Partie 2 : Invités surprises

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   Le cœur débordant de colère, Mars, évitait autant que possible les contacts avec les membres du Cercle et son grand-père n’en était pas exclu. Il vaquait à des occupations communes sans prendre part aux missions qui étaient recommandées. Désigner un nouveau Gardien avait été une absurdité. Ils avaient pris cette décision de manière arbitraire et contre les mœurs habituelles.

Cela faisait un cycle lunaire maintenant qu’Intercrus avait annoncé le suppléant de Neptune. Et au fond, Mars était tout autant sinon plus en rage contre son père qui n'était toujours pas revenu. Il était pourtant certain qu’il reviendrait, et il reprendrait sa place qui lui revenait de droit.

En attendant, il s'occupait et s’imposait lui-même des missions qu’il jugeait nécessaires. Surveiller le comportement des Fées voisines en faisait partie. Pourtant le Cercle avait préconisé de ne pas les approcher. Mars voulait s’assurer que leur comportement ne gagnait pas à nouveau en animosité. Précautionneux malgré sa désobéissance, il épiait à bonne distance pour ne pas être repéré. Si ce n’eut été le cas, il aurait rangé sa témérité pour déguerpir aussi vite que possible.

Entretenir le feu des fourneaux pour permettre son utilisation quotidienne était une des autres missions qu’il assumait de son propre chef. Armé d’un fendoir, couper du bois et l’acheminer jusqu’au village n’était pas une tâche difficile pour Mars. Son but était de libérer du temps à Prius et Dioné. C’était la mission qu’il s’évertua de remplir ce matin-là. L’aperçu d’un ciel engorgé et menaçant avait motivé ce choix.

De son côté, la jumelle de Mars n'avait pas accueilli la nouvelle avec grande joie non plus. Mais elle respectait cette décision. Depuis l’aube des temps, la transmission du rôle de Gardien se faisait selon l'appel des cieux. Ce prérequis avait été pour la première fois occulté, mais elle comprenait la pertinence et les motivations qui avaient amené cette résolution. Coéo avait dû sonder le ciel pour transmettre l’appel du successeur. L'espace céleste était pourtant resté muet. Et ce fut finalement Yon qui avait été désigné par l’assemblée du Cercle pour prendre la relève.

Le pincement engendré par l’absence de Neptune s’aiguisait dans le cœur de Lune. Elle et son frère se répétaient qu’il reviendrait bientôt parmi eux. Que ce n’était qu’une histoire de jours. Qu’un soir, en rentrant de leurs occupations, ils humeraient l’odeur familière d’une préparation culinaire en pleine conception. Mais soir après soir, cycle lunaire après cycle, leur foyer restait insonore, inodore, vide. Plusieurs saisons s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’ils avaient vu leur père. Le Gardien devait remplir ses missions avant tout, se dirent-ils, mais leur moral était impacté par cette absence prolongée.

Depuis la désignation de ce nouveau Gardien, l’impatience de Mars s’était transformée en une irritabilité colérique. Même Lune avait du mal à le faire changer d’humeur, mais elle savait comment le titiller pour éteindre ses pensées assaillantes.

Ce matin-là, Lune vint aider Iléa dont l’habitation avait eu quelques déconvenues avec la violence des vents de ces derniers jours. Une partie de la charpente du toit était à refaire ainsi que toute la composante isolante. Ils s’y étaient mis à plusieurs pour déblayer toute la partie supérieure en feuille végétale. Les bourrasques encore allègres ne facilitaient pas la tâche, mais les compétences sensorielles de Lune lui permirent un équilibre et une alerte compensatrice.

Le vent était un élément imprévisible et hardi pour quiconque l’affrontait de face. Indécis comme le temps, sinueux comme le serpent, il était plus efficace d’élucider ses inflexions pour se servir de sa force que de s’y opposer frontalement. Lune savait comment s’y prendre. Pourtant un énième souffle aérien vint soudain la désaxer et son humilité fut aussitôt remise en question par la force de la nature. Malgré son agilité, elle se dit qu'elle demanderait de l’aide à son frère lorsqu’elle le croiserait.

Après un travail bien fourni, le ciel assombri convainquit Lune de descendre de sa hauteur. Elle ne voulait pas prendre plus de risque. Ce fut une fois pieds à terre, sens et lumen encore aux aguets, qu’elle ressentit un trouble provenant de l’ouest. Elle n’était pas certaine de ce qu’elle percevait et prit un temps pour se concentrer. Elle n’était pas assez expérimentée pour ressentir des énergies à une telle distance, pourtant elle percevait un fluide puissant s'approchait. Il n’y avait pas beaucoup de créatures capables de dégager une telle aura à cette portée. Cette énergie, bien qu’étrange, lui était familière et pendant un instant elle fut remplie d’une joie infinie. Puis sa mémoire s’affina et le doute et l’inquiétude brouillèrent son acuité spirituelle. Son pouls s'accéléra. Elle se trompait totalement, et elle se dit qu’elle aurait préféré ne jamais avoir ressenti à nouveau cette pesanteur.

Ses présomptions se confirmèrent. Lune se diriga sans entrain en direction de l'oppression spirituelle qu’elle percevait, guidée par une curiosité craintive. Elle n’était pas la seule. D’autres membres du village ressentirent ces essences étrangères et avancèrent vers le même point cardinal. Elles étaient nombreuses et aux portes du village. Ceux qui n’étaient pas dans cette confidence sensorielle n’échappèrent pas à la lourde atmosphère. Il se tramait quelque chose.

Arrivée proche de la zone de démarcation ouest du village, Lune nota que les deux Oraï qui étaient attribués à la garde avaient pris une posture défensive à visée préventive. À mesure que Lune s’était approchée, son derme s’était raidi au point d’être contracté comme un seul et même muscle. Elle s'arrêta à une cinquantaine de pas de la délimitation du village. Elle ne voulait pas s’approcher davantage. Elle ne le pouvait pas, son corps l’en empêchait. Mais elle était assez proche pour apercevoir la réception inattendue des invités surprises.

Les énergies se faisaient plus précises et plus palpables, ce qui ne la rassurait aucunement. Personne n’était habitué à une visite d’envergure de la sorte et le petit peuple d’Oraï était dans l’attente que leurs visiteurs se dévoilent. Un silence expectatif régnait. Et ce fut la pluie qui se manifesta la première et libéra la muette léthargie du village d’Orion.

Une goutte frappa l’épaule de Lune. Puis une autre avant qu’un rythme plus soutenu s’intensifie. Les nuages gonflés à leur point de rupture exécutaient leur menace. D’ordinaire elle serait réjouit de cette bruine, mais pas aujourd'hui. Des rafales de vents balyérent sa chevelure méfiante alors que son corps semblait hésiter. Elle se remémorait des souvenirs. De mauvais souvenirs.

Une lumière fulgurante fugace ponctua la scène. L’éclair avait déchiré le ciel noir et aveuglé les pupilles naïves. Et ce fut à cet intervalle précis que les invités surprises surgirent de la forêt telle une meute immersive.

Dans ce flash électrique aussi révélateur qu’aveuglant surgirent en vague les assaillants aux intentions sans scrupules. Il fallut quelques secondes pour que les Oraï comprennent ce qui était en train de les immerger. En une fraction de seconde, Lune pensa reconnaître un être couvert d’écailles, aux membres palmés et aux ongles acérés qui plongea sur un de ses semblables. Il le tua. Des dizaines d’Atlants déferlaient sur eux. Les deux supposés gardes avaient été foudroyés sur place par l’offensive éclair des intrus. Tombés à terre dès le premier grondement lumineux, ils retournaient aux astres. Les autres membres d’Orion qui avaient été trop curieux et proches de l’orée du bois n’eurent que peu de temps pour réagir et beaucoup subirent le même jugement expéditif. Les plus chanceux initièrent un début de défense stuporeuse dans une houle de cris noyée par l’horreur. L’inhibition n'était pas de mise chez les agresseurs et il fallait répliquer sans plus d’interrogation au risque d’être englouti sans délai.

Lune vit la scène avec la même perplexité que ces congénères. À la différence qu’elle resta aréactive. Ces semblables étaient attaqués, assassinés sous ses yeux. Elle avait déjà entrevu la sainte forces des Atlants et à cet instant même elle découvrait la puissance écrasante qu’elle avait soupçonnée. Les images, le sang, les cris défilaient sur sa rétine sans qu’elle n’imagine aucune opportunité de se mouvoir ou d’agir. Des questions sans réponse lui venaient encore et toujours. Cela ne pouvait être réel. Elle trembla de contractions imperceptibles et ne chercha pas à fuir ou même à éviter l’imposant ennemi qui se rua vers elle après avoir éliminé une nouvelle victime. Ce cauchemar devait s'arrêter. Ces mains palmées et aiguisées allaient la délivrer et la renvoyer dans le monde réel..

C’était sans compter sur une ombre, aux cheveux noirs comme la nuit, qui s’interposa avec vélocité entre l’humanoïde aquatique et son corps désabusé. L’Atlant aurait blessé mortellement Lune si elle n’avait pas été secourue à la dernière seconde. La jeune Ora essuya malgré tout une partie de l’attaque qui avait non seulement blessé sa bienfaitrice, mais aussi son visage juvénile. Du sang s’écoula le long d’une plaie profonde qui s’imprimait de son front jusqu’à sa mandibule gauche.

C’était Alya, qui l’avait secourue in extremis, et qui l'éloigna de l’ennemi avant de la relâcher à portée de l’ennemi. Elle vit aussitôt la blessure indélébile qui marquerait à vie sa protégée. Un genou à terre, elle posa une main sur la figure délicate de Lune alors allongée sur les coudes. Elle se concentra pour accélérer le processus cicatriciel, mais elle avait peu d’espoir. L’iris gauche de Lune était trop abîmé et ne pourrait plus être fonctionnel. Alya la délivra ensuite de son ahurissement d’une tape sur la joue droite.

  • Réveille-toi Lune. Tu es plus forte que ça.

Alya la laissa reprendre son équilibre puis se retourna face à l’être aquatique. Alors que des affrontements faisaient rage tout autour, la gestuelle corporelle de cet Atlant ne montrait pas signe d’une nouvelle attaque imminente. Il concédait un temps de répit pour ses cibles. Ses yeux blafards les fixaient toutes les deux. Ils semblaient vides d’émotion, autant dépourvus de compassion que d’agressivité.

De son côté, la bretelle gauche d’Alya avait été sectionnée par la précédente attaque et une douleur s’étirait le long de la face postérieure de son épaule. La blessure n’était pas profonde. Elle avait amorti la pénétrance du coup grâce à la concentration de son lumen.

Elle dévisagea à son tour son adversaire. Ses sourcils noirs étaient neutres, ses mains, le long de ses hanches, étaient relâchées à l’image de son corps détendu dans son ensemble. Elle donnait l'impression d’être étourdie, mais c’était le contraire. Elle observait de ses yeux perçants son ennemi, les mêmes que lors de sa première rencontre avec Lune. Son calme reflétait une colère contrôlée prête à s’exprimer. Seule l’intensité de son regard pénétrant contrastait avec son expression corporelle.

Tout autour d’eux, la riposte d’Orion débutait. Totalement abasourdis et ignorants des motivations de leurs opposants, les Oraï contre-attaquaient de toute leur force. C’était la meilleure occasion pour exprimer l'étendue de leur pouvoir. Ils étaient le peuple céleste, le pouvoir du cosmos allait s’abattre sur la rafale meurtrière des habitants des abysses.

Lune encore hébétée reprit conscience de ce monde qui l’entourait. Le fracas des combats était étouffé par l’averse et le tonnerre qui perduraient. La pluie tombait. Elle constata bêtement l'œuvre qui se jouait sous sa pupille désormais orpheline. Elle ne ressentait aucune douleur et ne fut même pas outragée de sa blessure. Ses préoccupations étaient davantage dirigées envers son frère ainsi que ses camarades. Ce qui l’entourait la secouait bien plus qu’une simple éraflure. Le champ de bataille au beau milieu de son paisible village n’était qu’horreur. La rage de son peuple était palpable et les combats à mort parsemaient le paysage. Bien qu’aveuglée par la destruction de tout ce qui lui était cher, elle reconnut Alya qui se tenait devant elle. Lune avait tout juste saisi ce qui venait de se passer.

Malgré la taille modeste de son aînée comparée aux Atlants, Alya paraissait déterminée. Lune perçut une énergie magnifique qui se diffusait dans l’environnement. Une douce chaleur l’enveloppa et provenait de son mentor qui se tenait à proximité. C’était bien Alya qui focalisait son lumen et le diffusait dans l’environnement comme elle avait pu lui apprendre. Les capacités perceptives de Lune lui permirent de visualiser ce rayonnement voluptueux. L’aire du halo spirituel de son mentor était d’une envergure insoupçonnée.

Soudainement, Intercrus apparut dans le champ de vision amputé de Lune. Il était entré subrepticement sans un bruit et à une vitesse fantomatique aux côtés de celle qui l’avait sauvée. Il n’y eut aucune aspiration d’air suite à son déplacement rapide et il termina son mouvement par un pas d’une lenteur maîtrisée, accentuant l’effet de célérité. Lune n’avait même pas senti son énergie approcher. Il s’était comme matérialisé en une fraction de temps avec son attitude imperturbable habituelle qui ne reflétait jamais ce qui se tramait dans son esprit. Tel un rempart, il se dressait lui aussi devant Lune et tout comme Alya il ne décrocha pas une seconde le regard de son ennemi. Il articula des mots imperceptibles. Il fallut quelques secondes d’hésitation à Alya avant de contenir ses envies pour se détourner de sa cible et s’approcher de Lune.

  • Vient Lune, trouvons ton frère et Titania.

La jeune Ora acquiesça, et se releva pour la suivre et s’éloigner au plus vite de cette zone guerrière.

Après avoir distancé de quelques mètres seulement la position où elle avait été secourue, une onde énergétique la traversa et la déséquilibra comme un violent courant aérien. Elle se retourna face aux conflits. C’était Intercrus. Il libérait sa puissance à son tour, c’était ce qui l’avait fait chavirer. La pression menaçante qui s’en dégageait lui donna des sueurs. C’était la deuxième fois qu’elle y était exposée, mais elle ressentait désormais l’intégralité de son intensité. La demi-mesure ne serait pas dans les intentions de son grand-père qui avait laissé choir son célèbre sceptre ligneux à terre. Sa posture était offensive, le buste et le bassin engagés de trois quarts. Bras tendu, une paume de main tournée vers l’avant, quand son homologue était serrée jusqu’à la congestion coude au corps. Ses jambes étaient fléchies et son pied d’appui s’était enfoncé dans le sol. Il allait bondir et terrasser l’ennemi.

Alya dut la tirer de son admiration importune en l'agrippant sèchement.

  • Ne te retourne pas Lune. Je t'assomme et te porte si nécessaire.

Lune opina et déglutit. Elle ne devait pas les ralentir. Elles devaient retrouver Mars au plus tôt. Elle l’espérait sain et sauf. Elle restait préoccupée pour son frère et ses camarades, et la perte d’un œil était un maigre prix comparé à certains. Mais que pouvait-elle faire si ce n’était suivre les ordres de son maître ?

Alors elles reprirent leur retraite, traversant le village noyé par les combats, traversées par la frustration, le dégoût et l’effroi. Les Atlants continuaient d’affluer de part en part ce lieu si familier qui avait été le repère de leur sérénité et de leur sécurité, aujourd’hui théâtre d’un typhon de terreur. Des flammes consumaient des habitations, quand certaines étaient détruites en un instant par la force torrentielle ennemie. Leurs camarades luttaient valeureusement, et pourtant des corps gisaient à même le sol, quand d’autres s’écroulaient emportés par le courant meurtrier. Des visages connus, comme celui de Japet, d’Encelade la musicienne et bien d’autres, inexpressifs, qui hanteraient à jamais leur esprit, mais elles continuaient leur fuite dans la tempête des confrontations et dans une cécité consentie du massacre.

Ces images répugnantes choquaient un peu plus chaque seconde Lune qui ne ralentissait pas malgré tout, mais dont le corps et l’esprit ne répondaient plus de rien, si ce n’était au désir de se sauver de cet enfer, de se laisser porter, assommée par l’horreur.

C’était bien Alya qui l'entraînait et qui menait la course. Leur fuite semblait hasardeuse et irréfléchie. Mais Alya savait où se diriger au travers de la vague ennemie. Et elle anticipait chaque danger avec un temps d’avance comme si elle prévoyait les événements et mouvements des antagonistes. Son agilité et sa maîtrise spirituelle lui permirent ainsi d’esquiver et de parer nombres de menaces qui barraient la route. Comme lorsqu’une poutre de bois fut projetée dans leur direction. Ou lorsqu'un des Atltants, au corps souillé d’actes ignobles, s’interposa en travers de leur course. Alya attrapa, d’une poigne puissante, Lune qui la précédait. Cette dernière se retrouva accrochée au cou de son mentor qui la soutint par les cuisses d’un seul bras.

Leur ennemi n’hésita point et se jeta sur elles les bras interposés en forme de croix. Et d’un mouvement de décroisement sec et violent, il tenta de les éliminer sur l’instant. Il échoua. Alya s’était baissée pour esquiver. La différence de taille était propice à cette échappatoire, et Lune qui se trouvait toujours agrippée en sécurité à ce moment-là fut tout à coup projetée dans les airs par une force insoupçonnée provenant de celle qui l’avait guidée. La mort venait à nouveau de la frôler et la puissance qui l’avait envoyée dans les airs avait réveillé son corps engourdi par la peur, si bien qu’elle se gaina et se stabilisa dans un moment d’apesanteur surplombant le duel.

Le corps presque flottant, elle vit son aînée sur le point de mettre à terre son adversaire en quelques mouvements fulgurants. Après l’avoir envoyé dans les airs, Alya qui s’était accroupie, prit appui sur une main et fit poser un genou au sol à son adversaire en heurtant sa cheville écailleuse à l’aide d’un mouvement semi-circulaire de sa jambe étendue. Ce dernier, à peine déséquilibré, frappa brutalement des deux poings le petit corps qui était recroquevillé juste devant lui et qui lui tournait le dos suite à son mouvement de rotation. Mais Alya glissa d’un saut agile au travers de l’attaque qui finit par s’écraser sur la terre. Elle se trouva en position de poirier les deux mains sur les épaules de l'Atlant qu’elle vint frapper d’un coup de genou surprenant sur l’arrière du crâne après avoir contracté l’ensemble de son corps. Son buste, son abdomen et sa cuisse s'étaient mobilisés comme un seul pour frapper lourdement. L’être aquatique vacilla vers l’avant sous le choc et avant qu’il ne chute et ne se rattrape de ses mains palmées, Alya prit appui sur son dos pour s'éjecter dans les airs et intercepter sa protégée avant sa retombée. L’action fut si foudroyante que Lune remarqua à peine son état de lévitation temporaire.

Une fois à nouveau sur la terre ferme, elles reprirent leur course sans prendre le temps de considérer l’efficacité du coup porté. Lune était désormais sur la même longueur d’onde et suivit d’aussi près que possible son aînée. Elle n’aurait jamais pensé que celle-ci puisse faire preuve d’une telle force.

Dans ce bref moment d’égarement apparut à nouveau une menace que Lune eut tout juste le temps de ressentir avant de la visualiser. Le précédent Atlant avait surgi sur son flanc droit. Il était si proche qu’elle fut attirée par la blancheur de son regard impassible, mais c’était sa sinistre aura qui la perturba au point de lui donner des vertiges. Il allait l’anéantir sans aucun doute possible et elle devait réagir. Mais c’était trop tard, elle n’était pas sur ses appuis. Son ennemi avait compris qu’elle était un point faible et qu’il pourrait profiter de chaque erreur qu'elle commettrait. C’était fini eut-elle le temps de penser avant qu’Alya ne s’interpose une nouvelle fois pour la sauver d’une mort certaine.

Elles ne pouvaient esquiver, Alya s'était donc immiscée avec rapidité pour encaisser le poing de l’être des profondeurs à la place de sa protégée. Ce dernier coup aurait dû lui heurter l’abdomen et broyer autant les muscles que les organes profonds, mais il n’en fut rien. Alya avait mis en opposition ses deux mains, appuyées contre son ventre, tournées vers l’ennemi pour amortir la violence du coup.

Le seul poing de l’Atlant était suffisant pour combler au-delà les deux mains de l’Ora, mais la maîtrise de son lumen permit à son corps, frêle en comparaison, d'absorber le choc. Elle avait concentré une grande quantité d’énergie dans ses mains et ses abdominaux. Pourtant, malgré sa vivacité et sa technicité, le coup porté la fit reculer tout en incurvant son corps au centre de l’impact.

Une fois l’attaque amortie, Alya n'hésita pas pour riposter en claquant à l’aide de ses paumes de mains les tempes de l’adversaire. Le coup parut dérisoire, pourtant l’Atlant fut désorienté, ce qui permit à la dame verte de porter un nouveau coup de genou bien réalisé au niveau du menton de son adversaire. La tête et les tentacules mentonnières de l’être aquatique se balancèrent en arrière avant que son corps imposant ne fasse de même et ne chute.

Lorsqu'elle atterrit de son coup de genou sauté, Alya inspira bruyamment avec un sifflement rauque et se replia sur elle-même en se tenant le ventre. Lune comprit qu’elle avait été en apnée durant l’entièreté de sa dernière action, aussi la vit-elle régurgiter une quantité significative de salive qui semblait venir de ses entrailles. Il n’était pas difficile d’imputer l’origine de cette remontée rétrograde, mais Alya qui reprenait un bref instant ses forces ne s’attarda pas sur son cas.

  • Ne nous arrêtons pas, arriva-t-elle à déglutir. Suis-moi. Il devrait être sonné pour un temps cette fois.

Lune ne remit pas en doute cette affirmation. Même si le coup physique ne devait pas être suffisant pour anéantir un Atlant, le geste précédent sur les régions temporales de celui-ci avait été tout réfléchi. Elle avait perçu l’infusion qu’Alya avait mobilisée dans ses mains au moment du choc. En diffusant son lumen, elle avait perturbé le centre d'équilibre interne de leur adversaire. Si elle était coutumière de son l’intelligence, Lune avait été une nouvelle fois surprise de la vigueur dont faisait preuve Alya. C’était donc ça le plein pouvoir d’une Ora expérimentée ? Mais aussi fabuleux fussent la lumière et l’expertise de son aînée, Lune percevait un déclin de son énergie.

La fuite reprit.

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