5 - Le premier mariage de tante Céline
Assise dans un coin, épuisée par la musique tonitruante et par ses presque huit mois de grossesse, Axelle regardait sa famille et autres nombreux invités danser à quelques mètres d’elle. C’était le mariage de sa sœur, Céline, et cette dernière avait organisé LE gros événement de l’année. Elle voulait un mariage spectaculaire et le compte en banque de son promis avait réalisé ses rêves.
C’était peut-être trop pour Axelle, qui avait opté pour un mariage sobre mais parfait en tous points de vue. Tout ce qui importait pour elle était de se lier à l’amour de sa vie, pas tout ce qu’il y avait autour. Céline, elle, avait toujours eu des goûts plus flamboyants et l’art de la démesure. Elle avait longtemps papillonné, mais cette fois elle avait juré sur ses grands dieux qu’elle aussi avait trouvé l’amour de sa vie.
Et quand Céline voulait quelque chose, elle l’obtenait, comme la présence de sa sœur à ses côtés. Axelle était touchée, mais elle n’en pouvait plus à cause de sa grossesse. Elle portait son premier enfant et ne s’était pas attendue à ces soudains coups de barre et cette impression écrasante de lourdeur. Comment un petit bébé pouvait-il lui demander autant d’énergie rien que pour se déplacer ? Elle avait demandé à Céline s’il était possible d’attendre la naissance pour se marier, en pure perte : sa sœur était folle d’impatience d’épouser son superbe fiancé et de partir en lune de miel à l’île Maurice avec lui. Axelle avait donc cédé en espérant naïvement pouvoir tenir le coup.
Ce n’était pas du tout le cas. Elle faisait son possible pour ne pas s’endormir sur sa chaise, et ce qui l’aidait le mieux était sa vessie capricieuse qui se rappelait à son bon souvenir toutes les vingt minutes. Impossible de bien dormir tant elle lui donnait l’impression qu’elle allait exploser même quand elle n’avait quasiment rien bu. Quant au bébé, la musique devait le déranger ou bien lui plaire car il dansait la gigue dans son ventre et appuyait encore plus sur le pauvre organe déjà bien sollicité.
Axelle avait cru s’être éclipsée discrètement, mais c’était mal connaître sa sœur. Imposante dans sa robe de princesse pleine de satin, de perles, de fleurs en dentelle et de taffetas, Céline était venue la chercher pour LA danse de la soirée, après celle d’ouverture avec son mari, bien sûr. Axelle avait bien tenté de décliner la proposition mais déjà Céline les tirait, elle et le bébé, sur la piste de danse.
- Quelques secondes, pas plus, Bébé n’est pas content, plaida la future maman avec un sourire épuisé et en remuant maladroitement.
Quelques secondes, cela fut plus que suffisant pour agiter le bébé et perdre les eaux devant tout le monde. Céline eut tout de même la présence d’esprit de reculer et de mettre le bas de sa robe à l’abri, au cas où. Il eut beau y avoir des parents parmi les convives, seul Axelle et son époux, Calixte, eurent la présence d’esprit d’appeler les secours.
Ainsi naquit leur fils, Alix, et la mariée devint la tante Céline.
- J’étais très bien, au chaud dans le ventre de Maman, et tu m’as forcé à sortir prématurément ! Tu me pourris la vie depuis le début avec tes mariages ! lui reprochera-t-il, des années plus tard, durant son quatrième mariage.

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