Prélude conciergerie de Paris 17 Juin 1794,deux jour avant la chute de Robespierre

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Le bruit des clès semblait un sabre traîné sur la pierre.

Dans le couloir obscur,entre deux murd suintant la peur,le geôlier Godin portait une lanterne voilée.Il s'arrêta devant une porte sans nom,sans numéro,sans espoir

- Elle ne parle pas dit -il à l'homme encapuchoné qui le suivait.Pas un mot depuis qu'on l'a enfermée.Je crois qu'elle a compris.

L'autre ne répondit pas.Il entra.Une jeune fille était assise dur une paillasse de fortune.Ni larmes,ni cris,ni prières.Ses cheveux tombés en désordre étaient la seule chose vivante dans cette cellule.

- Mademoiselle Eleonore de Cery,dit-il enfin

Elle leva les yeux.L'homme sourit faiblement

- Vous êtes plus urile vivante que morte.Mais il faudra disparaître.Pour longtemps.Pour toujours.

Elle ne répondit toujours pas

Il sortit un clef,puis un petit flacon,il le posa devant elle,comme une offrande

- Buvez.Et dormez.Quand vous vous reveillerez..vous serez ailleurs.

La porte se referma.Et plus jamais pendant plus d'un siècle on ne parla d'Eléonore de Cléry.

Cent ans plus tard,presque jour pour jour,le même bâtiment,les mêmes murs,le sang avait séché,les têtes étaient rentrées dans les portaits,et la République s'était fait belle.Mais les pierres n'avaient rien oublié.

Ce qui avait été enfermé au silence allait remonter,non pas à la surface,mais à la conscience des hommes par la seule force d'un regard et d'un gant blanc.

Car voici qu Valdrigel de Maurevers,lui,n'oubliait rien.

Chapitre I- Ou l'on exume ce qui n'était pas enterré

Il était un peu plus de dix heures du mati,et déjà,sur les quais blanchis par le soleil de mai, la poussière de Paris flottait comme une fine gaze sur les vestes des ouvriers, les bottines des dames et les feutres fatigués des agents de la ville.Un fiacre cahotait lentement le long du quai des Orfèvres,tenant en équilibres entre le vacarme quotidien et une rumeur plus sourde, presque discrète:celle d'un murmure officiel que l'on ne voulait pas encore appelé un scandale.

Le fiacre s'arrêta devant le grand porche du Palais de Justice.Un homme descendit sans hâte.Il n'était pas grand,mais se tenait comme s(il portait en lui quelque chose d'invisible et d'impératif.Son visage pâle,encadré de cheveux bruns striés d'argent,portait une moustache fine,légèrement relevée comme iune signature ironique.Il portait des gants d'un blanc presque irréel,une lavandière grise, et une redingote que le temps semblait avoir respecté la convenance.Cet homme s'appelait Valdrigel de Maurevers.

- Enfi!Maurevers,vous en avez mis...Je vous ai envoyé une dépêche hier!

- Et vous avez eu tort,répondit Maurevers en retirant lentement un gant. L(urgencez est le poison du discernement

L'homme en face,plus massif,moustachu,au costume trop sérré et à la cravatz nouée sans soin,se nommait inspecteur Octave Bricourt.Il appartenait à cette race d'hommes dont la qolidité faisait plus que compenser l'abscence d'éclat.Ancien soldat devenu policier,il n'avait pas de temps pour les phrases,ni de go^ut pour les ciconvolutions -mais il avait appris au fil des années à respecter l'élégance comme on respecte un sabre bie affûté.

- On a trouvé quelque chose,dit-il.Ou plutôt quelqu'un.Muré.Dans le Palais.Une pièce close derrière une cloison. C'était une cellule à l'époque de la Révolution.

- Et maintenat?

- Et maintenant c'est un secret.Ou ca doit le rester.La hiérarchie veut qu'on enterre ça vite

- Et vous m"avez fait venir pour le contraire je suppose

Bricourt haussa les épaules.Il avait déjà croisé les vérités mal enterrées,.celles qui remontent à la surface comme des noyés mal lestés

- J'ai vu le corps ...ou ce qu'il en reste.Et il y avait ça

Il tendit un objet enveloppé dans une étoffe.

Maurevers l'ouvrit sans trembler.A l'interieur,un médaillon ovale en or mat;légèrement fissuré.Il l'ouvrit,une miniature éffacée.0..00et un mot gravé dans la nacre :"Eleonore".

Il ne dit rien.Puis il tourna lentement le médaillon dans sa main gantée et murmura

-Eléonor de Clery

--Vous la connaissez?

- Elle a disparu en juillet 1794 deux jours avant l3a chute de Robespierre.Officiellem2ent déportée..Officieusement....rien,une rumeur,un nom sur une liste,.puis plus rien..

- Maintenant un squelette dans une pièce murée

--C'est mieux qu'un procès.C'est un silence organisé.

Maurevers tendit le médaillon à Bricourt,qui ne le prit pas--

--Vous allez m'aidez Maurevers?

- Non mon ami répondit-il en souriant.Je vais aider la vérité,ce n'est pas tout à fait la même chose

Et déjà dans son esprit,les m-urs du Palais se redessinaient.Les couloirs retrouvaient leur ombre.Le parquet, des cris de pas oubliés.Une voix remontée sans la poussière du temps.Maurevers,sans hâte,sans bruit venait d'ouvrir un tombeau que personne n'avait jamais refermé.

- On peut voir la pièce? demanda Maurevers en remettant son gant. J'aime connaître mes tombeaux avant d'en deterrer les fantômes.

Bricourt soupira.Il ne savait jamais s'il parlait au poète,au juge ou au bourreau.

- Suivez-moi.Mais préparez- vous: ce n'est pas une scène pour votre porcelaine et vos vers.Je vous préviens Maurevers,ajouta Bricourt,cette affaire... sent mauvais.Du vieux sang,du vieux silence.Le genre qu'on referme vite.

Valdrigel tourna la tête vers lui avec lenteur

- Les Anglais appellent cela a buried:disgrace,mon cher,.Une honte enterrée.Mais je me demande toujours;par qui? Et pourquoi si profond?

Il remit ses gants avec une lenteur mesurée.

- Conduisez- moi à la cellule.Je crois que nous allons converser avec une morte.

Et sur ces mots,il s'engouffra à son tour dans le couloir,son pas sans bruit,sa silhouette droite, comme si le temps lui- même attendait sa conclusion.

Ils marchèrent en silence.Une chaleur ancienne suintait des murs.On descendit deux volées d'escaliers,puis on traversa une galerie à demi obstruées par des caisses.Enfin un ouvrier leur ouvrit un passage entre deux parois.L'air y était plus sec que la mort.

Ils entrèrent.

C'était une pièce aveugle,basse,d'un mètre cinquante à peine.Une couche de poussière recouvrait le sol.Dans un coin,une silhouette effondrée contre le mur,les os délicats d'une jeune-fille,un tissu blanc jauni,et à ses pieds une fleur séchée,posée volontairement.

Maurevers se pencha.Il ne dit rien.Bricourt se racla la gorge.

- Alors?vous pensez à quoi?

-A ce qu"on veut faire d'un corps quand on le garde près de soi.Ce n'est pas un crime de haine?C'est un crime d'amour,le plus terrible de tous murmura Maurevers.

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