Chapitre 1.0: Le Retour
Jérémy Chapi :
Le retour fut éprouvant. Natali et le président Atlas n'ont pas arrêté de m'expliquer la suite des événements alors que je voulais juste me reposer et m'isoler dans un coin tranquille pour reprendre mon souffle. Vraiment, je ne m'habituerai jamais à me donner en spectacle devant une telle foule. Pourtant, je devrai encore me produire devant les assemblées des médecins du monde pour présenter le remède en question.
Je me remémorais ce que Pavel m'avait dit avant mon départ. Toutes ces pensées avaient été mises de côté pour rester concentré sur la réunion avec les gouverneurs du monde, mais ces mots refaisaient surface maintenant que la pression était redescendue. Je vais devoir me préparer au mieux pour répondre à ces attentes, mais aussi envers Elowen, qui m'avait aidé dans la fabrication du remède.
Notre arrivée à Atlantis se fit sous un soleil qui approchait de son zénith, tandis qu’un froid mordant et inattendu se glissait dans mon cou. J'étais tout courbaturé par ce voyage, et mon bras ne cessait de me tourmenter, une douleur incessante qui tentait de monopoliser mon esprit. Descendant les marches de l'escalier avec le président Atlas et Natali devant moi, nous fûmes accueillis par une rangée de militaires saluant solennellement le retour de leur président.
Sur le tarmac de l'aéroport, Daniel et Séraphina nous attendaient, avec des cernes clairement visibles sous leurs yeux. Ils saluèrent également le président Atlas avant de se tourner vers moi pour me féliciter chaleureusement. Ensuite, ils m'amenèrent vers le projet sur lequel ils travaillaient avec ma fille.
Ils m'amenèrent vers un hangar situé hors du complexe souterrain, beaucoup plus grand que ma zone de travail habituelle. On pouvait facilement y faire entrer deux avions de grande taille. Je passai par une des portes d'accès, et seule l'obscurité régnait dans cet endroit jusqu'à ce que, tout à coup, les lumières furent allumées, dévoilant une gigantesque machinerie qui montait jusqu'au plafond, haut d'au moins cinq étages. En son centre se trouvait un anneau colossal composé de plusieurs matériaux, ce qui lui donnait une multitude de couleurs métalliques brillantes. Quatre imposants bras robotiques jaunes, reliés à la structure du bâtiment, soutenaient cet anneau positionné à la verticale. Deux anneaux de taille moyenne étaient placés sur des supports, tandis qu'un troisième support, vide, semblait attendre l'anneau que nous avions utilisé pour notre représentation. Le tout était relié par d'imposants câbles électriques, qui donnaient l'impression de cheveux tendus le long de cette structure.
J'aperçus ma fille qui s'approchait de nous avec le drone qu'elle pilotait à distance, son image étant affichée sur l'écran de celui-ci, ce qui me fit un pincement au cœur de la revoir.
"Bon retour, papa," me dit ma fille avec un grand sourire dans lequel je pourrais me perdre.
Je tendis une main chaleureuse vers l'écran d'affichage avant de me retourner vers Daniel et Séraphina.
"Je vois que vous avez bien travaillé, vous aussi, de votre côté," dis-je, rempli de gratitude pour les efforts qu'ils avaient faits pour terminer ce projet pendant mon absence.
"Ta fille ne nous a pas laissé un seul moment de répit. Elle voulait à tout prix finir avant ton retour," répondit Daniel avec un sourire, tandis que Séraphina acquiesçait à son tour.
"Arrêtez, vous exagérez," rétorqua Iris, gênée.
"Je suis désolé pour ce que ma fille vous a fait subir," dis-je en m'inclinant légèrement pour m'excuser, ce qui embarrassa encore plus ma fille et fit éclater de rire Daniel et Séraphina, tandis que Natali et le président Atlas observaient la scène avec amusement.
Ils me firent monter par un ascenseur qui nous mena face à la structure de l'anneau gigantesque. De là, nous pouvions constater en contrebas les deux anneaux célestes, Victor et Jules, reliés à un enchevêtrement de câbles pendants. L'étage en question ressemblait à un centre de contrôle, avec deux pupitres de chaque côté et une console centrale identique à celles utilisées pour créer les anneaux célestes dans ma zone de travail habituelle. Les vitres étaient semi-blindées et légèrement teintées, ce qui assombrissait légèrement le hangar vu de l'intérieur. Je m'approchai des commandes centrales afin de les examiner de plus près et demandai à Séraphina : "Est-il opérationnel ?"
"Disons que depuis le dernier incident avec les anneaux célestes, où nous avons voulu en créer un, nous avons abandonné l'idée. Cependant, tous les systèmes sont fonctionnels," me répondit Séraphina, tandis que Daniel s'installait à un des pupitres pour allumer tous les systèmes devant nous. Cela fit bouger l'imposant anneau sur les bras qui le maintenaient, comme s'il voulait prendre vie.
"Monsieur le président," dis-je en me tournant vers Atlas, "souhaitez-vous voir comment nous créons un anneau céleste ?"
Atlas esquissa un sourire intrigué et s'avança légèrement. "Avec plaisir. Montrez-moi, Jérémy. Ce sera fascinant de voir ces merveilles en action."
L'anneau céleste que nous avions amené pour la démonstration devant les dirigeants fut placé sur le socle libre qui l'attendait. De mon côté, je retirai ma veste de haute couture bleue que je posai sur une des chaises du centre de contrôle, afin d'avoir plus de liberté de mouvement dans ma chemise. Je pris place aux commandes et les saisis à pleines mains. J'installai mes pieds dans les supports prévus, prêt à déployer toute ma force sur les poignées, tandis que Séraphina et Daniel s'étaient installés chacun à un pupitre pour surveiller les constantes.
"Très bien, nous allons commencer," dis-je à l'assemblée présente.
"Mise en route du système de suspension magnétique," annonça Séraphina tandis qu'un bruit sourd électrique retentissait dans tout le hangar et traversait les murs de la salle de contrôle. Les bras qui soutenaient l'anneau se libérèrent un à un, laissant l'anneau en apesanteur grâce à la force magnétique. Avec l'aide des bras créant une force magnétique supplémentaire, je pus lancer l'anneau en rotation. La gigantesque structure se mit à tourner de plus en plus vite, jusqu'à ce que les couleurs des différents matériaux se confondent en une seule.
« Moi, Jérémy Chapi, marcheur des rêves, je m'adresse aux échos d'un autre temps. Âmes vagabondes, empreintes d'une lumière éteinte, toi qui erres encore dans les souffles du monde… Entends mon appel. »
Un vrombissement se fit sentir à travers les manettes, et l'anneau commença à prendre une teinte de fusion. Tout allait se jouer maintenant. Je devais initialiser le lien.
"Qui es-tu ? Tout est confus,cetait comme si j dormais paisiblement " me dit une voix de femme, empreinte de mystère.
« Esprit lié à l’oubli, ombre éparse des jours passés, je suis le marcheur des rêves. Accorde-nous un fragment de ton essence. Embrasse ce cercle éternel et laisse ton être transcender la chair. » Mon rôle était d'abord d'ouvrir le passage et de l'inviter à me rejoindre et ai revenir dans notre monde.
"Je comprends, tu as besoin de mon aide, mais ce monde le mérite-t-il ? Après toutes les guerres que j'ai menées, la reprise d'Orléans, tout ce que j'ai fait… Je n'ai eu droit qu'à un bûcher pour me remercier,quelle serra la difference avec toi?" répondit la voix venue de l'abîme avec un soupçon de tristesse. À cet instant, je reconnus l'âme face à moi. Renforçant ma prise sur les commandes, je fis en sorte de maintenir la connexion autant que possible, tandis que l'anneau commençait à virer à l'orange vif, même si mon corps semblait tiré dans toutes les directions ai que la lumiere eblouissante .
« Toi qui as connu l’abîme et la lumière, qui as su unir les Francs, toi qui as forgé des rêves dans les profondeurs, celle que l’on surnomma la Pucelle d'Orléans. Je te prie de croire en moi. Ouvre la porte, traverse l’anneau céleste, et deviens l’éclat qui brise l’ombre. »
Je savais que je devais l’unir à l'anneau. Elle, qui avait marqué l'histoire de son empreinte indélébile, devait faire partie de ce projet.
"Je la vois en toi… Cette même volonté qui brûlait en moi autrefois. Celle qui me poussait à charger à cheval, mon épée brandie, accompagné par mes soldats. À leurs côtés, je me sentais invincible. Rien ne pouvait m’arrêter."
La voix marqua une pause, comme si elle pesait chaque mot, son ton teinté d’une tristesse lourde.
"Mais toi, tu finiras comme nous. Tu goûteras à cette ivresse – celle de croire que tout est possible – et tu sombreras dans l’obscurité et la barbarie de ce monde. Tu seras transpercé en plein cœur par ton avenir, par ton destin."
Ces paroles s’insinuèrent dans mon esprit comme un écho funèbre, réveillant un frisson glacé qui remonta le long de ma colonne vertébrale. Pourtant, il y avait autre chose dans cette voix, une lueur d’espoir mêlée à la mélancolie.
"Et pourtant…" ajouta-t-elle doucement, presque avec une tendresse inattendue. "Je veux le voir… Jusqu’où tu iras, toi aussi. Pourras-tu dépasser le chemin que j’ai parcouru ?"
Je restai figé, le souffle court. Ces mots résonnaient comme une prophétie inéluctable, mais aussi comme un défi lancé à ma volonté.
Puis, sans prévenir, une lumière d’une intensité presque surnaturelle envahit le hangar. C’était comme si le soleil s’était abattu sur nous, éclatant dans chaque recoin et rendant l’air lui-même incandescent. Mes mains agrippèrent les manettes avec force, cherchant un point d’ancrage face à cet assaut visuel.
La chaleur monta brutalement, et un bourdonnement sourd résonna dans mes oreilles. Même les vitres renforcées du poste de pilotage ne purent filtrer cette lumière aveuglante. Je fermai les yeux, le cœur battant à tout rompre, et mes doigts se crispèrent davantage sur les commandes.
Soudain, je ressentis un relâchement étrange. Les manettes, jusqu’alors rigides sous mes mains, perdirent leur résistance, comme si elles s’abandonnaient à une force invisible. Mon souffle se suspendit, l’espace d’un instant, tandis qu’une douce chaleur enveloppait mon dos, comme si quelqu’un m’avait enlacé.
Intrigué, je me retournai, plissant les yeux pour tenter de distinguer qui cela pouvait être à travers la lumière aveuglante. Mais il n’y avait personne. Mon cœur s’emballa. Était-ce une illusion ? Commençais-je à halluciner ?
Peu à peu, l’intensité de la lumière diminua, et l’ambiance dans la salle de contrôle retrouva son calme. L’anneau devant moi émettait un éclat blanc, pur et parfait, comme s’il avait atteint une forme de sérénité. Je relâchai les commandes, mes mains engourdies, encore marquées par l’effort.
Un silence pesant s’installa dans la pièce. C’est alors que je réalisai que tout le monde autour de moi m’observait. Leurs regards étaient fixés sur moi, et de la surprise se lisait sur leurs visages.
"L’air semblait encore chargé d’énergie, vibrant doucement comme un écho du spectacle lumineux qui venait de s’achever."
"Père, ton bras !" s’exclama Iris tandis que je baissais les yeux. Des taches de sang imbibaient ma chemise. Je relevai la manche pour constater que les bandages protégeant ma blessure s’étaient ouverts.
"Natali m’avait décrit ce qui se passe, mais il faut le voir de ses propres yeux pour le croire," dit le président Atlas, se frottant le menton avec un mélange d’intrigue et de réflexion.
"Tout semble stable. Nous pouvons le connecter au réseau dès à présent," déclara Daniel, concentré. Du coin de l’œil, je remarquai que Séraphina, pâle comme un linge, avait l’air troublée.
Natali s’approcha de moi avec un mouchoir à la main. "Je vous avais pourtant dit de soigner cette blessure la dernière fois," lança-t-elle d’un ton sévère.
"Disons que ce n’est pas aussi simple," répondis-je en prenant son mouchoir pour l’appliquer sur ma plaie, qui devenait de plus en plus douloureuse.
"Quelle est la capacité de cet anneau ?" demanda Atlas en s’approchant, le regard rivé sur la structure.
"Normalement, il devrait suffire à alimenter un continent complet. Même si son coût en matériaux est élevé, il reste le plus rentable par rapport à toutes les autres sources d’énergie," expliquai-je, essayant d’ignorer la douleur
"Cela est bien plus que ce qu’il faut pour mon pays," plaisanta-t-il avec un léger sourire.
Je pris une profonde inspiration, sentant le poids de ma demande. Après tout ce qu’Atlas avait fait pour nous, comment pouvais-je oser demander davantage ? Mais je savais que je devais essayer.
"J’aurais une faveur à vous demander," dis-je finalement, hésitant.
"Quelle est-elle ?" demanda-t-il, intrigué.
"Je voudrais garder celui-ci pour moi," déclarai-je, tout en m’inclinant respectueusement.
"Vous abusez un peu, après tout ce que nous vous avons offert," répondit Natali d’un ton sec. Mais Atlas leva la main pour l’interrompre.
"C’est une demande inhabituelle, Jérémy. Mais j’aimerais comprendre ce qui motive un tel choix," dit-il, son ton calme, dépourvu de toute émotion apparente.
Je pris une profonde inspiration, cherchant mes mots. "Cet anneau... il représente plus qu’une simple source d’énergie pour moi. Il est... quelque chose d’important, pour plusieurs raisons. D’abord, c’est le premier d’une telle taille que j’ai réussi à concevoir. Ensuite, il..." Je m’interrompis, pestant intérieurement contre moi-même de ne pas parvenir à exprimer clairement ce que je ressentais. Je ne pouvais pas non plus expliquer qu’il contenait l’âme de Jeanne d’Arc. Ils me prendraient pour un fou.
Atlas plissa légèrement les yeux, signe qu’il considérait mes paroles avec attention. "Je ne suis pas convaincu. Je vous ai connu plus persuasif," dit-il, son ton empreint d’un mélange de curiosité et de défi.
Je baissai légèrement la tête, cherchant une nouvelle manière d’exprimer ma demande. "Je veux... faire preuve d’égoïsme. Juste garder ce premier anneau pour moi. Il a une grande importance pour moi, j’en ai besoin. Je vous promets que je vous en fabriquerai un autre, spécifiquement pour votre pays."
Une goutte de sueur perla sur mon front. Je me sentais comme un chiot quémandant de la nourriture face à lui, vulnérable et incertain. Pourtant, au fond de moi, je savais que je devais protéger cet anneau pour respecter sa demande de voir jusqu’où j’irais.
"Cela peut mieux faire, mais cela a le mérite d’être honnête, en partie. Je veux bien vous accorder cela, mais cela se rajoutera à votre ardoise. De plus, nous aurons une petite discussion entre nous, j’espère bientôt," répondit le président Atlas, tandis que Natali notait quelque chose sur un bout de papier.
"Je vous remercie de votre compréhension et je ferai en sorte de vous rembourser dès que cela sera possible," répondis-je, soulagé. "Pour ce qui est de la discussion, je ferai en sorte de me rendre disponible après la présentation de mon remède, si cela ne vous dérange pas," ajoutai-je tout en m’inclinant face à lui. Mais sa main attrapa mon épaule, m’empêchant de m’incliner davantage.
"S'il te plaît, pas de cela entre nous. Je préfère que tu me serres la main pour me remercier. Tu m'as offert un magnifique spectacle aujourd'hui, que je ne suis pas prêt d'oublier, mais surtout une vision d’un avenir qui s’ouvre à nous," dit-il en me tendant la main.
Je pris sa main pour la serrer. "Merci encore. Grâce à Jeanne d'Arc, nous allons pouvoir en réaliser d'autres plus facilement," dis-je tout en fixant l'anneau du regard.
"Jeanne d'Arc ? Comment ça ?" répondit-il, intrigué, tout en fixant l’anneau lui aussi.
"Ah oui, excusez-moi, j’ai pour habitude de leur donner des noms," expliquai-je rapidement, essayant de minimiser ma déclaration. Mais à ce moment précis, nous vîmes Séraphina quitter la pièce avec précipitation, encore blanche comme un linge.
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