Chapitre 1.9 : L’amertume

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Jérémy Chapi :

Je sortis de la chambre pour rejoindre Natali, Solène et Iris. J'expliquai une nouvelle fois à sa mère les consignes médicales à respecter. Son corps allait, dans un premier temps, demander beaucoup de nutriments pour continuer à se régénérer, et il ne fallait surtout pas la restreindre. Elle allait également avoir besoin de beaucoup de rééducation. Même si elle avait légèrement marché lors de la présentation, ses muscles étaient encore atrophiés, et il lui faudrait bien un mois avant de pouvoir marcher correctement.

Je leur recommandai de prendre leur temps avec elle, de ne pas se précipiter, et surtout, qu’elle-même ne devait pas brûler les étapes. Si des questions venaient à se poser, ils ne devaient pas hésiter à venir me voir.

Une fois toutes les consignes données, Solène me remercia, ainsi que ma fille, une dernière fois, une larme coulant doucement sur sa joue, avant de retrouver sa fille et son mari. Pendant ce temps, nous reprenions la route du retour vers la base, la fatigue commençant à s'accentuer avec mes problèmes de sommeil et la douleur qui m'habitait.

À la sortie de la cour extérieure où se trouvaient les bus, le crépuscule commençait à poindre. Cette fois, je repartais avec ma fille dans le bus équipé d'une plateforme mécanique, ce qui lui permit de monter plus facilement. Nous étions encore accompagnés par les forces de l'ordre et Natali, qui prit place sur le siège devant moi, tandis que j'étais assis à côté de ma fille, située dans l’allée de droite.

"Vous vous en êtes plutôt bien tiré pour cette présentation," me dit Natali.

"Si on veut," lui répondis-je sobrement.

"Je dois dire que j'ai été légèrement surprise par votre présentation. Vous vous êtes beaucoup dévoilé aujourd'hui," ajouta-t-elle d'un ton calme. Je ne comprenais pas où elle voulait en venir, tandis que ma fille, à mes côtés, haussa un sourcil.

"Il le fallait bien si je voulais être crédible devant eux," répondis-je, sentant peu à peu mon agacement monter face à son jeu d'insinuations.

"Je me demande bien ce que vous pouvez encore cacher," lança-t-elle en inclinant légèrement la tête entre les deux sièges, tel un prédateur observant à travers une faille.

"Ça, vous ne le saurez que bien plus tard," répondis-je sèchement.

Elle se leva alors de son siège malgré les secousses du bus. Elle ne semblait pas gênée et se plaça debout dans ma rangée, face à moi.

"Vous savez, je ne suis là que pour vous aider," me dit-elle en me regardant droit dans les yeux.

"Arrêtez avec ça. Vous ne faites qu’obéir aux ordres du président Atlas. Lui, je sais que je peux lui faire confiance, mais vous, rien ne me le prouve," lui lançai-je sèchement, mon regard planté dans le sien, tandis que je sentais mon cœur battre à travers mon bras.

Natali Lonskaïa :

Il est vrai que je ne fais qu’obéir aux ordres du président, et que je ne lui faisais pas confiance non plus. Encore aujourd’hui, il m’a prouvé que je devais me méfier de lui. S’il est capable de créer un tel remède, qu’est-ce qui l’empêcherait de concevoir un poison tout aussi puissant ?

Si je veux protéger mon pays, je dois savoir ce qu’il prépare.

Ne se rendait-il pas compte du danger qu’il représentait et des menaces qui l'entouraient ? Pourtant, en le voyant assis sur son siège, les cernes bien ancrées sous ses yeux, sa main gauche tremblante – qu’il s’était lui-même mutilée – il semblait presque inoffensif. Une personne qui aurait pu se fondre dans la masse.

"Certes, le président Atlas m’a demandé de subvenir à vos besoins et de vous aider, mais je me dois aussi de protéger mon pays en fonction de vos réponses et de vos actes," déclarai-je en l’observant. Des perles de sueur commencèrent à couler sur son front tandis qu’il préférait garder le silence.

"Encore aujourd’hui, ce que vous avez présenté va agiter le monde, et je voudrais me préparer convenablement à votre prochaine intervention," ajoutai-je en scrutant son regard. Mais il détourna les yeux et, encore une fois, garda le silence.

"Qui est cette personne qui vous attend en France ?"

Il tourna tout son corps vers moi et me regarda fixement. C’était la première fois que je voyais cette expression sur son visage. La colère s'exprimait clairement sur ses traits fatigués, ses poings serrés. Derrière moi, j'entendis des cliquetis métalliques, mais je n’y prêtai pas attention.

"Mêlez-vous de ce qui vous regarde," répondit-il, sa voix ayant perdu sa jovialité habituelle. J’avais touché un point sensible.

Je lui tendis une main charitable.

"Alors dites-moi ce que je veux savoir. Que préparez-vous encore ?" Mon ton se fit plus autoritaire, cherchant à le pousser à bout.

Mais de sa main gauche, il repoussa la mienne que je lui tendais. Par réflexe, je saisis son poignet pour l’empêcher de mettre fin à la conversation.

Il poussa un gémissement de douleur instantané. Son bras… j’avais fait une erreur !

Je sentis aussitôt la fraîcheur de l’acier sur l’arrière de mon cou et contre mon dos.

"Lâchez mon père tout de suite !"

C’était la voix d’Iris, aussi tranchante que l’acier. Elle avait saisi mon cou avec sa pince tandis qu’elle pressait son autre bras mécanique contre mon côté.

Les gardes dans le bus, alertés par le gémissement de Jérémy, s’étaient levés et commençaient à sortir leurs armes.

"Calmez-vous, tout va bien, nous ne faisons que discuter," déclarai-je, réalisant que la situation risquait de dégénérer.

Je lâchai la main de Jérémy, qui la serra contre lui pour l’éloigner de moi, tandis que sa fille me tenait toujours par le cou avec sa pince. Son intervention inattendue me surprit.

"Tout va bien, ma chérie," murmura-t-il en regardant sa main en détail. Mais lorsqu’il releva sa manche, on pouvait voir des traces de sang commencer à traverser le bandage.

Iris relâcha doucement son emprise sur moi, tandis que je jetai un regard vers elle. À travers son écran, je pouvais voir qu’elle était furieuse de ce qui venait de se passer.

"Je suis désolée, je n’avais pas l’intention de lui faire du mal," dis-je. Mais au vu de son regard, je doutais qu’elle accorde le moindre crédit à mes excuses.

Jérémy, quant à lui, s’affairait à enrouler un autre bandage par-dessus son bras blessé, à tel point qu’il ressemblait presque à une momie.

"Je pense que les questions seront suffisantes pour aujourd’hui, mon père a besoin de se reposer," déclara Iris d’un ton glacial, son avatar affichant un regard noir dirigé contre moi.

"Sa main, ma fille..." murmura Jérémy en serrant les dents.

"Montrez-moi votre main, vite," ordonna-t-elle.

Je lui tendis mes mains, ne comprenant pas immédiatement sa demande.

Elle saisit une bouteille de désinfectant avec sa pince et me la tendit.

"Lavez-vous vite les mains, on ne sait jamais."

Sans chercher à comprendre, j’obéis. Iris, de son côté, surveillait son père avec inquiétude.

"Je vous prie de m'excuser," soufflai-je avant de retourner m’asseoir, gênée par la situation qui venait de se terminer sur une note amère. J'avais blessé la personne que j’étais censée protéger. J'entendais encore Jérémy gémir de douleur, bien qu’il tente de le dissimuler, et le reste du trajet jusqu'à la base se déroula dans un silence pesant, seulement ponctué par quelques murmures échangés entre lui et sa fille.

Si Vivian avait été présente, elle ne se serait sûrement pas privée de me taquiner sur cet échec.

À notre arrivée à la base, je voulus leur adresser un dernier mot avant de nous séparer, mais Iris me lança un regard glacial. Elle n'était pourtant pas humaine, mais dans ses yeux, je retrouvais le même regard que j’avais déjà vu chez des enfants ou des hommes remplis de haine lors de mes missions passées.

Jérémy descendit par la rampe, soutenu par sa fille, jusqu'à l’entrée du hangar. Je les observai jusqu'à ce que Jérémy se retourne vers moi et me fasse un signe de la main pour me dire au revoir avant que sa silhouette ne disparaisse derrière la porte. Un goût amer me restait en bouche. Avais-je été trop directe avec lui ? N’avais-je pas choisi le bon moment ?

Il faudra que nous ayons une discussion, lui et moi, à l’avenir.

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