Chapitre 2 - Bidet
Les toilettes unisexe sont très agréables. La lumière est presque tamisée et le pot pourri sent les coquelicots fraîchement cueillis. Il y a une douche, des produits menstruels et des brosses à dents à usage unique. Si on tend l’oreille, on peut même percevoir une musique d’ambiance comme dans les salons de massage. Je profite de mes cinq minutes de calme avant mon prochain meeting.
Assis sur le trône, j’ai terminé d’éjecter mon petit déjeuné . C'est la semaine inclusive. L’écran près de la porte diffuse en permanence des photos d’employés issus de la diversité. Entre les couples homosexuels et les employées voilées, l’écran affiche un homme enceint. Il doit avoir la quarantaine bien tassée, les cheveux gris, il regarde son ventre avec tendresse le tenant d’une main. On pourrait se demander s’il ne caresse simplement pas son bide à bière, mais on ne rigole pas avec ces choses-là.
Je me saisis de la télécommande et je presse le bouton qui propulse l’eau de la chiotte japonaise directement dans mon trou du cul pour le nettoyer. Je pousse un cri. Le jet me brûle l’anus. La douleur est effroyable. Un technicien a dû se tromper et a réglé le thermostat sur le programme cuisson rapide. Je suis trop décontenancé pour couper le jet directement et j’essaye de bloquer la fontaine avec mes mains que je brûle au passage. Je me retrouve par terre, trempé et le cul encore sale avec le bidet qui continue d’envoyer son flux continu de Kärcher de l’enfer.
Je reprends rapidement mes esprits et je me relève, le pantalon aux chevilles, Je coupe l’eau grâce à la télécommande et je me tartine le trou de balle de crème pour les mains à défaut d'autre chose. J’ai les larmes qui me coulent le long des joues. Je reste de longues minutes accroupi à maudire ce putain de jet kérosène qui a cuit mon oignon au bain marie. Quand la douleur se calme j’enfile mon boxer à carreaux bleus et rouges, mon chino beige et je me lave les mains. Je regarde ma montre, vingt minutes ont passé, j’ai loupé le meeting.
C’est à ce moment que les lumières s’éteignent et le flash se met à clignoter. Bientôt une alarme se déclenche. Le son tonitruant est à peine supportable. Je défait le verrou et sors de mon petit oasis de bien-être. Les lumières sont éteintes dans tout l’étage et l’alarme continue de sonner. Je cherche mes collègues mais je ne vois personne. L’étage est désert. J’entends des pas derrière moi. Je me retourne et je la vois.
Ses cheveux violets sont tirés vers l’arrière et sont maintenus par un masque de ski qui cache ses yeux. Elle est vêtue d’un treilli noir et ses bottes couinent sur le sol en beton brossé de l’open space du 36ème étage. Elle porte un brassard au couleur arc-en-ciel et elle soutient la mire de son fusil automatique AR15 à son œil droit. Elle ne m’a pas encore remarqué. J’essaye de retourner m’enfermer dans les toilettes mais elle m’aperçoit. Elle me vise, mes yeux s'écarquillent. Je fuis en gémissant, j’étends les balles ricocher sur les murs. Je trébuche juste avant l’escalier qui monte à l’étage suivant et je m’étale de tout mon long. Je me retourne, je la vois arriver, je ne distingue pas ses yeux à travers son masque, mais elle sourit. Je mouille mon pantalon et je ferme les yeux.
Quand je les rouvre. Les jumelles sont devant moi. Elles ont fusionné leur corps respectifs dans un enchevêtrement bizarre de bras et de jambes. Elles mesurent maintenant deux mètres cinquante et se déplacent en produisant des bruits de machine. Une tête sur le haut du corps et une encastrée dans le dos qui en qui me fixe de son regard vide. La jeune fille n’a aucune chance. Le droïde s’approche d’elle d’un mouvement si rapide qu’il est à peine visible. Les coups de feux retentissent mais sont déviés vers le plafond du bras géant des deux sœurs. J’assiste aux derniers instants de la guerrière. La chimère saisit les deux bras de la terroriste et la lève vers le plafond. Les jumelles tirent de chaque côté et finissent par l’écarteler dans une explosion de sang. La jeune fille hurle de douleur, j’enfonce mes doigts dans mes oreilles pour ne plus l’entendre. Elle tombe par terre, ses cris ne sont plus que des râles gutturaux humides. Le robot tient les deux bras arrachés, un dans chaque pince. La vision d’horreur et le choc me font dégueuler mon lox sur mes chaussures.
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