Chapitre 23
Eleonora
Nous sommes officiellement la veille du mariage de la princesse.
Je suis en plein stress.
Mon coeur bat beaucoup trop vite mais je suis tellement excitée de finir cette organisation.
Je suis avec mon équipe, opérationnel pour cette journée de préparation.
J’envoie les cuisiner commencer les préparations des petits fours. Nous accueillons déjà du beau monde ce soir.
Je demande à quatre jeunes de vérifier les derniers détails avec la piste de danse.
Nous avons décidé avec l’accord du roi et de la reine, d'installer les tables pour la grande salle de bal du château. L’escalier comme principal décor. Je suis tombée amoureuse de cet endroit. Je l’ai découvert une semaine après ma nuit avec le Prince.
Aujourd’hui, ça fait trop semaines que nous cachons notre plus belle soirée au monde entier. L’un comme l’autre cherchons discrètement le contact de l’autre.
Nous avons échangé, en secret, de petites attentions. Il touchait ma main lorsqu’on était l’un à côté de l’autre. Je cherchais son regard lorsqu’il se trouvait dans la même pièce. Il entrait en douce dans ma chambre me volant un baiser. Je laissais ma porte ouverte pour qu’il y entre.
Malgré nos petits échanges, il a passé beaucoup de temps entouré de son père et d’homme politique pendant que je terminais de commander mes besoins pour le mariage.
Il voulait être là aujourd’hui pour m’aider dans la décoration mais je lui ai interdit d’y mettre un pied. Je veux qu’il ait la surprise lui aussi. Je veux qu’il soit fier de moi et de mon travail.
Mon tokiwalki retentit sur la voix de ma meilleure amie.
— Eleonora, le sapin vient d’arriver.
— Parfait, j’arrive.
Je me dirige à grande vitesse vers l’entrée du personnel. J’ai interdit à mes partenaires de passer par la porte principale. Hors de question que la famille royale voit mon travail avant l’heure.
Je leur ai aussi interdit de venir dans la salle avant demain.
Je veux vraiment qu’il ait la surprise comme les autres convives.
Je repère Anna avec le chauffeur s’occupant du sapin. Je m’approche d’eux.
— Bonjour monsieur. Bienvenue.
Il me sourit et sert ma main tendue vers lui.
— Je suppose que vous avez besoin d’aide pour le porter ? Combien d'hommes vous faut-il ?
— Vu la taille de votre arbre, tout le personnel dont vous disposez, madame.
Anna et moi rigolons. J’appelle Blenda qui nous a rejoint pour ce jour spécial. Par chance, nous n’avons aucun notre mariage et sa présence ici est la bienvenue. Je lui demande de réquisitionner toute notre équipe et de nous rejoindre dehors.
Une quarantaine de personnes nous rejoignent. J’indique à Anna de nous guider vers la porte arrière de la salle de bal.
Une femme enceinte, qui plus est, de mon neveu ou de ma nièce, a interdiction de porter mon petit craquage.
Nous arrivons, plus facilement que je le pensais, à faire rentrer le sapin dans la salle de bal. Il est vraiment magnifique.
Nos décorateurs vont s’amuser à décorer une aussi belle pièce.
Je reste un instant face à cet arbre, aussi grand que mon secret.
— Il est splendide, souffle Anna à mes côtés.
J’émets un petit rire avant d’hocher la tête. Elle a tout à fait raison.
Blenda s’approche de moi, sourire malicieux aux lèvres.
— Tu sais, si tu continues comme ça, ce mariage restera gravé dans les mémoires. Même le roi en perdra ses mots.
Nous rigolons un bon coup avant que je sois appelé par un jeune homme pour l’aider avec les centres de tables.
J’essaye de laisser la pression loin derrière moi mais une infime partie de moi souhaite montrer au roi et à la reine que je pourrais être parfaite pour leur fils.
Avant de partir, je donne les consignes concernant l’arbre.
— Je veux qu’il soit au fond de la pièce au centre. Vous devez condamner la grande porte pour l’occasion. Les décorations se trouvent dans les cartons juste ici, montre-je du doigt. A vous de rendre cet arbre encore plus spectaculaire.
Je laisse mon staff et retourne vers les tables.
Nous avons des tables rondes disposées de chaque côté de la piste. La table des mariés se trouve juste en bas des escaliers.
Je rejoins le petit blond qui a besoin d’aide.
— Que se passe-t-il ?
— Nous voulons votre avis sur la table test, dit-il timidement.
Je regarde la décoration. La composition en fleur que nous a fait la belle fleuriste se tient au centre de la table. De jolies touches rouge en forme de diamant sont disposées tout autour. Les assiettes sont placées l’une au-dessus de l’autre comme nous l’a montré l’organisation royale.
Elle m’a beaucoup aidé. Je ne voulais pas la laisser de côté alors je lui ai proposé de collaborer pour ce jour. Sa présence est très importante.
Je vérifie le pliage des serviettes et m’assure que les menus soient conformes.
Je dois dire que je suis époustouflée par ces jeunes qui travaillent si dur.
— C’est parfait ! Faites la même chose avec les autres tables, je vais m’occuper de celle des mariés.
Je les quitte pour me rendre en cuisine.
Je traverse le grand couloir, laissant le brouhaha des décorateurs et l’odeur des fleurs derrière moi. Je suis accueilli par la senteur du beurre chaud, le crépitement des poêles et les ordres qui fusent de tous les côtés.
La cuisine est très grande permettant au cuisinier d’être dans la première salle et poursuivre vers les pâtissiers qui se battent avec le nombre d’étages du gâteau tandis que d'autres confectionnent les choux.
— Madame Nilsson, vous tombez bien. Goûtez, me lance le chef en tendant une assiette-test devant moi.
Je savoure la douceur de chaque petit four notant mentalement les petits détails à revoir mais c’est vraiment exquis.
Je leur indique les petites améliorations.
— Continuez ainsi, je veux que chaque boucher raconte une histoire.
Je ne reste pas plus longtemps. A peine ai-je reposé l’assiette que le talkie grésille.
— Eleonora, viens vite, on a besoin de toi.
La voix d’Anna résonne avec une urgence, que je connais trop bien. Je quitte la chaleur des fours pour me diriger vers la salle. Je traverse une nouvelle fois le couloir amenant le froid de mon angoisse face à cette urgence. J’ai l’impression de courir après le temps, de jongler entre mes responsabilités et ce secret qui me consume.
Quand j’arrive dans la salle, Anna m’attend, le visage inquiet. Derrière elle, je distingue des personnes groupées autour d’un gros carton.
— Eleonora… murmure-t-elle. Tu attendais encore une livraison. ?
Je fais signe que non. Toutes mes demandes particulières ont été livrées ce matin. Je n’attendais plus rien.
Une intuition me serre la poitrine. Et si… ?
Je m’approche du carton avec méfiance,, conscience qu’une surprise avant le mariage peut être la cause d’un désastre. Anna m’observe en silence, ses yeux pétillent d’un éclat que je n’arrive pas à déchiffrer.
Je demande un ciseau à l’un des jeunes et défait le scotch qui retient la surprise. Une boîte rouge me fait face avec dessus un blason que je reconnaîtrais sans problème les yeux fermés : le saut de la famille royale.
Mon souffle se coupe.
— Qu’est ce que c’est ? demande l’un des décorateurs.
Je m'abaisse caressant les armoiries du bout des doigts. Mon cœur bat si fort que j’ai peur que tout le personnel l’entendent. Je sors la boîte du carton et ouvre le petit crochet. Je prends le temps d’ouvrir le couvercle laissant dévoiler une odeur douce et florale.
Un bouquet de roses blanches parsemé de perles blanches me fait face. Je le sors pour l’observer et découvre une petite lettre à mon nom. Je vérifie que personne ne la voit et la glisse dans ma poche.
Je comprends aussitôt. Il est le seul à avoir une raison de m’offrir un aussi joli bouquet.
— C’est… magnifique, balbutie Anna, ignorant la vérité. Nous devrions le placer… peut-être près de la table des mariés ?
— Non, dis-je rapidement, trop vite. Ce bouquet est… destiné à un endroit particulier. Je m’en occuperai moi-même.
Elle hoche la tête, surprise mais confiante.
Le staff finit par retourner à leur tâche tandis que je replace le bouquet dans sa boite. Je porte la boite et me dirige à pas rapide vers ma chambre pour le déposer.
Je referme la porte rapidement lorsque j’arrive. Le silence me fait de nouveau face. Fini le bruit des pas pressés, des voix qui résonnent et des ordres lancés d’un bout à l’autre.
Les mains tremblantes, je sors la petite carte de ma poche et j’y lit les doux mots de mon prince.
Demain, la lumière brillera pour ma sœur. Mais ce soir, mon âme ne cherche que la tienne.
Les mots me transpercent. Je ferme les yeux. Tout autour, le monde continue de courir, de préparer, d’agencer… mais pour moi, le temps s’arrête. Je pourrais rester là des heures, à boire chaque lettre, chaque trace de lui.
Un sourire m’échappe malgré moi. Et avec lui, une larme. Je sers la petite carte que je glisse sous mon oreiller avant de retourner gérer mon équipe.
Je redeviens Eleonora, l’organisatrice du plus grand événement danois. Mais dans le secret de mon cœur, je suis simplement une femme amoureuse, brûlant de ce lien interdit.
~
Nous venons de finir notre journée. La nuit est déjà tombée depuis plus de deux heures sur le château.
Anna rejoint sa chambre pour se préparer pour le dîner d’avant mariage tandis que je termine de peaufiner la table des mariés.
Je m’autorise à prendre du recul sur la salle aménagée pour l’occasion et je suis tellement heureuse. La décoration ressemble exactement à ce que j’avais imaginé.
J’ai hâte que la princesse Astrid découvre toute notre organisation.
Je fini par retourner dans ma chambre pour me changer.
J’opte pour une robe rouge à bretelle assortie d’un petit gilet blanc.
J’ajoute des sandales à talons blancs et rejoins Anna dans sa chambre. Nous sommes déjà en retard pour le repas mais j’ai pris les devant en envoyant un message à Astrid.
Le sapin a été la pièce la plus difficile à décorer et elle n’est pas encore finie. Je dois me lever tôt demain pour le terminer.
Ma meilleure amie m’attend dans une petite robe rose poudré dévoilant son petit ventre grandissant de jour en jour.
J’attrape sa main et nous avançons vers la salle à manger dans un silence réconfortant.
Lorsque nous franchissons les portes, les regards sont tous tournés vers nous. Sans réellement comprendre ce qui arrive, les membres se trouvant dans la pièce nous applaudissent.
Mon cœur se serre et je sers un peu plus la main d’Anna m’assurant que je ne rêve pas.
La princesse s’approche de nous deux. Elle prend nos mains liées pour les poser dans les siennes.
— Profiter, c’est votre moment. Vous avez donné votre énergie pour réaliser le mariage de mes rêves, ce soir je veux que vous sachiez que sans vous ça n’aurait pas été pareil.
Une larme solitaire dévale le long de ma joue tandis qu’Anna devient une vraie fontaine.
— Foutu hormone, dit-elle, attirant les rires des invités.
Nous avançons dans la salle. Beaucoup de personnes sont présentes. La famille proche du roi et de la reine est présente. Les frères et sœurs de ses majestés avec leur enfant et les grands parents de Nicolaï et Astrid nous sont présentés.
Même si je suis contente de les rencontrer, mon regard le cherche dans cette salle bondée de monde.
Je mets peu de temps pour le voir. Il est avec son père et un autre homme plus âgé que le roi. Il écoute la conversation mais il tourne rapidement sa tête lorsqu’il sent mon regard sur lui.
Je lui offre un sourire sincère.
Lui, me fixe avec cette intensité que je connais trop bien, ce regard qui dit tout ce qu’il n’a pas le droit de prononcer ici. Mon cœur s’emballe aussitôt.
Anna me tire par la main pour nous asseoir à notre table. J’écoute brièvement la conversation, rit aux anecdotes des invités mais mes pensées ne quittent pas l’ombre de son regard.
Les plats se succèdent, les verres tintent, les rires résonnent sous les plafonds peints. Tout semble si léger autour de moi. Et pourtant, à chaque fois que j’ose lever les yeux, je le trouve déjà en train de me regarder. Comme si, dans cette foule de sourires, nous étions seuls.
Mon téléphone finit par vibrer dans ma pochette m'annonçant un nouveau message. Je le sors discrètement pour y lire le contenu.
Nicolaï – 23 : 25
J’ai besoin de te voir…
Trouve un moyen pour t’absenter quelques minutes
Je cherche son regard. Il a autant besoin de moi que j’ai besoin de lui.
Nous n’arrivons finalement plus à faire semblant.
Lui comme moi, ne pouvons nous fuir.
J’indique à Anna que je dois m’absenter quelques minutes.
Je me lève de ma chaise après m'être excusé auprès des invités autour de moi. Je quitte la pièce pour me diriger dans la bibliothèque juste à côté. Je sors mon téléphone pour le prévenir de l’endroit où je me cache.
La bibliothèque est plongée dans une semi-obscurité. Seules les petites lampes sur la table éclairent la pièce. Je finis par me placer devant l’une des fenêtres observant les quelques flocons tombant dans le ciel d’une nuit d’hiver.
Je resserre mon petit gilet autour de ma poitrine, espérant calmer les battements de mon cœur. Chaque seconde d’attente paraît une éternité.
La porte finit par se refermer sans un bruit. J’opère un demi-tour pour le voir entrer dans cette pièce refermant mille et une histoires. Son regard accroche le mien aussitôt, intense, affamé, comme si tout ce qu’il avait contenu jusque-là menaçait enfin d’exploser.
— Eleonora… souffle-t-il, presque comme un reproche, presque comme une prière.
Je ne trouve pas les mots. L’air entre nous devient brûlant.
Pendant un instant, le château entier continue de rire, de trinquer, d’honorer la future mariée. Mais ici, dans cette pièce oubliée, il n’y a que lui et moi, deux êtres pris au piège d’un secret trop grand.
Il avance dans ma direction et lorsqu’il est à ma hauteur, son doigt frôle ma main, et ce contact minuscule suffit à faire s’effondrer mes dernières défenses.
— Merci pour le bouquet, il est magnifique, murmuré-je en posant mon front contre le sien.
Nos souffles s’accordent pour ne laisser qu’un douloureux silence entre nous.
Il est le premier à briser la distance en franchissant les derniers centimètres qui séparent nos lèvres. Ce baiser est doux mais sonne comme un besoin mutuel.
Son baiser est d’abord tendre, une caresse hésitante, avant de devenir plus profond, plus affamé. Il déverse dans ce contact tout ce qu’il nous est interdit de dire.
Je suis celle qui rompt ce moment. Je recule pour me retourner à nouveau face à la neige de décembre.
Il m'enlace, fort, possessivement, en plaçant ses mains tout autour de mon corps. Il respire mon odeur me volant un frisson.
Et si quelqu’un entrait ? Et si le roi savait ?
— Je pense que je devrais retourner dans la salle, soufflé-je dans un chuchotement douloureux. Anna doit s'inquiéter de ne pas me voir revenir.
Il dépose un dernier baiser en dessous de mon oreille. Je me retourne pour le contourner mais avant de m’éloigner, je lui offre à mon tour mes lèvres contre sa joue.
Le retour dans la salle est assourdissant. Les conversations, les rires, les tintements de verres me paraissent lointains, presque irréels. Mon cœur, lui, bat encore dans le rythme de ce baiser interdit.
Anna, elle, ne loupe aucune seconde de mon retour. Elle sait. Elle a compris que je cachais un secret. Elle n’est pas ma meilleure amie pour rien. Je m’installe à nouveau sur ma chaise et la douce main d’Anna se dépose sur la mienne.
Le dîner se finit dans une ambiance douce, ponctué de danse et d’éclats de joie. Il est temps pour moi de m'éclipser pour rejoindre le silence de ma chambre.
Je ferme la porte de ma chambre, laissant le château tomber dans les bras de morphé lui aussi. Demain, le monde entier verra sa princesse devenir duchesse… et moi je garderais dans l’ombre le secret d’un baiser interdit.

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