asile et protection et je vous en suis infiniment reconnaissante. Je prendrai part à l’épreuve lors de la nuit des Célébrations des Lueurs Sélénites. Cependant, j’y mets une condition.
- Je vous écoute, répliqua la Reine qui avait imperceptiblement froncé les sourcils.
- Je me présenterai au Rite, si la Rectrice de votre école de Magie m’en juge digne et... uniquement si les charges retenues contre Lénaïc Stronghold, mon Guetteur, sont abandonnées.
Elle avait prononcé cette phrase sans reprendre son souffle tout en soutenant le regard de la Reine. Armand releva un sourcil. C’était osé, très osé. Sa mère ne s’attendait sûrement pas à ce que Séréna tente de négocier avec elle. Estrella pinça les lèvres :
- Le sort de Lénaïc Stronghold se trouve entre les mains de l’Ordre des Guetteurs. J’ai bien peur de ne pas pouvoir accéder à votre requête, répondit la souveraine.
- Le Guetteur Stronghold s’est rendu coupable d’un certain nombre de manquements à ses serments, intervint Eldric Luminar, resté silencieux jusqu’à présent. Nous ne pouvons balayer ces accusations d’un revers de la main, juste parce que vous souhaitez le voir revenir auprès de vous, Dame Kellerwick. De plus, l’on m’a rapporté que vous vous entendiez plutôt bien avec la Guetteuse Lamoril.
Mais, Séréna ignora superbement le vieux mage. Elle n’avait pas quitté la Reine des yeux et reprit d’un ton calme, mais inflexible :
- Vous avez décidé que je gagnerais l’Académie de Magie dès que j’irai mieux. Là-bas, serai-je libre de mes mouvements, ou contrainte d’y demeurer même lorsque je ne serai pas en train d’étudier ?
- Comme vous le savez, répliqua la Reine, votre présence ici doit demeurer secrète le plus longtemps possible. Nos ennemis savent que vous êtes à Centralia, cependant, nous ne souhaitons pas que leurs espions découvrent l’endroit exact où vous séjournerez. Vous êtes la première Terranéenne à fouler notre capitale, nous ignorons comment la population pourrait réagir. Alors la réponse est non, vous ne pourrez quitter l’Académie.
- C’est bien ce que je pensais. Je suis donc votre invitée, seulement jusqu’à un certain point. Vous me considérez bien plus comme un instrument que comme une hôte. Une arme décisive dans votre guerre face à Sigrid que vous voulez affûter avec soin. Vous voulez que je passe cette épreuve, davantage pour vous assurer que je puisse guérir votre fille et vaincre le Rêveur Noir que pour les réponses qu’elle pourrait m’apporter. Par ailleurs, je comprends parfaitement cette nécessité.
La Reine pinça les lèvres, mais laissa Séréna poursuivre. Armand, lui, n’en revenait pas.
- J’ai même accepté de prendre une potion qui m’empêche d’exercer mon pouvoir de Rêver alors que mon désir le plus cher est d’aller secourir, mon ami Damien Chaulagne. Je le considère comme un frère et il se retrouve soumis à la volonté de Sigrid. Uniquement parce qu’il a commis l’erreur d’être un de mes proches. Je me plierai à votre Rite et à vos exigences, la seule chose que je demande en échange, c’est le retour de mon Guetteur auprès de moi.
Les traits de la Reine s’étaient durcis au fil des paroles de Séréna. Estrella ne s’attendait absolument pas à autre chose qu’à de la reconnaissance de la part de cette jeune femme qu’elle jugeait douce et innocente, en dépit des avertissements d’Armand.
La Souveraine n’avait pas pour habitude qu’on lui résiste où qu’on la contredise en dehors de certains rendez-vous diplomatiques délicats. À vrai dire, la seule personne que le Prince ait jamais entendue parler ainsi à sa mère, n’était autre que sa sœur. Il se mordit l’intérieur des lèvres pour étouffer le sourire qu’il sentait naître sur son visage. Les deux femmes se toisèrent longuement, et aucune ne céda devant le regard de l’autre.
- Eldric, demanda la Reine, d’un ton froid, toujours sans quitter Séréna des yeux. Vous veillerez à ce que le Guetteur Stronghold attende Dame Kellerwick à son arrivée à l’Académie.
– Mais votre Altesse ! s’exclama l’Archimage d’un ton outré. Vous n’allez tout de même pas céder à ce... caprice ?
- Il suffit Argentius ! trancha Luminar d’un ton dur. La Reine a donné un ordre. Alors, j’y obéirai.
Le mage acquiesça, mais la colère qui se lisait sur son visage ne trompait personne. Quant à La Reine et Séréna, elles continuaient de se jauger mutuellement.
- Je comprends la nécessité pour vous d’avoir des repères dans ce monde qui vous est inconnu, Dame Kellerwick. C’est pour cela que je cède à votre exigence. En retour, j’espère que les espoirs que nous plaçons en vous ne seront pas vains.
La menace était à peine voilée. Mais, Armand, en contemplant Séréna et Estrella se faisant face, ne pût s’empêcher de penser que sa mère venait de rencontrer une adversaire à sa mesure.
- Vous verrez, votre Altesse, je suis pleine de surprises, répondit la Tisseuse de Rêve, l’ombre d’un sourire sur les lèvres.
Cette fois-ci c’est un rire que le Prince maquilla par un toussotement léger. Il se promit qu’avant la fin de la journée, il raconterait cette entrevue dans une lettre à son père, afin d’offrir au Roi l’occasion de rire un peu entre deux batailles.
Grâce aux bons soins de Zélie et à une volonté de fer, il n’avait pas fallu trois jours à Séréna pour recouvrer sa pleine santé et obtenir l’autorisation de la Guérisseuse pour quitter le lit et sa chambre.
Ainsi, le troisième matin, Armand se présenta devant les appartements de la jeune femme de bonne heure. La Tisseuse de Rêve devait quitter le Palais pour l’Académie avant la fin de la matinée.
Charlie lui avait rapporté des vêtements, car les siens étaient déchirés et maculés de sang, irrécupérables. Séréna avait tressé ses cheveux et opté pour un pantalon en toile ample, une tunique brodée et une veste ajustée. Une tenue simple et élégante, mais confortable et pratique.
- Je voulais vous proposer une promenade avant votre départ, expliqua le Prince, en se passant la main dans les cheveux. Je voudrais vous faire visiter les jardins.
- Ma présence n’est-elle pas confidentielle ? interrogea-t-elle. N’allons-nous pas croiser du monde ?
- Je pensais vous faire visiter notre parc privé. Réservé aux seuls membres de la famille royale.
- Dans ce cas, avec plaisir, répondit-elle enthousiaste.
Il lui offrit son bras et proposa une visite du Palais avant l’entrevue royale. Séréna accepta et Charlie annonça qu’elle attendrait la jeune femme, dans le Hall des Magiciens.
Armand ne ménagea pas sa peine et s’employa à faire découvrir à Séréna l’aile privée du Palais. La Tisseuse de Rêve avait déjà eu l’occasion d’en découvrir une partie lorsqu’elle avait pu faire ses premiers pas accompagnée de Charlie ou Zélie. Toutefois, rien ne l’avait préparé pour la suite de la visite. Les immenses salons décorés succédaient aux somptueuses salles à manger, soutenues par d’immenses colonnes ouvragées. Les murs étaient couverts de tableaux aux formes et aux couleurs variées. Partout, elle ressentait la présence de la magie, dans chaque pierre et chaque pilier ornés de délicates sculptures.
Ils terminèrent leur tour par les jardins, tout en devisant paisiblement. Un nouveau monde de senteurs inconnues et de couleurs délicates assaillit les sens de la jeune femme. Même le chant des oiseaux paraissait différent. Séréna ne reconnut aucune des essences qu’elle croisa et resta ébahie devant chacune d’entre elles.
Les jardins étaient savamment étudiés pour donner l’impression que les plantes poussaient librement, mais il n’en était rien. Chaque parterre était en vérité astucieusement conçu pour laisser s’épanouir une symphonie de couleurs et d’essences variées.
Dans une sorte de clairière aménagée, se trouvait un arbre couvert de fruits dorés. Le Prince en choisit un avec soin, pour le tendre à Séréna. Après une hésitation, elle mordit la chair à pleines dents et poussa une exclamation de surprise ravie.
- C’est étrange, ce fruit a la saveur d’un fruit Terrien appelé prune, mais la texture est totalement différente. C’est délicieux, mais plutôt surprenant.
- On les appelle des écladors, expliqua Armand. C’est la pleine saison actuellement. Il s’agit des fruits préférés de ma sœur. Mon père a fait planter cet arbre pour son cinquième anniversaire.
– Oh... Je vois, répondit-elle. Je vous promets que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’elle puisse de nouveau goûter à ses fruits.
Armand sourit tristement, puis mena la jeune femme vers un promontoire tout au bout des jardins.
- Donc, reprit-il. Vous administrez de la drogue aux gens pour les faire dormir, afin de les soigner ?
- Attention, précisa-t-elle. Je n’administre rien du tout sans la prescription d’un médecin Anesthésiste Réanimateur. Pour ma part, je m’occupe plutôt du versant réveil des patients, et de la gestion de la douleur post-opératoire.
- C’est une tâche noble, souligna Armand. Avez-vous toujours voulu faire ce métier ?
- Pas toujours non. Enfant, je voulais être pilote de chasse.
Elle rit et Armand sentit son cœur battre plus vite. Lorsqu’elle souriait et riait, son visage se transformait. Ses traits délicats s’affinaient davantage.
- Toutefois, mon niveau déplorable en mathématique m’a contrainte à choisir une autre voie, poursuivit-elle, inconsciente du trouble de son compagnon. Mais, je ne regrette pas d’avoir choisi la profession d’infirmière. J’adore mon boulot. Même s’il n’est pas toujours simple.
Ils avaient atteint l’extrémité du balcon. Séréna s’approcha du garde-corps et demeura bouche bée. Le parc du château se trouvait comme suspendu. En contrebas, Centralia apparut. Elle avait eu un petit aperçu de la ville au travers des fenêtres de sa chambre, mais la vue ne rendait en aucun cas honneur à la cité.
Le soleil brillait sur la ville qui grouillait d’animation. Elle pouvait apercevoir une grande place avec des étals de ce qui devait sûrement être un marché. Les rues pavées scintillaient dans la lumière. La ville s’étendait à perte de vue, les bâtiments qui la constituaient étaient gracieux et en harmonie les uns avec les autres.
Les nombreuses statues et les monuments qui parsemaient la ville se fondaient dans le décor. Les toits semblaient faits d’ardoise, mais pas en pierres sombres comme l’on en trouvait beaucoup d’où elle venait. Leurs couleurs claires reflétaient les rayons du soleil, donnant l’impression que Centralia brillait comme un diamant poli.
Derrière elle, se dressait le palais, immense, constitué de dalles blanches, sur lesquelles la lumière rebondissait. Plus loin à l’est, on distinguait une chaîne de montagnes qui se détachait sur l’horizon libre de tout nuage.
Séréna demeura un moment silencieuse, contemplant la beauté des lieux, se nourrissant de l’éclat des pierres et ressentant jusqu’au plus profond d’elle-même la magie qui imprégnait chaque once de cette vue splendide. Le Prince la laissa admirer sa cité de tout son saoul, puis s’approcha d’elle.
- Je voulais vous donner un aperçu de ce pourquoi vous allez vous battre. J’espère que cela vous plait.
– C’est vraiment magnifique, répondit-elle, la gorge serrée par l’émotion. J’ai... j’ai l’impression d’être au cœur d’un roman de Tolkien. C’est un auteur extrêmement célèbre, là d’où je viens. On le considère comme le fondateur et le maître incontesté de la littérature médiévale fantastique.
– Alors c’est un compliment ?
- Assurément, affirma-t-elle. J’en viens même à me demander si Tolkien n’avait pas d’origines Centraliennes... Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il devait être un des Tisseurs de Rêves parmi les plus puissants de sa génération.
Armand se nota mentalement d’aller vérifier, puis, à contrecœur, il arracha Séréna à sa contemplation de Centralia. L’heure du départ approchait. En rebroussant chemin, la jeune femme marqua un temps d’arrêt et leva la tête vers une tour située à l’arrière du château. Si haute qu’on en distinguait à peine le sommet.
- Quel est cet endroit ? demanda-t-elle, les sourcils froncés.
- C’est la Vigie, répondit-il. La plus haute et la plus ancienne tour du Palais. C’est un endroit dangereux, investi par une très ancienne et redoutable magie.
– J’ai l’impression... qu’elle m’appelle, dit Séréna les yeux le vague.
Armand vint se camper devant elle, brisant son contact visuel avec la tour, car il la dépassait d’une bonne tête. Le Prince saisit la jeune femme par les épaules, plongeant son regard dans le sien.
- Écoutez-moi attentivement, Séréna. Vous ne devez en aucun cas répondre à cet appel. La Vigie est un lieu pernicieux. Son pouvoir est considérable et il a eu raison de ma sœur, qui est pourtant reconnue comme la Magicienne la plus douée de son temps. Nous ignorons comment Sigrid y est parvenue, mais c’est par ce biais qu’elle a jeté sa malédiction sur Éloïse. Ma mère en a depuis strictement interdit l’accès, qui se trouve sous bonne garde. Promettez-moi de ne pas vous rendre là-bas, quoi qu’il arrive.
– Je... oui... d’accord, bredouilla la jeune femme qui, visiblement, peinait encore à s’affranchir de l’attirance qu’elle ressentait pour l’édifice.
– Promettez-le-moi ! insista Armand.
– Je vous le promets, répondit Séréna après une courte pause.
– Venez à présent. Nous ne devons surtout pas être en retard. Cela donnerait un motif de mécontentement à la Rectrice et je vous assure que vous ne voulez pas mettre cette vieille chouette en colère.
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