Chapitre 1: Le nouveau

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La nuit est tombée. Je marche dans un jardin plongé dans l’obscurité par hasard, sans but. Seul le bruit de mes pas résonne. À chaque pas, l’obscurité m’engloutit tandis que mes yeux s’habituent peu à peu à ces ténèbres. Je m’avance en direction d’un immense arbre, la seule chose que je peux apercevoir avec précision. En levant le regard, je ne distingue pas la cime. Les poils de ma nuque se hérissent. Pourquoi cet arbre est-il si grand ? En plissant les yeux, j’arrive à distinguer la silhouette de son tronc qui me semble énorme et de ses longues branches. De loin, je pourrai le comparer à un épouvantail géant. Cette pensée me glace le sang et je prend une inspiration. Je m’approche de la silhouette quand tout d’un coup, je sens quelque chose derrière moi.

Je me retourne, le cœur battant.

Rien.

Ce n’est que de la brume, je continue à marcher. Je trébuche dans l’herbe, nerveuse. Soudain une lumière rouge apparaît de plus en plus forte illuminant le reste du jardin. J’en profite pour jeter un regard aux alentours. Il n’y a rien, seulement de l’herbe et cet arbre anormalement haut. Peut-être me trouvais-je dans un jardin d’une demeure ? Je l’ignore. L’instinct me dit de suivre cette lumière mais je me retourne et m’élance du coté opposé. Je me rends vite compte que je n’ai pas pris la bonne décision. Plus la lumière est loin de moi, plus je sens ma peau brûler et mes poumons s’enflammer. Je m’affole, les mains à mon cou. Impossible de respirer. Je cours dans tous les sens. Une grande flamme surgit, et me pénètre à l’intérieur, juste à l’endroit où se trouve mon cœur, à gauche. Je hurle, secoue mes cheveux comme une hystérique. Que me fait cette flamme ? J’ai chaud. Mes genoux me trahissent et je sombre dans ce mélange de chaleur et de flamme, et de cendres, désespérée.

Je me réveille en sursaut, trempée de sueur. Pendant une seconde, je ne sais plus où je suis puis je reconnais mes meubles familiers et les contours rassurants de ma chambre.

J’essaie de reprendre mon souffle en regardant le plafond. Je passe une main tremblante sur mon front et constate qu’il est humide.

Je m’appelle Raquel et j’ai des rêves. Je pourrais les qualifier de cauchemars puisqu’ils provoquent en moi une sourde angoisse. Mais je préfère les appeler rêves.

Depuis un an, j’ai ce rêve au moins une fois par mois et je ne sais comment l’interpréter. La première fois que je l’ai eu, je me suis levée avec un cri de douleur : ça paraissait tellement réel. Je croyais vraiment que je brûlais. Même maintenant, parfois lorsque je ferme les yeux en cours, je revois la silhouette de cet arbre qui me terrifie. Cette nuit là, j’ai dû rassurer ma mère plusieurs fois avant qu’elle ne retourne se coucher. Je n’avais pas envie de lui causer des soucis. Même mon frère Ben s’était levé pour voir ce qu’il se passait, le visage encore endormi. J’étais étonnée et bouleversée, je n’avais jamais eu beaucoup de rêves ou de cauchemars jusqu’à présent, à part les typiques cauchemars quand j’étais enfant. Ce rêve ou ce cauchemar, je ne saurais comment le qualifier, il m’a tellement atteint, tellement brusquée que je peinais à croire que ce n’était que mon imagination de mon conscient ou subconscient.

Je n’ai révélé le contenu de mes rêves à personne même pas à mes amis ou à mes parents. Malgré l’insistance de ma mère, je n’ai pipé mot. Je fais confiance à mes parents et à mon frère, mais je pense cela inapproprié de leur confesser mon rêve. J’ai comme l’impression qu’ils ne pourraient pas comprendre. C’est un mystère pour moi. Si je leur racontais que ce rêve se produit régulièrement, ils contacteraient sûrement un psychologue et c’est justement ce que je ne veux pas. Autrefois je me réveillais en criant, le front ruisselant de sueur. Maintenant je me réveille seulement en sursaut. Le rêve en soi ne me fait pas très peur : ce ne sont que des ténèbres et un arbre. Plus qu’autre chose, c’est la sensation de dépendre de la lumière rouge et de brûler qui m’angoisse. C’est cette même idée de dépendance qui me donne des frissons en sortant du lit. Je constate qu’il est presque l’heure de me réveiller pour aller en cours alors. Je me douche et m’habille. Pendant que je fais mon sac, quelqu’un toque à ma porte, ça doit être la vraie heure de se réveiller et non pas vingt minutes avant.

– Je t’ai entendue te doucher, tu as fais un mauvais rêve ? demanda mon frère, les yeux plissés, l’air suspicieux.

Il sait que je ne me douche jamais le matin.

– Non non, Ben, c’est juste que j’avais oublié de me laver hier en rentrant, mentis-je.

– Si tu le dis. Il me fixe un instant.

– Quoi ? Je déteste les gens qui me fixent. J’en résulte toujours gênée, j’ai l’impression d’être un rat de laboratoire.

– Pourquoi tu me mens ? Je sais que tu as fait un cauchemar, ça se note rien qu’a voir l’expression sur ton visage, répondit-il en haussant la voix.

Ah bon ? Ça se voit sur mon visage ? En fin de compte, je ne réussis pas trop à cacher mes émotions. L’expression du visage de mon frère me revient, inquiet et suspicieux. Je n’aime pas cette expression. C’est pour ça que je ne dis rien à propos de mes rêves fréquents. À quoi ça sert ? À voir ce regard ? Non merci.

– Écoute, dis-je en contrôlant ma voix, je vais bien, tu n’as pas à t’inquiéter. D’accord ? Il hoche la tête et descend les escaliers.

J’ai toujours eu une très bonne relation avec mon frère, avec des petites querelles ici et là, le normal, entre frère et sœur. Mon père n’a jamais eu une bonne relation avec sa sœur, il a donc fait en sorte que cela ne se produise pas avec nous. Mais Ben était parfois très sensible et… mature pour son age. Il peut détecter des choses que les enfants de son age ne sont pas censés détecter. Comme le fait d’avoir fait un mauvais cauchemar ou de deviner une dispute avec mes amis.

Je fini mon petit-déjeuner calmement, prenant soin de ne pas penser à mon cauchemar pour l’enième fois. Ma mère m’embrasse sur la joue avant de partir travailler et je la suis peu après avec Ben.

L’automne bat son plein : un vent frais s’est levé tandis que je referme les pans de ma veste. Mes yeux se concentrent sur les différentes couleurs des arbres : jaune, orange, rouge. Nous montons dans le bus scolaire et je me dirige vers une place en précis.

– Hey ! lance Sue en m’asseyant à cote d’elle.

– Salut !

Sue est une de mes meilleurs amies, on se connaît depuis le collège. Elle est blonde avec des yeux tombants bruns et des lèvres minces. Elle fait toujours des maquillages de sorte à les étirer vers le haut. En plus, elle m’assure de vouloir s’opérer à ses dix-huit ans. Je lui ai toujours dit que ça ne vaut pas la peine de gaspiller tant d’argent. Je la trouve jolie comme elle est.

– Il me semble qu’il y a un nouveau qui vient, révèle-t-elle à peine mes fesses ont touché le siège dans lequel je m’affaisse.

– Qui a dit ça ? Je ne crois pas que ce soit vrai, on est à Chino Hills Sue, pas à Los Angeles. Autrement dit, peu de nouvelles personnes viennent dans le coin.

– Je ne sais pas. Je crois que c’est le fils du directeur qui l’a dit. Alessio ? Ah oui je l’ai oublié, le fils du directeur. Nous sommes aux États-Unis mais le directeur du lycée est italien. Alessio n’est pas un frimeur, mais il peut se montrer capable de l’être parfois en utilisant sa beauté italienne. Beaucoup de filles tombent pour lui. Je hausse les épaules et visse mes écouteurs sur mes oreilles pendant le reste du trajet. C’est toujours ainsi quand je fais ce cauchemar, je ne me sens pas bien et j’ai toujours envie de rester un peu dans ma bulle avant de me mettre au travail. Sue comprends que je n’ai pas envie de m’étaler sur ses passionnants ragots et enfile ses casques.

Au lycée tout le monde est excité par l’arrivée de cette mystérieuse personne. Je me demande toujours comment les nouvelles se dispersent aussi vite. En réalité, je suis un peu angoissée. Moi, je m’adapte aux gens, je m’habitue à leur timidité, à leurs rires débiles, à leur indifférence, à leurs petites manies. Devoir m’adapter de nouveau à cette nouvelle personne ne me réjouissais pas.

Je suis Sue qui se dirige au pas de course vers notre premier cours. Je prend place au deuxième rang et pose mon menton sur mes mains. Une certaine nervosité me ronge les tripes. Sue a dit que c’était « un nouveau », donc c’est probable que ce soit un garçon. Je soupire, pire encore, je ne suis pas la plus douée à ce sujet. Je manque un battement quand le professeur d’histoire entre en classe et nous annonce l’arrivée d’une « nouvelle personne au sein de notre classe ».

– Bonjour à tous. Avant de continuer le cours de la semaine dernière, nous avons un nouvel élève parmi nous. Je t’en pris Jim. Le prof fait signe au garçon d’entrer.

Un garçon s’approche et entre. Aussitôt commence mon observation, je ne peux pas m’en empêcher : yeux bleus, cheveux châtains clairs, de haute taille mais mince avec de belles épaules larges. Des sourcils bien taillés viennent ancrer son regard clair qui semble absorber tout ce qui se trouve autour de lui. Pendant un instant il scanne la classe, sans doute en quête d’une personne qu’il connaît mais son regard se fixe soudainement sur moi. Je surprend un éclat dans ses yeux. Ses lèvres frémissent. Je le regarde surprise, puis baisse les yeux rapidement. Sa posture, son assurance montrent quelque chose à son sujet dont je ne saurais mettre le doigt dessus. J’ose le regarder à nouveau pendant qu’il se présente brièvement. Il parle avec aise et lance même une blague. Ses yeux me sondent rapidement et il se dirige à une table en diagonale à la mienne. C’est la première fois qu’une nouvelle personne arrive au lycée en octobre. Je ne sais pas si c’est juste fruit du hasard qu’il a voulu changé d’école après un mois du début des cours, ou s’il s’est passé quelque chose dans son ancien lycée. Je mâchouille la pointe de mon stylo. Ça présence pointillait ma curiosité. Il n’a pas l’air d’ici. Enfin, il a l’air américain mais il dégage quelque chose. Une confiance en soi. Que fait-il ici ? Comme je l’ai dis, Chino Hills n’ai pas la destination la plus souhaitée.

– J’espère que vous l’accueilliez comme il se doit. Je vous souhaite Mr Clark, une merveilleuse rentrée, déclara le professeur avec une mine faussement enjouée qui me fit esquisser un sourire. Là dessus, il commença son cours et nous à prendre des notes, suivant le flot de paroles qui jaillissaient de sa bouche.

Pendant tout le cours j’essayais de me concentrer sur les cartes et les leçons de géopolitique mais je sentais le regard du nouveau sur moi. Pourtant à chaque fois que je tournais la tête vers lui, il esquivait soigneusement mon regard ce qui m’agaçait profondément. Je ne sais pas s’il ma regardé ou s’il m’a juste passé en revue, comme un mec normal. J’ai l’impression d’être une fille dramatique qui pense au moindre détail. Je soupire et me masse le cou. Mais j’ai vraiment eu l’impression qu’il m’a contemplé. Certains garçons me lancent des regards mais ce n’est pas la même chose. Lorsqu’il leva la main, un stylo entre ses doigts, je remarquai qu’il est gaucher. Comme moi. C’est une sorte d’automatisme un peu. C’est un fait que les gauchers sont moins nombreux que les droitiers. Beaucoup moins nombreux. [...]

– Moi je le trouve super canon, rétorqua Madison. Madison, mon autre meilleur amie, elle est très sympathique et compte beaucoup pour moi, mais parfois elle peut se montrer un peu trop directe et insistante. Elle a toujours eu un faible excessif au sujet des garçons, contrairement à moi. Enfin, je suis intéressée par les garçons mais je n’ai pas eu autant d’histoires qu’elles. Elle est plus osée. Ses cheveux roux sont attachés en un haut chignon, mettant en valeur ses grandes créoles. On se connaît aussi depuis le collège mais depuis moins d’années qu’avec Sue.

– C’est vrai qu’il est canon. Il est beau même, admis-je en baissant la voix, vu qu’il se situait à quelques pas de nous avec ses nouveaux amis. Il est social apparemment. Sue hoche la tête à mon commentaire en souriant.

– Vous pensez pas que c’est un peu étrange qu’il arrive en octobre ? Demande-t-elle.

– Oui ! Je m’exclame un peu trop fort. C’est ce que je pensais aussi. Il a dû peut-être se passer quelque chose dans son ancien lycée.

– Je crois pas, riposte Madison. Il n’a pas l’air timide et il est beau. Je ne pense pas qu’il ait été victime de harcèlement.

Non, ça c’était sûr, pensai-je. Quoique, on ne connaît jamais assez quelqu’un.

– Il est plutôt mon type, reprend Madison. Je pouffe et secoue la tête.

– C’est quoi ton type au juste ? Tous les mecs ? Je demande avec ironie. Elle me tape le bras.

– Arrête, je vais pas avec autant de gars. Je me disais juste peut-être je peux lui proposer de lui donner mes cours. Elle nous cligne de l’œil.

Je jette un coup d’œil dans sa direction. Il porte un jean troué avec un pull à capuche noir qui fait ressortir la couleur de ses cheveux bruns clairs.

Sans m’en rendre compte, je me surprend à l’observer. Le sentiment qu’il n’est pas d’ici me revient de plein fouet. Il n’a pas l’air d’ici. Je peux le sentir dans mes entrailles. Je ne peux m’empêcher de l’observer du coin de l’œil pour savoir d’où il vient. Mais évidemment, ce n’est pas comme ça que je vais le savoir.

Pendant toute la pause dej, je me force de manger et ne pas trop penser au nouveau. C’est bête. C’est la première fois que je ressens un tel intérêt pour quelqu’un. Pas dans le sens physique. Il m’intrigue au plus haut point. Je surprend son regard à quelques reprises et décide de ne pas m’attarder. Nous finissons de manger et sortons. Madison veut retoucher son maquillage alors nous l’accompagnons aux toilettes.

– Tu pourrais lui passer les cours alors Raquel puisque je suis trop gourmande de garçons. Madison bouge les sourcils subjectivement.

– Moi ? Pourquoi ? Non, merci. Je croise les bras.

– Fais pas ta timide.

– Je ne fais pas ma timide. J’ai juste pas envie de lui passer mes cours. J’ai beaucoup de choses à faire.

– Quoi ? T’as des bonnes notes. Et si tu fais référence à courir, tu as tout le temps du monde pour passer les cours à Jim et courir, renchérit Sue. En effet, une de mes passions était la course. J’adore ça. J’ai commencé depuis jeune et depuis, je cours toutes les semaines, plusieurs fois par semaine si je n’ai pas d’examens.

– Non, je mens. Je dois m’occuper de Ben. Il a besoin de sa grande sœur vous savez.

– Bon, alors ce sera moi qui lui passera les cours, si ce n’est si quelqu’un les a déjà passé, affirme Madison.

– Parfait, comme ça je garde mon statut de bonne élève sportive. Je souris.

– Tu devrais justement profiter ton statut de sportive et ta beauté un peu plus. Elle me lance un regard appuyé.

– Ma beauté ? Madison se tourne vers moi.

– Oui, ta beauté. Je te rappelle que tu as des yeux verts.

– Oui et ? La vérité c’est que je me trouve belle. J’ai un visage harmonieux, mais surtout de beaux yeux verts. Ils étaient en quelque sorte la grande source de ma confiance en moi.

– Madison dit juste que tu devrais te lancer un peu plus, explique Sue.

– Je ne suis pas coincée ! Je mène une vie de lycéenne tout à fait normale. Et puis le temps viendra. Je clôture la discussion, prend mon sac et vais à mon prochain cours. Elles me font souvent des sermons comme celui-ci. Je ne suis pas très fêtarde mais je vais aux fêtes de temps en temps.

Je décide de rentrer à pied et de ne pas prendre le bus.

Cette journée a été éprouvante entre l’arrivée du nouveau, les cours, et Sue et Madison. J’ai juste en vie de prendre un douche bien chaude et m’allonger sous la couette. L’air de l’automne remplit mes narines. Les trottoirs regorgent de feuilles, crissent quand je marche dessus. Le vent frais s’installe et s’insinue dans les rues. J’inspire de l’air a pleins poumons. J’aime beaucoup l’automne, avec ses couleurs oranges et brunes. Ça me rappelle, les fois où quand j’étais petite, je me roulais dans les feuilles mouillées avec mon frère Ben et que ma mère, depuis la fenêtre de la cuisine nous disait de rentrer. Mais surtout, ce que je préfère, c’est les odeurs. L’odeur de l’humidité laissée par la pluie et des feuilles mortes mêlées à de la terre. Faut être réaliste, ce n’est pas un automne comme à la West Coast, on reste en Californie, mais on sent quand même que nous sommes dans une autre saison. À la maison je m’enferme dans ma chambre et met de la musique pendant que je fais les devoirs, troublée. En descendant les escaliers, une bonne odeur de muffins parvient à mes oreilles. Miam, pensai-je. Je souris à ma mère et lui donne un bisous sur la joue. J’adore ses muffins, surtout aux myrtilles. [...]

Aujourd’hui je suis de plus bonne humeur. J’ai sport alors j’enfile un pantalon de survêtement noir et un pull associé. Puis je me fais une queue de cheval. Ma joie prend est vite ralentie lorsque j’ouvre la fenêtre et que j’entends le clapotis de l’eau sur le goudron. Il pleut. Une bouffée d’humidité m’emplit les narines. Pour une fois qu’il pleut, ce n’est pas bien grave. Je prends mon imperméable de sport et sors. J’arrive au lycée en courant et rejoins Sue, Madison et Fred, un mec impeccablement habillé mais quand je suis allée chez lui une fois, j’étais étonnée de trouver sa chambre en bordel. Il traîne de temps en temps avec nous, mais on n’est pas si proche que ça. Ils sont rassemblés près des escaliers de l’entrée, les uns serrés aux autres pour se protéger de la pluie. En jetant un coup d’œil aux alentours, j’aperçois tout le monde rassemblé en groupes, plus ou moins grand, un petit brouhaha commence à remplir l’espace. Je plisse les yeux et distingue une jeep noire arriver : je devine rapidement qui en est son conducteur. Alessio, le fils du directeur sort de sa voiture, et se dépêche de rejoindre ses amis, la capuche rabattue sur son visage. Ils l’accueillent avec des accolades et des blagues. Je tiens à dire que je n’aime pas le conducteur mais j’avoue que j’adore sa jeep. J’aimerais tellement avoir une voiture. Je soupire intérieurement et me dirige vers mes amis. Madison se tient nonchalamment contre le mur, et Sue est accrochée au bras de Fred qui est le seul à avoir un parapluie. Vu son dégoût pour la pluie, ça ne m’étonne pas. Fred semble me reluquer rapidement de haut en bas.

– On mise sur le look total black aujourd’hui ?

– Exactement, la pluie détériore et tache alors quoi de mieux que de porter une couleur qui ne laisse pas voir les taches, hein ? Il semble vouloir s’apprêter à un de ses discours sur les habits et la concordance avec les yeux et la couleur de peau mais se ravise et hausse les épaules.

La sonnerie sonne. Je pars en direction du gymnase avec Sue. Je n’ai pas à me changer vu que j’étais déjà en tenue de sport, je retire ma veste et mes affaires et atteint la salle principale. Je me demande si Jim a cours avec nous. Aux premiers abords, je ne vois que des gens que je connais puis je distingue une tête aux cheveux mi-blonds mi-bruns. C’est lui. Mince, je me mord la lèvre inférieure en essayant de paraître naturelle malgré une légère sensation dans mon ventre. Je discute normalement avec d’autres élèves lorsque je sens son regard sur mon dos. C’est difficile à expliquer. Je me retourne et croise son regard rapidement. Il est aussi entouré de personnes. J’essaie de l’observer discrètement. Je veux vérifier si le pressentiment que j’ai eu sur lui a changé ou pas. Non, il n’a pas changé. Il dégage toujours ce je ne sais quoi. Les mains dans les poches, on dirait qu’il n’est pas d’ici. Je me répète. Ressaisis-toi, me dis-je. D’où viendrait-il selon toi ? Je secoue la tête tandis que Sue me rejoint. […]

Le professeur nous informe que nous continuons le sport de ce semestre qui est le tennis. Notre lycée, Chino Hills High possède un énorme gymnase qui contient contient une salle omnisports, une piscine et des terrains de tennis à couvert. Je pense encore au fait que Jim est arrivée en octobre. Je ne sais pas pourquoi ce fait me donne du fil à retordre. Il n’est pas arrivé si tard, juste un mois après la rentrée des classes en septembre mais quand même. Coïncidence ? Je ne saurai dire.

Le prof nous explique que nous allons continuer avec le tournoi. Ça fait environ deux semaines que nous avons commencé. Il y a sept niveaux et c’est pour voir comment on se débrouille dans une atmosphère de compétition et si les mauvais élèves réussissent à s’améliorer ou non. En général, c’est difficile de s’améliorer dans un tournoi.

J’aime beaucoup le sport, mes parents m’ont toujours encouragé à en faire. Disons que le tennis n’est pas un problème pour moi, même si ce n’est pas la course, mon sport préféré. Sue m’adresse un sourire penaud : je sais qu’elle a pas du tout envie de jouer pendant une heure avec les mêmes personnes.

– Cette fois-ci, tu vas y arriver. Faut juste que tu te concentres et tire fort sur la raquette.

– J’en doute. C’est pas grave. C’est juste que je m’ennuie.

– Arrête Sue, fais un peu plus d’effort. Je sais que tu n’aimes pas le sport mais ces cuisses ont besoin d’un peu plus d’entraînement, lançai-je. Elle retient un rire.

– La provocation ne fonctionne pas avec moi et tu le sais. Allez, vas-y. Elle me pousse et je me dirige vers un terrain.

Je monte les niveaux assez rapidement. Le sport c’est mon truc. Pas tous les sports mais une grande partie. J’aime comment mes muscles me font mal, j’aime me défouler. Je finis le match avec une fille et me dirige vers le prochain niveau. Je manque de trébucher quand je vois Jim de l’autre coté du filet. En fait lui il vient de descendre d’un niveau. Il dandine sur ses pieds puis me remarque. Il hoche la tête dans ma direction. Qu’est-ce que je dois faire ? Je commence la conversation ? Il me devance et s’approche du filet. Je fais de même.

– Comment tu t’appelles ? Je ne crois pas qu’on se soit déjà présentés. Il a une belle voix.

– Raquel, enchantée. Comment tu t’y trouves ? Je veux dire au lycée, les gens, je balance rapidement.

– Bien. Il n’est pas très différent du mien. J’ai de la chance aussi parce que les cours viennent à peine de commencer. Il hausse les épaules. Je ne dirais pas à peine mais oui, octobre c’est juste un mois après la rentrée, pensai-je. J’ai envie de lui demander pourquoi il a changé de lycée mais notre arbitre siffle le début du match.

– J’ai commencé fort mais je crois que je vais encore descendre d’un niveau. Il m’adresse un sourire et je manque de rougir à son compliment. Du moins, je le prend comme compliment.

– C’est l’erreur du débutant. Il ne faut pas baisser sa garde. Il rigole. Je commence le service et je dois dire qu’il est doué. Le match est serré. J’essaie de me concentrer sur le match et ne pas m’attarder sur le fait que je suis en train de jouer au tennis avec le garçon qui me provoque le plus de curiosité. Son t-shirt blanc moule bien son torse. Il a l’air quelqu’un de normal en ce moment. Je ne retrouve pas cette sensation qu’il n’est pas du coin. Mais c’est sans doute parce qu’il joue au tennis. Hier en cours, j’avais l’impression qu’il savait plus que nous tous, qu’il avait vécu plus, qu’il était mature pour avoir 16 ans. Je gagne et me dirige vers le filet. Je lui serre la main.

– Je confirme que tu vas baisser encore d’un niveau. Je me retiens de rire. Il passe une main dans ses cheveux et éclate de rire.

– Ouais. J’ai aimé joué avec toi. A un de ces quatre. Il se dirige vers l’autre terrain tandis que je ressens un petit pincement au cœur. C’est bête. Il n’est arrivé qu’hier et je croyais que je lui provoquais de la curiosité comme lui à moi. N’importe quoi, c’est lui qui ne vient pas d’ici, qu’il sait plus que nous tous. Je passe une main sur mon front et soupire. Il faut que je contrôle mes pensées. Je me tourne vers le terrain où il s’est dirigé et croise son regard rapidement. Et bien bravo, maintenant il va croire qu’il m’intéresse ou que je l’épie. Vu qu’il n’a pas communiqué le résultat du match au prof, c’est moi qui m’en charge.

Je me dirige ensuite au terrain du niveau supérieur et affronte un mec. Je ressens un léger vertige et fais signe à l’arbitre d’attendre une minute de plus avant de commencer. Je n’ai probablement pas bu assez d’eau. Je bois une gorgée avant de masser mon poignet gauche. Le vertige passe et la séance de sport continue sans autre inconvénient. Je retrouve Sue à la fin et remarque à sa moue qu’elle s’est ennuyée et qu’elle est restée au même niveau. Décidément, elle ne change pas. Le prof nous fais un petit bilan et nous lâche enfin. Je suis Sue jusqu’aux vestiaires lorsque j’entends une voix m’interpeller. Je me retourne, c’est Jim.

– Hé. Il me rejoins en trottinant. Ça va ? J’ai vu que tu ne te sentais pas très bien avant. Sue se retourne et me lance un regard accusateur.

– Tu m’as pas dis ? Tu te forces toujours trop.

– Non Sue, je ne me suis pas trop forcé. J’avais juste besoin de boire un peu d’eau. Je me tourne vers Jim. Merci, mais je vais bien. Sue en profite pour se présenter.

– Je m’appelle Sue, au fait. Je suis sa meilleure amie.

– J’oublie mes manières, Jim enchanté, dit-il en riant. Il serre la main de mon amie avant de nous accompagner aux vestiaires.

– Je ne vais pas mentir et avouer ma défaite contre Raquel, admet Jim. Sue sourit.

– Ne t’en fais pas, elle n’épargne personne, pas même ses amies. Je pousse un petit son en outrage.

– Ce n’est pas vrai. J’essaie toujours de t’enseigner mais tu ne m’écoutes pas, donc je finis par te battre.

– J’espère que je n’ai pas entamé un sujet sensible.

– Non, t’inquiète, dit Sue en me prenant par le bras. Jim nous fais signe avant d’entrer dans les vestiaires masculins.

– Tu as oublié de me mentionner que tu as joué avec lui, me reproche Sue une fois dans les vestiaires avec les autres filles.

– Je ne l’ai pas considéré important. Je ne sais pas si je mentais. C’est ma première interaction avec lui et il s’avère être sympa et doué en sport. Mon intuition est-elle fausse ?

Je passe le reste de la journée à essayer à me mettre dans le jus des cours et à comprendre les tirades des professeurs. Parfois je me surprenais à penser à Jim. Son arrivée juste un mois après la rentrée habituelle et normale me paraissait louche. Mais ce matin en sport, on dirait qu’il était un garçon tout à fait normale. C’est parce qu’il est normale, me souffle une petite voix. C’est vrai, je ne sais pas pourquoi j’ai cette perception de lui. Probablement, je suis obsédée avec lui et je ne l’accepte pas et c’est une excuse que je me suis inventée. Je souris comme une idiote puis me ravise et plonge dans l’analyse des poèmes d’Edgar Allan Poe. […]

Contre toute attente le soleil pointe le bout de son nez en fin d’après-midi. Je le prend comme un signe et reste attentive jusqu’à la dernière minute du cours. Littérature américaine : le professeur est intelligent et j’aime bien la façon dont il organise ses cours mais, je suis à coté de quelqu’un qui ne facilite pas les choses. Elle n’arrête pas de parler, cette fille. Je fronce les sourcils et soupire intérieurement. Finir la journée avec une bavarde, ce n’est pas ce que j’appelle finir en beauté. Je lève le regard vers l’horloge : encore une minute. J’agite mon stylo dans un tempo régulier et hoche la tête nonchalamment à ma voisine de table. Le prof nous demande d’écrire une dissertation sur la question : comment un auteur arrive à rendre un personnage à la fois diabolique et digne de compassion ? Bonne question. J’ai déjà quelques pistes en tête, je vais utiliser les groupements de textes ainsi que mes propres lectures. Comme d’habitude, j’obtiens un coup de coude aux côtes. Je fais face à ma voisine-qui-a-toujours-la-bouche-ouverte.

– Tu pourrais me donner quelques indices sur lesquels tirer s’il-te-plaît ? Elle m’adresse un sourire tout à fait innocent. Elle me faisait un peu de peine à vrai dire. Une réponse désagréable se tient sur le bout de ma langue mais je me retiens.

– Et bien, le but de cette question c’est de démontrer qu’il y a des personnages qui sont gris. (Elle fronce les sourcils) Ils ne sont ni noirs ni blancs. Ton essai doit prouver que les romans complexes ne sont pas manichéens. Cherche des personnages et met en évidence le contexte, leur passé, les choix qu’ils ont dû faire et les sentiments qu’ils éprouvent etc. Comme d’habitude, je me suis emballée et j’en ai trop dis, je mordille ma lèvre inférieure. Elle hoche la tête malgré le fait qu’il est probable qu’elle n’est pas retenu tout. La sonnerie sonne coupant court à notre petite discussion et je range mes affaires rapidement. Je sors de la salle en trombe et me dirige vers la salle des casiers. Il est tard et il n’y a pas beaucoup de lycéens. Normalement on peut très bien terminer à trois heures de l’après-midi mais j’ai pris des cours supplémentaires donc je finis deux heures plus tard. Je me demande si le nouveau a aussi pris des cours supplémentaires. Sans doute pas. J’ouvre la porte, chemine le long des interminables rangées et trouve enfin mon casier. Cette salle est toujours condensée en odeurs : un mélange de transpiration, métal, parfum et livres. Et il fait chaud. Je pose mon sac, relève mes cheveux en une rapide queue de cheval et dépose des manuels. Dû au silence régnant, je crois que je suis seule. Je m’apprête à sortir lorsque j’entends du bruit et une voix. Je sursaute. Revenant sur mes pas, je réalise que c’est la voix de Jim. Je m’approche prudemment, penche la tête puis recule aussitôt. Oui, c’est bien lui en effet. Deux trois cahiers sont tombés, des feuilles éparpillées sur le sol carrelé. Il parle au téléphone.

– Oui, oui… Je te l’ai déjà dis, je l’ai trouvée, t’inquiète pas… Elle est bien gauchère mais elle a 16 ans, elle est en retard… Je sais, c’est très étrange… Non, je ne connais pas encore son élément… Calme toi, ce n’est que le début… Je perd mon temps là, allez, à plus. Il raccroche. Je n’ai pas arrêté de froncer les sourcils dès le moment où j’ai entendu ses premiers mots. Mon cœur bat à mes tempes, un unisson à mes pensées qui n’arrêtent pas de filer à toute vitesse. De qui parlait-il ? Apparemment une gauchère. Gauchère. Je suis gauchère, mais surement pas la seule. Il y en a sûrement plusieurs. Il est en cours avec moi, il a dit que la fille a 16 ans. Et puis il a mentionné un retard et un élément ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je secoue la tête. Qu’est-ce que je fais ? Je n’ai pas envie de lui faire face. Je ne devrai pas. Je prend mon courage à deux mains, contourne le casier et vais à sa rencontre.

– Hé, salut. Il sursaute légèrement. Désolée je ne voulais pas te faire peur. J’ai entendu du bruit… tu veux que je t’aide ? Il croise mon regard et plisse les yeux, une lueur d’angoisse. Il sait. Au loin une porte claque fortement, me faisant sursauter. Son visage est indéchiffrable. Je tripote la sangle de mon sac à dos. Il n’a plus l’air si sympa maintenant. Ses sourcils sont froncés.

– Oh, oui, merci, je suis un peu maladroit. Je me baisse et ramasse ses cahiers avec lui. Je prend soin de ne pas le toucher. Il les range maladroitement et m’adresse un regard d’excuse.

– Désolé, j’ai juste eu une longue journée et je suis épuisé. C’est difficile de suivre en tant que nouveau. Je réprime un sourire parce qu’il avait l’air fatigué mais je savais que sa réaction vient du fait qu’il pense que j’ai écouté sa conversation au téléphone.

– Je comprend parfaitement. Tu as de la chance que juste un mois est passé. Si… (j’hésite) si tu as besoin d’aide, je suis là. Il prend son sac et je croise encore son regard en diagonale. Ses yeux bleus semblent me sonder.

– Merci, j’apprécie. C’est assez différent de mon ancien lycée, complètement différent même.

– D’où viens-tu ? J’étais vraiment curieuse, surtout après toutes ces choses qu’il a dit.

– Je viens d’ici, de Chino Hills. J’allais dans un lycée privé, je n’ai pas eu une très bonne expérience. Heureusement, j’ai pu changer de lycée et j’ai trouvé Chino Hills High. Je hoche la tête et on avance vers la sortie. Une partie de moi veut le croire mais c’est difficile après ce que j’ai entendu. Une mauvaise expérience ? Plein de choses peuvent être sous-entendues. Il vient de Chino Hills mais je ne l’ai jamais croisé dans les environs. Je pense que je me souviendrais si je l’avais croisé auparavant. Et je ne sais pas s’il y a beaucoup de lycées dans les parages.

– Je peux te raccompagner jusque chez toi, si tu veux ?

– Oh, non, j’habite pas très loin d’ici, mais merci. Je luis fais un signe de la main et sors, plus troublée que jamais. Je reviens du lycée à pied pour démêler mes pensées. Durant tout le trajet, je n’arrête pas de penser à ce que j’ai entendu. J’ai tourné dans tout les sens, essayé de trouver une logique dans ces mots mais rien à faire. Je me persuade de faire quelques recherches au sujet de « gauchers » et « éléments » plus tard. Quand j’arrive à la maison, je trouve Ben sur le canapé. Il regarde une émission.

– Tu as passé une bonne journée ? me demande-t-il, l’incarné de la nonchalance.

– Disons qu’il y a mieux, avouai-je. Je m’allonge à coté de lui. J’avais à la fois chaud et froid, mon cerveau bouillonnait encore des derniers évènements.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? Une mauvaise note ? Je sais que c’est de l’ironie. Il se retient de sourire. Je lui donne un coup dans les cotes.

– Tu sais, ma vie ne se résume pas qu’à les notes et le lycée.

– Je ne te croirai pas tant que tu ne ramènes pas un mec à la maison. Il hausse les épaules. Je croise les bras.

– Ce ne sont pas tes affaires mais je tiens à dire que j’ai déjà embrassé des garçons et fais bien plus de choses que tu ne t’imaginerais. Il me lance un regard en oblique.

– C’est vrai ! Je m’en fiche si tu ne me crois pas. Je n’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit.

– Je n’ai jamais dis ça, il riposte en se levant. Je dis juste que j’attends le jour où tu ramèneras un mec à la maison. Au fait, maman a laissé la liste des courses. Je soupire et me retiens de lui balancer un coussin. L’image de Jim surgit dans mon esprit. C’est de la pure curiosité.

– Raquel ?

– Oui, on y va. Je me lève, prend la liste et des sacs de courses. Mes parents reviennent souvent tard le soir, du coup je suis souvent acquittée de cette tache. Ça ne me dérange pas de le faire. Enfin si, des fois. Mais ils travaillent beaucoup alors si je peux les aider, je le fais volontiers.

Je pose mon sac dans ma chambre. Nous sortons de la maison et Ben s’assoit sur le siège passager tandis que moi, je m’installe sur celui du conducteur. J’ai passé le permis de conduire cette année et j’adore la liberté que me procure conduire. L’atmosphère du supermarché me détend et m’offre le répit que je cherchais. Les courses nous prennent environ une heure puis nous rentrons en déchargeant. […] Après avoir fait mes devoirs et pris une bonne douche, j’allume mon ordinateur et entame quelques recherches. J’avais déjà assez retenu ma curiosité comme ça et à présent, je me mordais presque les ongles de la nervosité. Je tape sur le clavier le mot « gaucher ». Je ne trouve rien d’intéressant à part leur nombreuses particularités, notamment quelques différences biologiques du cerveau en comparaison avec les droitiers. Mais ça, je le savais déjà. Je retiens un gémissement de frustration et jette un coup d’œil à ma fenêtre. Il est déjà six heures et demi du soir, le ciel s’est bien assombri. Je me lève, et entreprend de marcher un peu le long de ma chambre : de la porte jusqu’à la fenêtre, puis de la fenêtre jusqu’à la porte. Rien ne m’est venu à l’esprit en cours de route malheureusement. Je suis sur le point de me rasseoir quand Ben entre dans ma chambre pour m’annoncer l’heure du dîner. Bon, ça peut attendre un peu, me dis-je. […] Devant le plat copieux de légumes que me servis ma mère, ma faim semble me quitter. Je me forçai à manger. L’adrénaline d’aujourd’hui, elle, ne m’avait pas quitté et je sentais que pour une raison ou une autre, mes muscles devaient exécuter un mouvement. Soudain, l’idée me vint de demander à mon père au sujet des éléments. Peut-être saura-t-il davantage que moi.

– Dis, papa, qu’est-ce que tu sais sur les éléments ? Il fronce les sourcils.

– Tu parles des quatre éléments de la Terre ? Je ne suis pas sûr si c’est ce que Jim a voulu dire mais c’est une piste. Je hoche la tête.

– Et bien, les quatre éléments sont l’eau, l’air, la terre et le feu. Dans le cadre de la philosophie naturelle, il y a une théorie qui dirait que ces quatre éléments sont une façon de décrire et analyser le monde. Décrire et analyser le monde ? Je ne crois pas que ce soit cela. Il avait bien dit : « je ne connais pas son élément ».

– Il n’y a pas que ça, ajouta ma mère. Il y a plein de légendes ou d’histoires à ce sujet. Pourquoi tu demandes ?

– Oh par curiosité, rien de plus. Heureusement il le laissent là et ne creusent pas plus sur ce thème qui m’est inconnu. Je me dépêche de finir de manger et monte rapidement dans ma chambre sans un mot. Pleins d’évènements et de questions me taraudent l’esprit. J’ai l’impression que l’arrivée de Jim annonce quelque chose. Je n’ai jamais parlé de mes cauchemars mais maintenant je réalisent qu’ils sont étranges : je rêve que je brûle et de cette flamme qui me pénètre. Et puis il y aussi les bribes de conversation entendues dans la salle des casiers. Une chose est sûre : ce Jim cache quelque chose.

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