Café Crème
Bobby Mcferrin - Don’t Worry Be Happy
Je me gare dans le quartier de l’opéra. J’ai eu du mal à trouver une place qui m'évite de trop marcher pour rejoindre l’adresse du rendez-vous.
J’avais une petite idée de la personne qui m’attendait.
Simon m’a contacté ce matin m’informant qu’une certaine Solena a découvert que le barman du vernissage est l’auteur des tableaux et qu’elle nous laisse le choix :
En échange d’une interview exclusive, elle garderait le secret sur l’identité réelle d’Alex Leksa.
C'est donc une journaliste assoiffée d’un scoop, mais elle n’en est pas moins dangereuse.
Après en avoir discuté avec Simon j’accepte l'interview mais je tiens à y aller seul.
J’arrive à l’adresse indiquée et me retrouve devant une porte avec un code. J’essaie d’appeler au numéro que Simon m’a laissé mais personne ne répond.
Je reçois une texto quelques minutes plus tard
“Désolé, je me suis trompé d’adresse, rejoignez à pigalle au ……….”
L’adresse est complètement différente. Comment a-t 'elle pu se tromper ? J’ai plus l’impression qu’elle se joue de moi.
“Désolé, mais j’ai d’autres rendez-vous. On va devoir reporter”. Je ne vais quand même pas me laisser balader
Alors que je retourne à ma voiture, je reçois un autre texto
“Dommage, j’avais des questions très pertinentes sur votre méthode de réalisation de tableaux”
Je ne prends pas le temps de répondre et continue de marcher. Je me dis que je me suis inquiété pour rien et qu’il n’y avait aucune raison de paniquer. Et après tout c’est moi l’artiste et c’est à moi de choisir où et quand je veux rencontrer cette journaliste.
Alors que je monte dans la voiture je reçois un autre texto.
Alors que je démarre le moteur je regarde quand même le message
“Surtout votre manière de signer”
Je reste figé. Ça ne peut être un hasard.
Pour signer mes peintures, j’ai pris pour habitude de toujours utiliser un peu du sang de mes victimes afin qu’elles fassent partie de la peinture pour l'éternité. Cette habitude que j’avais prise depuis Alexandra allait-elle signer ma fin.
Il faut que je réfléchisse à la suite.
Mon passeport est-il valide ?
Combien je peux retirer à la banque en espèce ?
Faut que je regarde sur internet les pays où il n'y a pas d’accord d'extradition.
Toutes ces questions se chamboulent dans ma tête alors que le moteur tourne et que je n’ai toujours pas bougé.
Je reçois un nouveau texto
“Alors ? Vous venez ?”
Je préfère rentrer à Brisson et réfléchir sur place à la meilleure stratégie pour fuir. Pas de temps à perdre.
Je lui réponds qu’on se verra demain, que j’ai un imprévu.
Alors que je conduis, j’essaie déjà d’organiser dans ma tête les bagages que je vais prendre. Je vais surement devoir voyager léger.
Je reçois un nouveau message
“D’accord pour demain si vous le souhaitez mais faudra que vous veniez à mon travail”
Je reçois une adresse moins d’une minute après. L’adresse est en banlieue. Pourquoi veut-elle que j’aille si loin pour la rejoindre. De toute façon, ce soir je serai dans un avion et demain je ne sais pas encore ou j’aurai atterri.
Je profite d’un ralentissement pour regarder sur Google ou cela se trouve par curiosité.
Il s’agit du SCAGGEND - Le Service Central d’Analyses Génétiques de la Gendarmerie
C’est sûr, je suis démasqué.
Je sors de l’autoroute pour me garer dès que je peux et essayer de me calmer. C’est fini. S’ils savent qui je suis, ils doivent surement m’attendre chez moi.
Je n’ai jamais envisagé la prison. Serais-je en isolement à ne voir personne ou avec d’autres détenus qui me prendront pour un malade qui a tué des femmes sans défense.
Je vais me faire violer à tous les coups.
Je me demande s’il ne vaut pas mieux se suicider.
Mes peintures prendraient plus de valeurs si je ne peux plus en faire.
Ce pauvre Simon devra supporter la pression d’avoir travaillé et vendu toute ses années les peintures d’un serial killer. Il ferait une overdose à tous les coups.
Je reçois un autre texto, encore.
“Ce serait dommage de louper l’occasion de passer un moment agréable autour d’un café. Je suis sur place pendant encore une heure”
Mais à quoi joue-t- elle. Elle m’a démasqué et m'invite à boire un bon café.
Tout cela n’a aucun sens.
Je dois me calmer, reprendre mes esprits et réfléchir à toute les options qui s’offrent à moi.
Si elle est de la police, pourquoi ne sont-ils pas venu directement chez moi.
J’appelle Simon pour vérifier s’ils ne sont pas à la galerie.
- Allo Simon
- Alors ça s’est passé comment ? Elle ne va rien dire ? me répond-il instantanément
- Le rendez-vous est reporté. Je te tiens au courant
- Putain. Ça me stresse cette histoire. Assure-toi qu’elle garde le secret contre l'exclusivité.
- Te tiens au courant. A toute
- A plus
Je ne pense pas que Simon soit si bon comédien pour jouer un rôle avec la police à côté. Je commence à me dire qu’il y a quelque chose de tordu dans cette histoire.
Si elle fait partie de la police, je suis de toute façon foutu et je peux oublier mon scénario ou je m'échappe. Sans argent, je n’irai pas loin. Et mes comptes doivent sûrement être déjà surveillés ou gelés.
Je décide d’aller au rendez-vous et lui envoie un message pour l’informer de mon arrivée
La demi-heure de trajet me permet de me calmer et de réfléchir aux éventuelles preuves que l’on pourrait trouver contre moi.
Il est vrai que les traces de sang sur tous mes tableaux se suffisent à elle-même mais essayons de ne pas en rajouter.
Je me gare à 5 min du bar où j’ai rendez-vous.
Alors que j’approche de l'établissement arborant une certaine sérénité, je la reconnais sur la terrasse, la femme du vernissage.
Alors que je lui tends la main pour la saluer, elle se lève pour me faire la bise.
- Ça me fait plaisir de vous revoir. J’avais peur que vous ne veniez pas
Il y a quelque chose d'étrange dans son comportement. Pourquoi tant de familiarité si elle connait mon secret.
- J’ai réussi à décaler mon imprévu, lui dis-je
Ce qui était imprévu, c'est cette situation. Elle est souriante et m'explique qu’elle adore le quartier ainsi que la terrasse de ce café. Je suis de plus en plus perdu par cette situation. J’ai pris mon taser au cas où j’en aurai besoin mais il y a bien trop de monde autour pour l'utiliser. Il faudrait que je la ramène dans ma voiture.
On verra plus tard, pour l’instant, j’essaie de recentrer la conversation sur l’objet de ma venue
- Ha oui c’est vrai. Vous savez que j’ai découvert vos tableaux que dernièrement.
- Merci, et ma manière de signer apparemment
Je voulais savoir rapidement ce qu’elle savait.
- Ha oui. Pour cela je vais vous raconter une petite histoire.
Alors que je pose mon café, elle commence son récit
Elle travaille comme analyste au service centrale des ADN. Il y a quelques mois, un de ses amis expert en tableaux l’a contacté.
Il avait découvert que le tableau d’un de ses clients contenait du sang en réalisant une expertise poussée. Le tableau était une œuvre d’Alex Leksa, artiste mystérieux dont personne n’avait vu le visage. L’expert pensait que si l’artiste était par hasard enregistré dans le fichier national, il pourrait être le premier à connaître le véritable nom du fameux Leksa.
Si elle refusa au début, le petit billet qui allait avec la demande de l’expert finit de la convaincre d’essayer.
Quelle ne fut sa surprise quand elle découvrit l'identité de la personne à qui appartenait le sang de la peinture.
Une jeune femme disparue et déclarée morte il y a 7 ans et dont le meurtrier purge une peine de prison de 25 ans.
Elle demanda à un de ses amis policier toutes les infos sur l’affaire. Celle-ci étant classé, elle n’eut aucun mal à récupérer le nom de tous les suspects.
Elle eut plus de mal à trouver le véritable nom de l’artiste Alex Leksa.
Mais toute les ventes étaient effectuées depuis le début par son agent. Celui-ci était même devenu gérant d’une galerie dont les principales ventes reposent sur les œuvres de Leksa.
Un petit coup de fil à un contact de la brigade financière lui permis de savoir le nom du véritable propriétaire.
Elle ne fut que moyennement surprise de voir que le nom correspondait à un des suspects sur l'enquête de la disparition d’Alexandra.
- C’est un peu tirer par les cheveux, lui dis-je
- Peut-être mais comment expliquez-vous le sang D’Alexandra sur votre peinture.
- C’est simple ; elle s’est blessée un soir où j’allais signer l’œuvre et elle a dû mettre du sang sur la peinture.
- Oui c’est vrai, ça se tient.
- Vous pouvez dire à votre expert que cela ne sert rien de chercher
- Je lui ai dit que c’est du sang d’animal, surement un accident pour éviter qu’il ne cherche sur les autres œuvres à l’avenir.
Je ne sais pourquoi elle lui a dit ça mais ça m’arrange bien.
Pas de policier à l’horizon. Je me dis que cette apprenti enquêtrice à quand même faillit me choper. Heureusement que je venu à ce rendez-vous. Me voilà enfin tranquille je vais pouvoir rentrer chez moi.
Je remercie Marjorie pour le café, sa formidable l’histoire et lui souhaite une bonne journée me retournant afin de rejoindre ma voiture.
- Julie et Khadija se sont aussi blessés chez vous au moment où vous alliez réaliser votre signature
A l’évocation de ses prénoms, je sers le taser dans ma poche gauche. Cela ne peut être un hasard. Je dois avouer ma défaite. Que pourrai-je inventer ? j'étais fait. Elle vient de me faire une “Columbo” de toute beauté et je dois m’avouer vaincu.
Je comprends aussi la raison de sa présence au vernissage. Elle a dû profiter de la fête pour prélever des échantillons.
Je me retourne et regarde autour de moi et toujours pas de police, mais toujours Marjorie qui me lance un grand sourire le menton posé sur ses deux mains.
- Arrêtez-moi quand en finisse.
- Vous arrêter? Mais noooon. Ce serait contre-productif. Ne vous inquiétez pas, soyez heureux pour l'instant que je n'ai pas prévenu mes collègues
- Que voulez-vous ?
- Haaa, enfin on va pouvoir être direct et sincère entre nous.
- Je ne comprends pas ce que vous voulez. Vous voulez me faire chanter ?
- Y a un peu de ça. Je vous recontacte demain et d’ici là pas besoin de fuir. La police ne viendra pas vous chercher. A moins que vous ne choisissiez de me fuir, bien évidemment.
Sur ces derniers mots, elle se lève et s'éloigne pour prendre un taxi, non sans vérifier que je n’ai pas bougé de ma chaise. J’aurai voulu l’emmener dans ma voiture et l’immobiliser mais il y avait bien trop de monde. Elle n’avait pas choisi ce bar par hasard. Sur une place avec une station de taxi en face. Elle sait très bien ce qu’elle fait.
La question maintenant c’est de savoir ce qu’elle me veut exactement.
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