Partie 2 : L'horreur

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   Tout s’était accéléré ces dernières minutes. Les combats n’avaient pas faibli pour autant et des vies continuaient d’être arrachées sans autre forme de procès. Aucune clémence n’était de mise. Et l’avenir proche ne s'annonçait guère plus glorieux malgré les espoirs suscités.

Alors que Titania acceptait volontiers sa mission confiée par Alya, le temps fut suspendu par un nouveau vacarme fracassant. Nos trois jeunes Oraï s’étaient retournés vers l’endroit d’où il semblait provenir sans rien entrevoir de particulier hormis le chaos ambulant. Alya avait elle aussi dirigé son attention dans le même sens. Saisie, ses yeux noirs s’écarquillèrent. Immobile, les bras totalement relâchés le long de sa faible hauteur, elle apparaissait choquée. Ses jeunes camarades ne perçurent pas ce qui la troublait et ne comprirent pas ce changement d’expression.

Soudain, un corps projeté vola et traversa la scène avec force pour finir par s’écraser et labourer la terre sur plusieurs mètres. Il dépassa la position avancée sur la scène d’où se tenait Alya qui n’avait pas bronché. Tout le monde avait reconnu Intercrus qui venait de choir sous leurs yeux ébahis. Il se releva sans difficulté, mais son corps accusait le contrecoup. Il s’avança de quelques pas dans la direction d'où il venait d'être balancé. Sans son allié ligneux, sa posture droite mettait en relief son dos et ses épaules dessinées, pourtant, si sa prestance restait intacte et impressionnante, son regard sérieux avait été remplacé par un air soucieux. Le froncement de ses sourcils étaient de mauvais augure.

Mars qui voulait prendre part aux combats, et qui était sur le point de contester les ordres édictés par Alya, révisa ses intentions. Personne ne disait mot. Ils contemplèrent Intercrus qui s'arrêta au niveau de la dame verte. Les deux aînés guettaient au loin au travers des ruines, au travers de fumée, au travers de ce qui leur apparaissait comme une calamité.

Dans ce décor de destruction se dévoila une masse mouvante inconnue. C’était cette chose qu’Alya et Intercrus semblaient zyeuter avec inquiétude. Yon atterrit au même moment aux côtés du chef d’Orion et, sans qu’aucun n’échange verbal ne se fasse, entreprit la même attitude.

La masse s’approchait et se précisa au fur et à mesure de son avancée. Il s’agissait d’une créature humanoïde et ce fut sa tête qui se dessina la première par delà un nuage de fumée. Elle ornait un crâne imberbe de cheveux ou toute autre pilosité. Sa peau glabre était gris terne et elle semblait aveugle puisque ses orbites étaient recouvertes d’une membrane semblable à sa peau lisse comme si ses paupières étaient dépourvues de commissure. Si des pupilles elle disposait, elles étaient obstruées. Un modeste renflement sans orifice, vestige d’un organe olfactif, centrait ce visage pauvre qui n'était pas non plus doté d’oreilles. Mais deux petites ouvertures résiduelles, qui évoquaient là aussi un appareil auditif passé, contrastaient les tempes nues de la créature. Quant à sa bouche, elle était tout aussi stérile. Il s’agissait d’une fine fente bardée de plusieurs bandes de peau espacées se rejoignant entre lèvre supérieure et inférieure.

Ce visage du désespoir continuait sa progression. Désintéressé de tout ce qui l’entourait, il avançait droit vers nos protagonistes sans se préoccuper des conflits. Les Atlants eux-mêmes semblaient avoir déserté le chemin que cet être prenait.

Le corps de la créature se précisa à son tour. Sa peau grisâtre mettait en exergue sa nudité et l’aspect sculpté dans la roche de celui-ci. Chaque fibre musculaire se devinait sous cette peau sèche et dénudée, ce qui rendait les courbures naturelles de ce corps sillonnées de stries. En découvrant la partie inférieure de la créature, il semblait qu’elle n’était pas genrée en raison de l’absence d’organes génitaux apparents. Un simple bombement terminait son périnée. Elle était en outre plus grande que les créatures aquatiques ordinaires et, comme elles, des commissures s’apparentant à des branchies cisaillaient bilatéralement son cou, juste au-dessus de ses clavicules. Elles oscillaient avec intermittence d’un vibrement calme dans ce qui pouvait être apparenté à une respiration. C’était le seul élément notable du corps aseptique de cette créature.

Les Oraï n’avaient pas bougé un cil. Ils étaient tous interrogatifs à propos de l’être qui se dressait devant eux. Yon et Intercrus, côte à côte, se regardèrent et tel des jumeaux se comprirent sans plus de communication.

  • Alya, dit calmement le chef du village pour capter son attention. Changement de programme. Tu vas les accompagner et vous rallierez chaque membre du village que vous croiserez à votre fuite. Abandonnez le village et rejoignez nos frères de Céphée. Yon et moi allons le retenir.

Alya avait retrouvé sa contenance. Elle approuva les ordres et se retourna résignée vers Titania et les jumeaux. Yon agrippa son épaule au moment de sa rotation.

  • S’il te plait. Trouve mon fils. Il devrait être à la parcelle de limpia.

Alya se souvint de ce qu’elle avait dit à Dioné la veille. Elle acquiesça avec une once d’hésitation et de culpabilité. La localisation de la culture n’était pas optimale pour qui voulait échapper aux meurtriers des mers.

Elle se dirigea vers Mars et Lune et leur attrapa le bras pour les détourner de l’immondité qui les défiait. Ils ne comprenaient pas très bien la situation, mais ils ressentaient la tension qui planait et voulurent émettre des protestations à la suite des préconisations d’Intercrus.

  • Grand-père, chuchota Lune, en étirant sa nuque.

Il tourna lui aussi la tête pour que son profil soit entrevu par ses petits-enfants.

  • Fuyez ! hurla-t-il d’une voix suspendue.

Une onde d’énergie explosa depuis les entrailles du chef d’Orion lors de cette réaction qui resterait dans les esprits comme la seule et unique fois où il avait montré un tourment intérieur. Lune et Mars frémirent. Plus personne ne douta de ce qu’il avait à faire. Convaincu qu’il n’avait pas d’autre option, le groupe s’enfuit. Non sans remords ou sans effroi. Dans une incertitude dévorante qui mélangeait inquiétude et désespoir pour leur peuple, leur survie et pour l’avenir. Lune avait raison. C’était la fin d’une ère.

Sur leur chemin, ils purent rallier une vingtaine de rescapés et de blessés. Les Atlants avaient transitoirement perdu leur belligérance et laissaient un temps de répit à leur victime. C’était la nouvelle créature qui accaparait désormais leur attention, permettant aux Oraï encore sauf de suivre le mouvement de fuite générale.

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