Premier combat
Mes journées se déroulèrent ensuite machinalement, avec toujours la même routine, un jogging le matin, du shadow-boxing le soir et pour les repas, une diète sèche et sévère qui vint à bout de mes nerfs, me plongeant dans un cercle vicieux d'épuisement.
A 2 jours de la rencontre, Gius m'envoya un message :
- A partir de maintenant, je ne veux plus que tu boives d'eau c'est clair ? Seulement un verre par repas. Je veux que t'arrives demain après-midi à la pesée aussi sec que possible.
- J'allais le faire mon vieux, à demain.
Je savais quel supplice ça allait être. Le combat entre moi et mon poids me menait toujours à cette impasse, c'était alors un duel mental qui commençait. La gorge sèche, je passais ma nuit à rêver de boisson fraîche. Au petit matin je dus quand même faire mes 10 kilomètres de footing.
Le paysage défilant me plongea dans mes pensées, c'était ma routine pré-combat. Un long moment entre moi et mon esprit, je retournai dans ma tête toutes les situations possibles lors du combat et quels enchaînements j'allai effectuer. Mais cette routine me permettait surtout d'arrriver détâché au combat, le stress ne faisait pas partie de mes problèmes.
A 17h pile, je poussai les portes de la salle de pesée. Au préalable j'avais encore dû faire un shadow avec Gius pour être sûr de me vider de tout liquide en moi.
La salle bas de plafond était remplie de quelques officiels et une petite dizaine de journalistes universitaires, qui remplissaient les torchons de la fac avec la moindre chose se passant sur le campus. Mon adversaire était déjà là, un jeune homme typé mexicain, crâne rasé et possédant un regard sombre et un peu fou. Je ne me l'étais pas du tout imaginé comme ça mais bon, l'apparence importait peu.
Un pied après l'autre, je grimpa sur la balance et regarda non sans une pointe d'appréhension l'aiguille osciller pour ensuite se stabiliser en dessous des 80 kilogrammes.
Aussitôt un sourire triomphant envahit mon visage tandis que je lançais un clin d'oeil à mon coach.
Mais celui-ci n'était visiblement pas d'humeur, son front était garni d'une ride soucieuse tandis qu'il examinait attentivement mon adversaire.
Après de brèves photos, je revins vers Gius et nous rejoignâmes la salle.
- Détend toi vieille branche, maintenant je suis tiré d'affaire !
- Bravo pour ton poids. Ce qui m'inquiète c'est que ton adversaire ne devait pas être ce garçon.
J'arrêta immédiatement ma marche.
- Quoi ? Mais comment c'est possible ?
Il se tourna vers moi lentement avant de répondre.
- Un officiel m'a raconté que ton adversaire s'est fais renverser par une voiture la semaine dernière, il s'en tire avec une côte cassée. Du coup ils ont trouvé le premier gringalet qui voulait bien combattre pour ne pas tout arrêter.
Je relâcha mes épaules emplies de tension.
- Ah d'accord, ne t'inquiète pas, dans tous les cas c'est juste un étudiant comme les autres. Il a de la gueule c'est tout.
Gius n'avait pas l'air vraiment de mon avis.
- Si tu le dis. Pour moi, il n'avait pas le regard de quelqu'un qui boxe en amateur, ce petit m'effraie...
Depuis le temps que je le connaissais, c'était bien la première fois que Gius n'était pas pressé de me voir en découdre. Cependant, j'avais appris à lui faire confiance avec le temps, ce type était quand même passé par les pôles nationaux de formation et était réputé malgré son tempérament d'ours.
Au moment de nous séparer, il me donna une grande claque dans l'épaule :
- Allez tête de noeud, pas la peine de me regarder en bavant, on se voit au combat, on va les éclater comme d'habitude !
- AIE ! Me tape pas si fort l'ancêtre !
Son rire rauque résonna longuement dans mon crâne tandis que je regagnais le tramway.
Mon reflet me regardait d'un air inquiet, ça ne me ressemblait pas pourtant. J'étais quand même le meilleur boxeur de la faculté, j'avais toutes les cartes en main pour remporter ce combat.
Cette nuit-là, je dormis avec mes gants tellement j'étais pressé d'en découdre.
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