Chapitre 35 : Séréna
Séréna avait regagné sa chambre, toujours escortée par les deux gardes. Les cours qu’elle devait recevoir ce jour-là furent annulés. Un autre moyen pour Sylbaria de lui faire payer son comportement. Peu importe. Elle en savait suffisamment sur la théorie des arcanes pour pouvoir pratiquer seule.
Toutefois, ce verrou sur sa magie des Rêves représentait une véritable entrave. Il nécessitait qu’elle repense toute sa façon de procéder pour faire appel à ses pouvoirs. Elle n’avait pas réalisé à quel point cette aptitude faisait partie d’elle.
Même avant l’attaque du Rêveur Noir et que sa vie ne bascule. Quand elle racontait des histoires ou maîtrisait des parties de Jeu de Rôle, elle savait toujours captiver son auditoire d’une manière unique. Et, cet après-midi-là dans la Salle de Réveil. N’avait-elle pas entraîné son patient avec elle dans son Rêve sur la plage ?
Les jeux qu’ils inventaient avec Damien lorsqu’ils étaient enfants sonnaient toujours plus vrai que nature. Au foyer, c’était toujours à eux qu’on confiait l’organisation de soirées ludiques ou à thème, parce que s’ils s’en chargeaient, c’était toujours une réussite. Combien de fois leur avait-on répétés que ces moments ressemblaient àrêves éveillés?
Sans qu’elle en ait conscience, sa Magie des Rêves avait constamment influencé toutes ses actions. Comme une béquille, un soutien dans ses joies comme ses peines. En être privée ainsi à la veille d’une étape si importante de sa vie : ce fameux Rite, était un déchirement.
La Reine n’avait pas eu d’autre choix que de la punir, Séréna le comprenait, mais elle n’était pas certaine que la souveraine réalise l’ampleur de son acte. Pour Estrella, la Magie des Rêves n’était en quelque sorte qu’un pouvoir inférieur. Un balbutiement par rapport à la puissance des arcanes Centraliennes. Mais, pour Séréna, tisser ses Rêves, les modeler pour en faire de belles choses, cela faisait partie d’elle à un niveau très intime, une puissance qui l’animait, la faisait vibrer.
Les arcanes élémentaires lui étaient venus facilement, les arcanes spirituels, ceux de l’Esprit et de l’Âme avec moins d’aisance. Elle avait désormais accepté l’idée qu’elle était issue des deux mondes et qu’elle avait une certaine légitimité à pouvoir utiliser les deux magies, mais il lui était difficile de faire appel à l’une sans l’autre.
Elle ferma les yeux pour aller chercher au fond d’elle-même sa Magie des Rêves. Son pouvoir rua et se cabra face aux entraves qui l’empêchaient de s’exprimer pleinement. Mais, le verrou mis en place par la Reine paraissait à toute épreuve. Elle pouvait tisser des songes simples. Des petits Rêves qui n’altéreraient que peu la réalité. De là à pouvoir modeler un monde à part entière tel que sa Lune lui était dorénavant impossible.
Séréna plongea plus profond en elle, se rapprochant de l’endroit qu’elle avait atteint lorsqu’elle s’était confrontée au Rêveur Noir. Elle avait fait appel à l’arcane de l’Âme, pour déverser son énergie vitale dans son corps, pour combattre l’épuisement et recouvrer ses forces. Zélie lui avait dit que c’était un acte de haute magie. Une dangereuse prouesse qui avait manqué de lui coûter la vie.
L’arcane de l’Âme... le seul qu’elle ne parvenait pas à combiner avec les cinq autres. Le seul auquel elle n’avait pu faire appel lorsqu’elle avait purgé Astrid puis Tamara de la Corruption. Elle n’avait pas davantage pu le convoquer avec les autres lors de sa tentative avortée pour sauver Damien. Elle n’était parvenue qu’à l’invoquer seul. Le pouvoir de l’Âme était celui des guérisseurs. Celui qui soignait les corps et les esprits meurtris. Séréna avait été fort étonnée de ne pas avoir eu besoin de s’en servir pour lutter contre la Corruption.
Les Centraliens qui possédaient la Magie de l’Âme comme arcane de prédilection avaient disparu depuis plusieurs décennies. Les Mages qui suivaient la voie de la Guérison comme Zélie avaient tous un arcane majeur différent. Ils se spécialisaient dans les pouvoirs de l’Âme par choix et non parce qu’ils y étaient destinés.
En y réfléchissant, c’était étrange. Mais, les Centraliens eux-mêmes n’avaient pas toutes les réponses sur la magie, même s’ils l’étudiaient depuis des millénaires. Cependant, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si en réitérant son exploit accompli sur la Lune de Tamara, elle ne disposerait pas de suffisamment de pouvoir pour briser le verrou de la Reine. Elle s’interdit d’aller plus avant dans ce genre de réflexion. Elle était déjà dans une position suffisamment délicate pour ne pas tenter de s’attirer de nouveau les foudres de la souveraine. Cette dernière avait fait preuve d’indulgence une fois. En revanche, cet état de fait ne durerait pas éternellement si Séréna continuait de ne pas respecter les règles du jeu.
Trois coups frappés à la porte interrompirent le cours des pensées de Séréna. Charlie et Lénaic, firent irruption dans la chambre. Ils ne portaient plus leurs uniformes de Guetteurs, mais plutôt ce qui ressemblait à des vêtements de voyage. La Reine lui avait pourtant assuré que ses amis ne seraient pas inquiétés. Avaient-ils malgré tout été relevés de leurs fonctions ? Elle brisa maladroitement le silence :
- Je suis tellement désolée. Excusez-moi de ne pas vous avoir écoutée et de vous avoir menti sur mon intention d’aller sauver Damien. J’aurais dû me confier à vous au lieu de vouloir tout endosser seule. Mais, les habitudes ont la vie dure, je suppose.
- Séréna, répondit Charlie en posant la main sur son épaule. Nous comprenons pourquoi tu l’as fait. Ce n’était pas la meilleure décision, mais comment te blâmer d’avoir voulu sauver ton ami ? Ce qui est fait est fait à présent. N’en parlons plus et passons à autre chose. Le Rite aura lieu demain soir. Nous voulions te voir avant de partir pour les Monts-Creux. Nous allons voyager séparément du Prince et toi pour brouiller les pistes.
– Oh, fit Séréna une main sur le cœur. En vous voyant habillés ainsi, j’ai eu peur qu’on vous ait quand même éloignés.
– Non, ne t’inquiète pas, affirma Lénaïc. Nous désirons seulement être discrets, pour ne pas attirer l’attention de nos ennemis.
– Et Enzo ? demanda la Rêveuse. Il avait l’air d’être tellement furieux contre moi. Je ne veux pas être responsable d’une discorde entre lui et toi Charlie.
– Enzo est en colère, expliqua la Guetteuse avec un sourire triste. Mais, c’est surtout contre lui-même. Il se sent responsable de n’avoir pu protéger Damien du Rêveur Noir, ce qui t’a contrainte à prendre des risques insensés pour tenter de le faire à sa place.
Elle soupira et sourit malgré tout avant de reprendre :
- Ne t’en fais pas pour ça, notre couple en a vu d’autres. Quant à toi, il te pardonnera, j’en suis sûre. Laisse-lui un peu de temps. Nous devons partir maintenant. Nous nous retrouverons demain.
Alors que Charlie tournait les talons, Lenaïc continuait de fixer Séréna.
– J’arrive dans une minute, dit-il à Charlie qui lui jeta un regard d’avertissement. Séréna, je dois te dire quelque-chose. C’est important et je... je pense que tu devrais savoir que...
Séréna comprit immédiatement où son Guetteur voulait en venir. Ce n’était ni l’endroit, ni le moment. Alors, elle l’interrompit avec douceur :
- Lenaïc, tu es un ami incroyable. Ce que nous avons traversé... C’est intense et complexe. Merci de m’avoir sauvé encore une fois. L’amitié que nous partageons, c’est ce qui nous rend si forts ensemble.
- Oui, tu as raison, acquiesça-t-il, un peu pris de court. L’amitié est ce qui compte le plus. Je voulais juste te dire... que je m’assurerais que tu sois en sécurité là-bas.
Un sourire tendre et reconnaissant illumina le visage de Séréna. Le Guetteur rougit et la quitta non sans un dernier regard. La jeune femme soupira.Tu viens juste de friendzoner un des garçons les plus gentils que tu aies jamais rencontré. Tu dois être folle.Puis, elle repensa à la main du Prince Armand sur son visage et à ses dernières paroles :Vouspourrez toujours compter sur moi Séréna.Elle sourit malgré elle.Folle, peut-être... Romantique et idéaliste, certainement. En espérant que tu n’ais pas à le regretter.
Le soir venu, elle emballa le peu d’affaires qu’elle possédait dans un unique sac et la Rectrice, le visage impénétrable, proclipsa Séréna et ses gardiens dans le hall des Magiciens du palais.
Le prince les y attendait. Il portait des vêtements plus simples que d’habitude : une chemise cintrée et un pantalon qui ressemblait à s’y méprendre à une tenue d’équitation Terranéenne. Le tout mettait le corps du jeune homme, sculpté par des années d’entraînement martial, en valeur en soulignant chaque courbe de ses muscles. Armand lui sourit et Séréna sentit son pouls s’accélérer. Elle lui rendit son sourire et il congédia les deux soldats d’un signe de tête.
Ignorant quel moyen exact, ils allaient utiliser pour ce voyage, elle avait opté pour une tunique et un pantalon confortable parmi les effets que Charlie lui avait procurés. Ses cheveux étaient tressés et relevés dans un chignon qui tenait avec des épingles.
- Je suis tellement navré de ce qui s’est passé ce matin, commença Armand. Je sais que vous pensez avoir commis une erreur et mériter votre sort, mais personne ne devrait être blâmé pour avoir tenté de secourir un ami.
- Vous savez Armand, j’ai eu la journée pour y réfléchir, répondit-elle. Et, je pense que ça n’est pas pour cela que votre mère a restreint mon pouvoir, mais plutôt pour me faire prendre conscience de sa puissance et des risques liés à son mésusage.
– C’est une interprétation sage, admit le Prince, appuyant son regard bleu acier dans le sien. Ma mère est exigeante. Toutefois, cette restriction ne durera pas. La Reine n’aura d’autres choix que de restaurer vos pouvoirs une fois que vous aurez accompli le Rite et que vous nous aurez prouvé à tous votre force et votre détermination.
– Votre soutien signifie beaucoup pour moi Armand, lui dit-elle, une lueur de gratitude dans le regard. Alors comment allons-nous nous rendre dans les Monts-Creux ? Est-ce un des Hauts-Mages qui va se charger de nous proclipser ? Votre mère en personne peut-être ?
– Pas exactement, sourit le guerrier. Le Conseil souhaitait, en effet, que nous recourions à la proclipsion, mais j’ai soumis une autre proposition qui a été accepté à l’unanimité.
– Laquelle ? fit Séréna de plus en plus intriguée.
Armand se contenta de lui sourire en lui faisant signe de la suivre. La nuit tombait progressivement sur Centralia, et les premières lunes apparaissaient dans le ciel. Le prince mena la Rêveuse à travers le palais jusqu’aux écuries. Un palefrenier semblait les attendre en tenant les rênes de la créature la plus belle que Séréna eut jamais vue. Un immense cheval à la robe alezane et le long de ses flancs, repliées étroitement, se trouvait des ailes qui, une fois déployées, révéleraient une envergure impressionnante. Très semblable aux pégases de la Mythologie Terriennes, hormis que ces derniers étaient toujours décrits avec une robe blanche.
Séréna avait lu quelque-chose à propos des chevaux ailés Centraliens. Ils étaient rares et précieux et une fois qu’ils avaient choisi un cavalier, un lien puissant et indéfectible reliait le Centralien à sa monture. Les astralyons, comme ils étaient nommés, n’acceptaient d’être montés que par l’humain qu’ils avaient choisi. Depuis deux-mille ans, la famille royale et une poignée d’élus chevauchaient ces bêtes magnifiques.
Séréna demeura un moment sans voix devant l’astralyon du Prince. Armand se rapprocha de sa monture et prit les rênes des mains de son palefrenier. Il caressa lui délicatement le museau, et la bête ferma un instant les yeux et souffla doucement comme pour saluer son maître.
- Voici Kernel, il possède sa propre magie et sera notre monture pour le voyage vers les Monts-Creux. Kernel, je te présente Séréna Kellerwick.
– C’est... Il est splendide, murmura Séréna avec admiration.
Kernel hennit joyeusement comme s’il avait compris les paroles de la jeune femme. Elle se rappela que le livre précisait que les astralyons étaient extrêmement intelligents. Elle s’approcha à son tour de la créature et lui flatta l’encolure. Kernel inclina la tête comme pour l’encourager à continuer. Son pelage était chaud et doux sous sa main et Séréna ressentit la magie qui émanait de l’animal. Différente de la sienne, mais tout aussi puissante.
- On dirait qu’il vous apprécie, constata Armand. C’est un fait rare. Kernel n’accorde pas aisément sa confiance.
- Je suis flattée, répondit-elle. Mais, je crains d’être plutôt mauvaise cavalière.
Sa seule expérience équestre avait eu lieu alors qu’elle était encore élève infirmière. En stage en Maison d’Accueil Spécialisée, l’infirmière référente avait insisté pour que Séréna participe à une séance d’équithérapie avec les patients. Si ces derniers avaient été très heureux de la voir monter à cheval avec eux, elle-même n’avait pas réellement apprécié l’expérience.
Il ne restait à sa disposition qu’une bête si grande qu’elle avait eu une peur panique de chuter de son dos. Elle s’était réveillée le lendemain avec des courbatures dans des muscles dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Elle se sentit rougir à ce souvenir et elle n’eut pas la moindre envie de le partager avec le prince qui se serait sûrement moqué d’elle.
- Ne vous inquiétez pas, la rassura Armand. Je monte Kernel depuis l’âge de quinze ans. Je le dirigerai et vous n’aurez qu’à bien vous tenir.
- Je croyais que les astralyons n’acceptaient qu’un seul cavalier ? demanda-t-elle.
- C’est le cas, affirma-t-il. Mais, Kernel vous laissera monter si je suis avec vous.
Elle hocha la tête, pas vraiment rassurée. Armand lui prit son sac pour le déposer dans une des deux sacoches installées sur la croupe de l’astralyon. Puis il grimpa souplement sur le dos de Kernel et tendit la main à Séréna pour l’aider à monter à son tour. Séréna hésita. Peut-être aurait-elle préféré qu’on les proclipsent plutôt que de devoir voyager sur le dos d’une créature mythologique, son corps bien trop proche de celui du Prince du Monde Central. Mais, il n’était pas question d’avouer devant lui qu’elle avait peur. Alors, elle saisit la main tendue d’Armand et se jucha sur le dos de la monture juste devant le Prince. Il serra autour d’elle ses bras vigoureux, saisit fermement les rênes et claqua la langue tout en talonnant l’astralyon. Kernel déploya ses ailes et s’élança dans la chaude nuit Centralienne.
Le cri poussé par Séréna lorsqu’ils quittèrent le sol fut couvert par le sifflement du vent dans ses oreilles. Le sol s’éloignait à toute vitesse, et elle ferma les yeux en s’accrochant de son mieux à la crinière et au cou de l’astralyon. Elle se souvint comme le vol à dos de créatures ailées étaient souvent décris et s’attendit à une sensation inconfortable. Mais, il n’en fut rien. Kernel s’élevait dans les airs sans à-coups désagréables. Au contraire, le vol lui paraissait étrangement stable. Cependant, elle ne parvenait toujours pas à relâcher la tension de ses muscles.
- Armand, déclara-t-elle, ses yeux toujours fermement clos. Il se pourrait que j’aie omis de vous préciser quelque chose d’important.
- Quoi donc? interrogea-t-il, surprit.
- J’ai très peur du vide, depuis toujours, avoua-t-elle. Et, là maintenant, tout de suite, je ne suis pas très rassurée.
Le Prince ne répondit pas immédiatement, mais il resserra sa prise autour d’elle. Séréna n’était pas prête à le reconnaître, mais elle lui en fut reconnaissante.
- Attendez, répondit-il. Vous êtes en train de me dire que Séréna Kellerwick à la langue si bien pendue, sauveuse de Corrompu, et qui n’a pas reculé devant le Rêveur Noir... à le vertige ?
- Ne vous moquez pas de moi, s’il vous plaît, implora-t-elle. Je m’en suis rendu-compte quand j’avais huit ou neuf ans. Nous avions un cours d’initiation à l’escalade et une fois que je me suis trouvée à quelques mètres du sol et que j’ai regardé en bas... Je me suis retrouvée complètement tétanisée. Maintenant, nous sommes bien plus hauts que quelques mètres !
Armand éclata de rire. Un rire clair et franc qui réchauffa l’âme de Séréna. Le souffle du Prince lui chatouille l’oreille quand il reprit la parole d’une voix douce :
- Ouvrez les yeux, Kellerwick.
- Je n’oserai jamais, répondit-elle, le cœur battant.
- Faites-moi confiance, insista-t-il. Ouvrez les yeux, mais ne regardez pas en bas. Je vous tiens et je ne vous laisserai pas tomber.
Mue par une assurance qu’elle ne pensait pas ressentir, Séréna se décida à ouvrir les yeux. Le spectacle était à couper le souffle. Elle avait oublié qu’ils étaient à la veille de la nuit des Lueurs Sélénites. Le soir où le Monde Central comptait le plus de lunes pleines dans son ciel. La nuit qui précédait cette célébration était déjà, on ne peut plus spectaculaire.
Si haut dans le ciel sans nuages, les lunes semblaient les cerner, baignant la nuit de leurs couleurs variées. Séréna en oublia son vertige. Elle sentait la magie des astres, celle de Kernel et la sienne se mêler dans un chant aussi vieux que les mondes. Un sourire naquit sur les lèvres et des étoiles dansèrent dans ses yeux. *
Armand la serra un peu plus fort contre lui sans qu’elle cherche à le repousser. À l’instar de ce qu’elle avait ressenti lorsqu’elle s’était retrouvée pour la première fois dans son univers onirique, Séréna se trouva étrangement apaisée et à sa place. Elle n’osait toujours pas regarder en bas, mais droit devant elle se dressait un immense massif montagneux qui grandissait à vue d’œil. Les montagnes, nimbées par la lumière des Lunes, ressemblaient à d’antiques créatures endormies.
- Est-ce les Monts-Creux ? demanda-t-elle.
- Oui, confirma-t-il. Nous atteindrons Sous le Rocd’ici à deux heures environ.
-Sous le Roc? interrogea-t-elle.
- Oui, répondit-il. C’est la résidence royale qui se trouve non loin du village des Enchanteurs. Toujours par soucis de discrétion, nous resterons là-bas, vous et moi jusqu’au début du Rite demain soir.
- Est-ce que vous vous rendez souvent dans cette résidence ? continua-t-elle curieuse.
- Lorsque nous étions enfants, ma sœur et moi, expliqua-t-il. Nos parents nous y emmenaient aussi fréquemment qu’ils le pouvaient. Là-bas, ils étaient simplement... Nos parents. Pas les Souverains du Monde Central. C’est un des rares endroits où nous pouvons échapper quelque peu à la pression du protocole. Ma mère possède d’autres résidences disséminées sur tout le territoire où ils nous arrivent de recevoir des dirigeants étrangers, mais jamais àSous le Roc. Trop proche des grottes sacrées.
- Je serai donc la première ressortissante étrangère à m’approcher si près de votre ressource magique la plus précieuse ?
- Vous n’êtes pas une étrangère Séréna, répondit Armand avec douceur. Du sang Centralien coule dans vos veines.
Il avait raison, songea-t-elle. Malgré tout ce qui s’était passé, Séréna ne pouvait nier l’appel profond de ce monde. Elle l’avait ressenti dès son arrivée, comme un écho à une partie d’elle-même longtemps ignorée.
- C’est juste Armand. Mais, admettez que ma situation est plutôt unique, murmura-t-elle, le regard toujours fixé sur l’horizon lointain. Et, je crains que ma mission ne soit pas des plus simples.
- Je pensais ce que je vous ai dit ce matin, souffla-t-il contre sa nuque. Vous pourrez toujours compter sur moi Séréna.
Elle acquiesça tout en frissonnant de le sentir si proche d’elle. Le reste du vol se passa dans un silence confortable, chacun perdu dans ses pensées, se préparant mentalement à ce qui les attendait. Séréna sentait la chaleur d’Armand derrière elle. Malgré le défi imminent, elle se sentait étrangement sereine, portée par la magie de la nuit et la présence rassurante du prince à ses côtés.
Annotations