Chapitre 9
Nicolaï
Je suis épuisé de lire ces foutus papiers sur le protocole de la sécurité.
Deux heures que je suis dessus accompagné de mon conseiller, nous sommes contraints de refaire la sécurité pour le mariage princier.
Je ne suis pas forcément doué pour ça, mais j'ai absolument tenu à ce que ce soit moi qui m'occupe du protocole.
Je suis vraiment un idiot.
Ce protocole, me paraît trop peu fiable au vu de mon envie absolue que ma sœur soit peu contrariée lors de l'annonce de mes envies en termes de protection.
Entre elle et moi, il y a des idées et des envies différentes. Elle est faite pour se marier, pour aimer, pour rendre le monde plus beau. De mon côté, je suis simplement le futur monarque. L'amour je ne le connaîtrais pas car il me sera imposé, je n'ai jamais aimé quelqu'un et je rends le monde tout sauf beau.
La monarchie m'a inculqué des valeurs et des croyances qui m'ont emmené dans des situations destructrices.
La princesse Astrid excelle dans tous les domaines. La danse, la musique, l'éloquence, l'histoire de notre pays, les langues... j'en passe mais elle a toujours été une excellente élève et la fierté de nos parents.
Moi, j'excelle dans l'art de me battre.
J'ai été à l'âge de mes 18ans à l'armée. Je suis prince mais la loi reste la même, le service militaire est obligatoire.
J'ai adoré cette année au côté de mes frères d'armes. Je n'hésiterai pas un instant à y retourner si mon pays entrer en guerre.
Avant l'armée, j'ai appris l'économie et la gestion de notre pays, le droit et la diplomatie, les stratégies militaires.
J'ai appris à pratiquer l'escrime à l'âge de 4ans, j'ai été au côté de mon père lors de ces rendez-vous avec les délégations militaires dès mes 6ans, j'ai fait ma première chasse lors de ma 10ème année.
Je suis voué à la couronne car elle est mon destin.
Je ne peux me permettre de rêver à une autre vie, elle ne ferait que me briser.
- Prince Nicolaï, la sécurité est parfaite ainsi, arrêtons de la modifier.
Je reviens à la feuille pose devant moi.
Ma sœur se marie dans peu de temps, nous devons terminer rapidement les détails de sécurité, de gestion et d'organisation.
En parlant d'organisation, je repense soudainement à la suédoise engagée par Astrid.
Encore un souci que je dois gérer au mieux. Quelle idée a-t-elle eu d'engager une parfaite inconnue à la couronne, une inconnue au Danemark et encore plus une inconnue de la famille.
Elle ne connaît pas nos traditions, nos valeurs, nos mœurs. Elle ne connaît pas la monarchie tout simplement. Eleonora est doué dans son métier mais pas pour un mariage royal, princier qui plus est.
Pour couronner le tout, je dois faire le bon samaritain et lui montrer notre pays.
Je ne suis pas un baby-sitter.
J'aime ma sœur mais là elle a vraiment dépassé les limites de ma gentillesse.
Eleonora est...comme pourrais-je la qualifier ? C'est une personne qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui ne craint pas de répondre à un futur roi.
Je ne serais pas le futur souverain, elle aurait fait la compagne parfaite. Son caractère m'agace comme il me plaît, elle a du cran et j'adore ça. Sans oublier, qu'elle est la beauté incarnée de la Suède.
Nicolaï, tu es entrain de divaguer...me répète ma conscience.
- Anders, je pense que nous avons fini pour aujourd'hui, vous pouvez disposer
- D'accord votre Altesse royale
Il quitte mon bureau après une courte révérence.
Je me dirige à mon tour vers le mini bar de mon bureau et me sers un bon vieux whisky.
Je dois retrouver Eleonora dans une dizaine de minute afin de lui parler de la première tradition de notre royaume.
Si ma sœur n'était pas la prunelle de mes yeux, je l'aurais envoyé voir ailleurs et j'aurais ordonné de renvoyer miss Suède dans son pays. Mais je n'en fais rien, j'accepte la demande d'Astrid car c'est son mariage et ce qu'elle veut elle l'obtient toujours.
~
Nous sommes dans la salle de danse du palais.
Eleonora m'a rejoint dans mon bureau, et je l’ai emmenée ici pour une bonne raison.
Chez nous, avant que les mariés prennent place sur la piste pour la valse maritale, il y a une tradition à laquelle on ne peut surtout pas déroger.
- Que faisons-nous ici ? demande-t-elle, intriguée.
- Je vais vous apprendre la première tradition de notre royaume.
- Et on avait besoin de venir dans la salle de danse pour ça ?
- Oui, car… nous allons danser.
À la fin de ma phrase, ses yeux s’écarquillent comme si je venais de lui annoncer un ouragan.
Je retiens un sourire. Qu’y a-t-il de mal à danser ? Elle devrait être flattée. Elle va danser avec un prince, après tout.
Si j’ai appris les devoirs d’un roi, la danse n’a pas été oubliée. Bien au contraire.
J’avais des cours de valse tous les jours, à la même heure, depuis l’enfance.
Je suis excellent. Et je le sais.
- Hors de question ! dit-elle en s’éloignant précipitamment.
Je réagis aussitôt. J’attrape son poignet pour la retenir, peut-être un peu trop fort.
Son corps pivote et se colle au mien, sa poitrine pressée contre mon torse.
Ses yeux, d’un vert émeraude captivant, se plantent dans les miens.
Un frisson me traverse. Le temps semble suspendu. Nos souffles se croisent.
Nous restons figés, comme s’il n’existait plus que nous.
Elle est la première à se détacher, rompant ce moment irréel. Je recule doucement, retirant mes mains posées dans son dos.
- Je ne sais pas danser… Je n’ai jamais été douée. Et danser avec vous, qui avez appris ça toute votre vie ? C’est intimidant, murmure-t-elle.
- Justement. Je suis là pour vous apprendre. Écouter… Dans notre famille, la tradition veut que les célibataires dansent une valse avec un ou une inconnue en l’honneur des mariés. On appelle ça la “valse des célibataires”.
- D’accord… mais pourquoi moi ?
- Vous êtes célibataire, non ?
- Cela reste ma vie privée, dit-elle, piquée.
- Peut-être… Mais vous êtes l’organisatrice du mariage. Pour que la famille vous prenne au sérieux, vous devez montrer que vous respectez les traditions.
- Quand vous dites “la famille”, vous voulez dire vous, en fait.
Je ne réponds pas. Elle a raison. Et elle le sait parfaitement.
Je m’éloigne un instant et mets la musique en marche. Puis je reviens vers elle, fais une révérence et lui tends la main.
Elle hésite… puis pose la sienne dans la mienne. Elle est chaude. Tremblante.
Je la guide. Un pas. Un autre. Je lui enseigne chaque mouvement avec patience.
Et elle s’en sort mieux que ce qu’elle pense. Elle ne m’a marché sur les pieds que cinq fois.
- Vous vous débrouillez très bien, mais levez les yeux. Regardez-moi, dis-je doucement.
Elle obéit. Et nos regards s'accrochent.
Soudain, nous ne sommes plus que deux corps en parfaite harmonie.
Elle sourit. Un vrai sourire, fier et sincère. Je ressens quelque chose. Quelque chose d’étrange. De troublant.
- Nicolaï !
La bulle éclate. Elle se détache de moi. Nous tournons tous deux vers la voix stridente qui vient d’entrer dans la pièce.
Je reconnaîtrais ce ton désagréable entre mille.
Kristen.
La fille du duc de Randers. Et surtout, l’ombre constante que mes parents m’imposent.
- Qui est-elle ? demande-t-elle en me dévisageant, le visage déformé par une grimace.
- Que fais-tu ici ? lancé-je sans cacher mon agacement.
- Mon père avait une réunion avec le roi. J’ai pensé que je pourrais te voir, maintenant que tu es rentré.
- Tu m’as vu. Tu peux partir. J’ai mieux à faire.
Elle ricane. Froidement.
Je sens Eleonora se crisper à côté de moi.
- Mieux à faire ? Nicolaï, elle est roturière. Elle ferait mieux de retourner à ses affaires de petite citadine.
Eleonora me lance un regard, un regard qui dit “laisse tomber”. Elle fait une petite révérence, puis se dirige vers la sortie.
Elle s’arrête brièvement près de Kristen et murmure, à peine audible :
- La roturière t’emmerde. Au moins tu auras une vraie raison de me mépriser.
Et elle disparaît.
Je retourne vers la chaîne hi-fi et éteins la musique. L’ambiance a disparu. Kristen est toujours là. Elle m’étouffe.
- Vulgaire, en plus. J’espère que tu ne cherches pas à me rendre jalouse. Elle n’est pas au même rang que moi.
- Non, ça c’est sûr, dis-je froidement.
Je quitte la salle sans un mot de plus.
Je connais les femmes comme elle. Parfaites en façade. Prêtes à tout pour entrer dans la royauté.
Mais elles n’ont ni la fougue ni l’authenticité que j’espère. Elles ne comprennent rien au peuple.
Et moi, je ne veux pas juste régner.
Je veux un avenir différent. Je veux une femme qui viendra du peuple, qui connaîtra les vraies luttes, qui saura parler avec son cœur. Voilà pourquoi, je ne peux épouser qui que ce soit, parce que la loi mise en place par mes ancêtres me l'interdit.
Je veux devenir un roi qui leur appartient, pas un roi qui ne sert que la couronne.
Je ne suis peut-être pas le prince que mes parents voulaient.
Mais je serai le roi que mon peuple mérite.
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