Chapitre 24

16 minutes de lecture

Nicolaï

Le mariage approche. Dans moins de deux heures, nous partirons vers la cathédrale Saint-Ansgar.

Ma sœur n’est pas sortie de sa chambre de la matinée. Anna est avec elle pour réaliser les préparations. Eleonora court dans tous les coins du château pour s’assurer que tout soit en ordre.

Notre baiser d’hier me revient en tête ravivant des sensations dans mon cœur. Je me surprends à sourire, malgré le poids des responsabilités qui pèsent encore sur mes épaules.

Tout le monde semble courir après le temps tandis que je termine mon déjeuner.

Je m’approche des grandes fenêtres donnant sur le jardin. La neige recouvre une bonne partie de notre jardin rendant le moment magique. Nous avons toujours apprécié cette saison avec ma sœur, les sorties à cheval étaient toujours revigorantes.

Je comprend qu’elle ait choisi cette date pour son mariage, ça correspond parfaitement à sa personnalité.

Un léger bruit contre ma porte retentit.

— Entrez.

La porte s’ouvre sur ma petite blonde aux yeux verts. Elle tient son carnet dans les bras. Elle a l’air essoufflée. Ses joues rougies contrastent avec l’éclat vif dans ses yeux.

— Je voulais juste t’informer que nous avons fini la préparation. Les fleurs sont en place, le cortège est prêt et la mariée n’attend plus que l’heure, annonce-t-elle.

Elle se tient devant le cadre de la porte, n'osant pas effectuer un pas supplémentaire au risque de se faire surprendre.

— Merci de m’avoir prévenu, souffle-je en m’avançant vers elle.

Lorsque je suis suffisamment proche, je vérifie le silence du couloir et la tire délicatement par le poignet pour la faire rentrer. La porte se referme avant que je ne me retourne pour lui faire face.

Elle me regarde, surprise, les lèvres ouvertes comme si elle allait protester mais aucun son ne sort. Son carnet toujours dans ses mains tremblent légèrement.

Il ne reste que peu de centimètre entre nous. Je lutte une dernière fois avant de poser mes lèvres sur les siennes. Un baiser doux et fort, signe de notre envie mutuelle.

Elle s’écarte la première, les yeux fermés, reprenant son souffle.

— Nous ne devrions pas, Nicolaï…

Elle a raison. L’embrasser est un péché… mais je voudrais le réaliser jusqu’à la fin des temps si je le pouvais.

Je recule pour lui laisser l’espace dont elle a besoin. J’abaisse la poignée pour lui laisser le droit de repartir. Je ne peux pas la retenir si elle ne le souhaite pas. Alors je la laisse franchir cette porte mais avant que son petit corps soit trop loin, je lui murmure :

— J’espère que tu me réserves une danse, princesse.

Elle s'arrête dos à moi. Ses épaules se soulèvent légèrement comme si les mots prononcés lui déchiraient le cœur. Ses yeux verts me font face une dernière fois pour briser une petite partie de mon être.

— Je ne peux rien te promettre…

Ses mots me giflent plus fort que n’importe quel ennemi. Je devrais m’en réjouir — elle a raison, elle me ramène à ma place. Pourtant, tout en moi se révolte, réclamant ce que je n’aurai jamais.

Elle disparaît dans ce long couloir.

Je referme la porte, rencontrant à nouveau le silence de ma chambre.

Le goût de mon interdit sur mes lèvres me procure, pendant encore un instant, un petit plaisir doux.

Je quitte ma chambre pour un dernier débrief avec la sécurité. Mon père doit déjà m’y attendre.

Nous avons plus beaucoup de temps. Pour une fois, nous sommes d’accord avec le roi pour privilégier la sécurité sur les attroupements autour de la cathédrale. Les informations ont déjà annoncé plus de 50 000 personnes pour voir la princesse dans sa robe de mariée.

Une partie de la garde royale a été appelée pour sécuriser l'événement. Elle se tient droite face à mon père lorsque j’arrive dans la cour. Il discute avec le capitaine que nous connaissons bien. Je les rejoins en descendant rapidement les escaliers.

— Nicolaï te voilà, répliqua-t-il sèchement. Tu es en retard.

Un reproche. Mon père a tendance à ne voir que les choses que je fais de mal. C’est compliqué pour lui d’accepter que je ne sois pas le prince parfait.

— Votre altesse, c'est un plaisir de vous revoir.

Le capitaine me tend une main que je serre en signe de respect. Il m’a formé lorsque j'étais à l’armée et il a toujours veillé à ma sécurité. C’est un homme bon et doué dans son rôle de capitaine.

Il nous indique que tout est prêt et que son équipe se tient en place pour le cortège royal.

Mon père acquiesce et me fait signe de le suivre. Nos pas sont similaires : franc et fier. Lorsque nous arrivons devant deux couloirs menant dans des directions différentes, mon père pose une main sur mon épaule, fixant son regard au mien.

— Je compte sur toi pour inviter Kristen à danser ce soir, vos fiançailles seront annoncées dans peu de temps.

Je ne réponds rien. Que pourrais-je lui dire ? Que je ne veux pas Kristen comme femme mais une organisatrice de mariage venant tout droit de la Suède ? Je ne peux pas, je n’en ai pas le droit. Il ne comprendrait pas, il n’a jamais cherché à me comprendre.

Le roi Richard n’est pas très compréhensible quand ça touche à la couronne. Contrairement à lui, je le comprends. Notre famille s’est battu de nombreuses fois pour faire valoir leur droit à la couronne. Il est légitime que j’en fasse de même mais des fois je voudrais être né hors de la famille royale.

Je hoche la tête et laisse mon père rejoindre ses quartiers. Il ne nous reste que peu de temps avant la cérémonie. Il est temps d’enfiler mon costume de cérémonie et d'accompagner ma sœur dans ce jour si important.

Je dois montrer à mon peuple que je suis le futur souverain qu’il mérite même si je ne peux épouser la femme qui fait battre mon coeur.

~

Le carrosse attend ma sœur devant le château.

Nous n’avons pas le droit de la voir avant son entrée. Alors nous attendons, enfermés dans nos voitures teintées, pendant que les invités s’installent. Nous attendons le feu vert d’Eleonora pour sortir et faire notre plus beau pas.

Ma mère me sert fort la main. Elle est absolument magnifique. La reine porte une robe conçue par Anna sur demande d’Astrid. Elle est dans une robe rose très clair parsemé de fleurs brodées sur le bustier et le bas de la jupe. Anna lui a confectionné une cape pour aller avec la robe cachant ses épaules.

— Je suis fière de vous, me dit-elle avec émotion. Je pensais te marier avant elle mais tu n’as pas trouvé celle qui fait chavirer ton coeur… ou peut-être que si.

Sa dernière phrase est un souffle presque inaudible mais elle sait que je l’ai entendue. Ma mère me connait. Je ne peux rien lui cacher, elle arrive à lire en moi.

— Vous savez, donc…

— Bien sûr mon fils, je ne suis pas aveugle au point de pas voir que tu aimes cette femme autant qu’elle t’aime.

Je ferme les yeux, soufflant un bon coup avant de les rouvrir. Notre mère n’a jamais aimé qu’on m’impose une femme, elle voulait que je connaisse le grand amour comme elle et mon père.

— Tu sais que je serais toujours de ton côté sur ce sujet, Nicolaï, souffle-t-elle. Mais ton père, il ne sera pas simple de le convaincre.

Sa main toujours dans la mienne me caresse doucement montrant que je ne suis pas seul dans cette épreuve. Elle est la bonté et la douceur de notre famille. Ma mère respire l’amour et la gaieté.

La reine est la légèreté et la fragilité pendant que le roi est l’ordre et les lois.

— Je vais te donner un dernier conseil avant que la porte ne s'ouvre, m’indique-t-elle en me montrant que les gardes commencent à s’affoler dehors. Je veux que tu vives, pour une fois, pour toi et seulement pour toi. Si elle est celle que tu veux alors bats toi pour l’avoir, ton père est un roi grognon mais il t’aime. Il finira pas accepter ce que ton cœur désire.

Sur ces derniers mots, un lieutenant nous indique qu’il est temps pour nous de rentrer dans la cathédrale.

Je respire une bonne bouffée d’air avant de poser un pied au sol. Je sors de la voiture sous des dizaines de milliers d’applaudissements et de voix se mêlent dans un chœur vibrant, acclamant notre famille, acclamant cette union.

Je lève la main et salue la foule, affichant le sourire que l’on attend d’un prince. Le peuple y voit un prince confiant, fier, peut-être même le bonheur. Mais je cache plus de blessures que je le voudrais.

Pourtant, ces visages, ces drapeaux flottant dans l’air entourant la foule, me rappellent que je ne suis pas seulement un prince. Je suis un homme, vivant, respirant le même air que la neige froide a ramené sur notre beau pays.

Je me retourne pour proposer mon bras à ma mère qui retient une larme. Elle est aussi fière de ce pays que je le suis. Ma mère Sofia est celle qui m’a fait comprendre que notre titre ne vaut rien sans toutes les personnes vivant au Danemark. Nous devons les remercier d’être là pour nous aider à faire prospérer notre cher pays.

Quand elle glisse sa main sous mon bras, je sens ma détermination se raffermir. La fierté de ma mère vaut bien plus que toutes les couronnes du monde.

Nous avançons vers les portes de Saint-Ansgar, les cloches retentissent annonçant notre arrivée imminente. La foule se fait plus douce pour laisser place à la musique d'entrée sous les regards des invités.

Lys på din vej de Frederik Magle retentit dans la cathédrale. Nous avançons doucement à pas millimétré dans la grande allée qui mènera ma sœur au charmant jeune homme devant l’autel.

Nous gardons la tête haute, fière d’être qui nous sommes. Alors que mon coeur voudrait être une autre personne.

Ma mère et moi prenons place au premier rang, pendant que mon père entame sa marche, drapé de sa cape et de sa couronne étincelante sur son front. Il respire la force et le pouvoir dans son habit de roi.

Moi, je ne suis qu’un fils qui lutte pour respirer derrière le poids de la couronne.

Canon D se met à jouer par la pianiste. Les invités se lèvent, se tournent vers la porte d’entrée.

Anna est la première à faire son entrée. Elle porte une robe beige brodée de perles blanches dotée d’un joli bustier bateau et d’un léger volume sur le bas. Elle est ravissante. Son bouquet me rappelle le centre de table que la fleuriste nous avait montré à Eleonora et moi.

En parlant d’elle… ma princesse avance dans une robe beige avec la même broderie que sa meilleure amie. La seule différence est que sa robe est beaucoup plus simple, elle est accrochée au niveau de son cou et laissant son dos nu, recouvert par ses longs cheveux blonds, être dévoilés. Elle est magnifique.

Son regard accroche le mien, et soudain la cathédrale, les invités et la musique s’évanouissent. Il n’y a plus qu’elle. Et je maudis mon cœur d’oser aimer celle que je n’aurai jamais.

Eleonora, j’espère que tu vois à quel point je suis fou de toi…

Le temps finit par se figer, laissant place à ma petite sœur.

Elle avance, les yeux brillants d’émotion. Chaque pas respire la confiance. Sa robe est splendide, à couper le souffle.

La traîne énorme de sa robe est conçue de milliers de perles blanches et rouges cousues à la main. Son buste reçoit le même traitement accompagné de manches en dentelle. Un long voile est déposé sur sa tête révélant son doux visage. Elle est époustouflante.

Une future duchesse qui mérite la plus belle robe.

Anna est vraiment très douée. Je suis absolument bouche bée.

~

Ma sœur est officiellement Princesse du Danemark et Duchesse d’Esbjerg.

La cérémonie a été magnifique. L’émotion a été garantie et l’allumage du chandelier, après les vœux, a été l’un des plus beaux moments.

Nous pénétrons dans la grande salle de réception et un silence admiratif s’impose aussitôt. Les guirlandes lumineuses au plafond de la salle reflètent les délicats diamants rouges disposés sur chaque table. Les fleurs en centres de tables sont exactement à leur place dans ce décor féerique.

A mesure que nous avançons, la magie s'intensifie. Eleonora n’a rien laissé au hasard. Elle a transformé cette salle en un royaume à part, digne du plus grand conte.

Les convives sont aussi émerveillées que je le suis. Mes parents semblent eux aussi sous le charme. Ma mère glisse sa main sous mon bras pour continuer notre chemin.

Au fond de la salle de bal, un arbre de Noël gigantesque se dresse. Majestueux, lumineux et raffiné. Ma sœur sera plus que ravie de découvrir une pièce aussi belle dans notre château.

Astrid a toujours rêvé d’avoir le plus beau des sapins et aujourd’hui notre suédoise lui offre un cadeau fabuleux. Astrid risque d’en perdre son souffle.

Mon regard dévie pour la trouver. Eleonora.

Celle sans qui tout ça ne serait pas aussi parfait. Elle a compris les attentes de ma sœur et à rendu notre salle de réception aussi magique qu’elle me l’avait évoqué.

J’ai été si dur avec elle. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs alors que je suis aujourd’hui, moi aussi bouche bée face à son travail. Elle n’est pas la meilleure dans son pays pour rien.

Elle n’a pas seulement réalisé le rêve de ma sœur… elle a exposé sous âme au grand public. Chaque détail de cette pièce reflète la délicatesse et la persévérance d’Eleonora.

Mon coeur se gonfle de fierté et de douleur : nos invités ne verront qu’un décor splendide tandis que j’y voit le reflet de la femme que j’aime en secret.

— Tu devrais aller la voir… me souffle ma mère dans un murmure.

Je croise ses yeux si semblables aux miens.

— Qui ça ? demande-je bêtement.

— Nicolaï, ne fait pas ça avec moi. Je connais mon fils. Je vois comment tu la regardes, comment tu la cherches à chaque repas.

Je ne sais que dire. C’est vrai qu’elle a toujours su déceler mes sentiments mais ma mère sait aussi que je suis trop dévoué à la couronne pour oser franchir les limites en public. Le roi ne me le pardonnerait pas.

Cependant, je n’ai pas le temps de lui répondre.

Eleonora se tient face à nous.

Elle effectue une petite révérence avant de prendre la parole.

— Bienvenue votre majesté ! Votre altesse royale ! J’espère que mon travail vous satisfait.

Ma mère s'avance, prend ses mains entre les siennes.

— Eleonora, vous avez fait de notre château un joli conte de fée. Ma fille a bien fait de vous choisir. Nous sommes fiers de vous.

— Merci infiniment, votre majesté, dit-elle en laissant échapper une petite larme. Vous ne pouvez imaginer à quel point vos mots me touchent.

Ma mère la gratifie d’un sourire reconnaissant. Eleonora s’incline à nouveau, avant d’annoncer l’arrivée des mariés. Nous gagnons nos places.

L’orchestre démarre en faisant taire les invités. Nous nous tournons vers l'immense porte sculptée s’ouvrant délicatement en symphonie avec la musique.

Astrid apparaît au bras de Carl. Ses yeux brillent d’une émotion qu’elle ne cherche pas à contenir. Sa traine perlée de sa robe reflète, elle aussi, avec les lumières de la salle. Elle rayonne d’une beauté si pure que je sens ma gorge se nouer.

Le duc aborde une expression fière et tendre. Il ne regarde rien d’autre que ma sœur. Ses pas sont assurés, son visage lui traduit l’amour sincère et délicat qu’il porte à Astrid.

Ils avancent dans la salle, longeant les invités. Certains s’inclinent, d'autres applaudissent doucement. Ma mère retient ses larmes de fierté tandis que mon père se tient droit, le visage sérieux, mais ses yeux dévoiles une lueur d’admiration pour sa fille.

Moi, je ne détourne pas mes yeux de ma petite sœur. Elle est resplendissante, si confiante, si heureuse. Je comprends à cet instant qu’elle n’est plus seulement ma sœur, celle que j’ai toujours protégée coûte que coûte. Aujourd’hui, elle est devenue la femme d’un homme bon. Elle a trouvé sa place, son amour, son destin.

Lorsqu’ils atteignent le fond de la salle, l’arbre s'illumine. Tous les souffles se coupent pour ne laisser place qu'à l'émerveillement.

Je jette un regard furtif vers Eleonora. Son regard rayonne de satisfaction et de soulagement. Elle a réussi : elle a offert à Astrid le plus beau jour de sa vie.

~

La soirée se passe magnifiquement bien. Les invités ont l’air conquis, leurs rires et conversations emplissent la salle de bal comme une douce mélodie. Le repas est un festin : il a été préparé avec soin et les invités vantent la qualité des plats.

Astrid, au côté de Carl, n’a pas perdu son sourire de la soirée. Elle rayonne de bonheur et son mari ne cesse de poser sur elle un regard tendre et protecteur. Nous savons désormais qu’elle est entre de bonnes mains.

Quant à moi, j’ai passé une partie de ma soirée avec mes amis Tomas, Sverre, Eero. Nous avons évoqué ensemble nos souvenirs d’études et je retrouve, un instant, la légèreté d’autrefois. Ces moments sont rares, mais toujours précieux.

Pourtant, malgré nos rires, mes yeux ont cherché Eleonora toute la soirée. Elle circule entre les tables avec grâce afin de s'assurer que chaque convive soit satisfait.

Les conversations se calment, l’orchestre change de rythme laissant place à la valse des fleurs de casse-noisettes. Monsieur Albert prend le micro annonçant la valse des célibataires.

Les premiers couples se lancent sur la piste. Tout le monde connaît notre tradition et l’adore. Mon regard se pose sur mon père qui m’indique qu’il est temps de proposer à Kristen.

Je dévie mon regard pour le poser sur la Duchesse, elle m’attend je le sais.

A mes côtés, Tomas rit et me pousse du coude :

— Alors, prince des cœurs, quelle demoiselle aura le privilège de danser avec toi ?

Mon regard finit par la trouver. Elle. Celle qui fait battre mon cœur. Eleonora tient son carnet serré contre sa poitrine les yeux attendris par le moment.

Sans répondre à mon ami, je m’avance vers elle sous le regard désapprobateur de mon père. Chaque invités suit mes pas, les murmures naissent ce demandant quelle célibataire aura la chance de danser avec moi.

Arrivé devant elle, je tends la main.

— Eleonora, m’accorderais-tu cette danse ?

Son regard vert s’écarquillent, elle reste figée une seconde, consciente des centaines de visages tournés vers nous. Son souffle tremble, ses lèvres s'entrouvrent comme pour protester mais je ne fais aucun mouvement gardant ma main devant elle.

Le temps est suspendu. Ce n'est pas qu’une simple danse. C’est un affront au protocole, c’est une promesse muette, un aveu silencieux face au royaume.

— Nicolaï… je…

Sa voix n’est qu’un murmure. Elle lutte entre son envie et son devoir de rester loin de moi.

Les invités n’attendent que sa réponse. Le temps s’étire, pesant, insupportable. Ma main toujours en l’air n’attendant que la douceur de la sienne.

Enfin, dans un souffle inaudible, que je suis le seul à entendre, elle murmure :

— Je ne peux pas te refuser ça, pas ici, pas avec tous ses regards vers nous.

Sa main posée sur la mienne est parcourue de frissons. L’orchestre reprend, chaque note jouée remplie la pièce. Les convives applaudissent heureux de voir leur prince donner l’exemple. Mais pour moi, à ce moment, il n’y a que nous.

Je l’emmène vers le centre. Ses pas sont hésitants mais elle ne perd pas sa grâce pour autant. Je pose ma main dans son dos, sentant à travers le léger tissu la chaleur de son corps.

Nos pas sont similaires, coordonnés comme si nous avions fait ça toute notre vie.

Nos regards se détournent de temps à autre pour regarder les alentours.

Je remarque Tomas, dansant en bonne compagnie au côté de la meilleure amie de la femme dans mes bras.

Un sourire satisfait surplombe mon visage. Je danse avec l’interdit. Et pour ces minutes volées, je me sens le roi du monde.

La musique nous enveloppe. Je sens la tension de son corps sous mes paumes.

— C’est insensé, Nicolaï, murmure-t-elle entre deux mouvements. Tout le monde nous regarde.

— Qu’ils regardent, réplique-je doucement. Pour une fois, je fais ce qu’il y a de mieux pour moi.

Elle baisse les yeux, mordillant sa lèvre comme pour contenir sa réponse. Puis d’une voix presque imperceptibles :

— Tu rends les choses encore plus difficiles…

Je souris légèrement malgré la douleur dans ma poitrine. Je resserre ma prise pour la faire tourner.

— Laisse moi croire, le temps d’une danse, que tu es à moi…

Elle relève les yeux vers moi, et dans leur éclat, j’y lis tout ce qu’elle n’ose pas dire.

La musique ralentit, libérant les dernières notes. Son corps se crispe comme si elle voulait se dégager de ma prise au plus vite.

Je prolonge l’instant, la gardant au plus proche jusqu’à la toute dernières notes. L’orchestre s'arrête, un silence suspendu emplit la salle aussitôt interrompu par un tonnerre d'applaudissements.

Je garde sa main dans la mienne, une seconde de trop. Son regard me supplie de la lâcher. J’effectue une petite révérence en déposant un doux baiser sur le haut de sa main avant de la lui rendre.

Elle s’incline à son tour, parfaite dans son rôle, et esquisse un sourire de convenance pour masquer la tempête dans ses yeux.

Je croise le regard sombre de mon père. Ses lèvres ne bougent pas, mais son regard en dit long : je suis allé trop loin. Kristen, quelques tables plus loin, affiche un air contrarié.

Eleonora recule d’un pas, reprenant son rôle d’organisatrice. Elle s’incline une dernière fois avant de disparaître.

Je quitte à mon tour le centre de la piste de danse pour laisser place à la valse nuptiale de la Duchesse et du Duc.

Je rejoins mes parents sous le regard meurtrier de mon père. A leur hauteur, il murmure d’un ton mauvais :

— Tu viens de commettre une grave erreur. J’espère que tu en assumeras les conséquences.

Ses mots tranchent comme une lame. Il a raison, il y aura des conséquences. Mais au fond de moi, mon cœur est ravi d’avoir partager ce moment avec elle et pour rien au monde je le regretterais.

Nous verrons tout cela demain, pour le moment nous profitons des derniers moments de cette soirée qui fait le bonheur d’Astrid.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Aziliss ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0