Réveil Matin
Madonna - like a prayer
Je suis réveillé par la caresse chatoyante de l’odeur d’un bon café. Je pensai me réveiller en premier, mais les coups de gymnastique nocturne de Soléna n’ont eu de cesse de me réveiller. Et c’est avec joie et douceur que j’ouvre les yeux appâtés par les senteurs sud-américaines venant de la cuisine. La dernière fois que j’ai été aussi bien réveillé, c’était par le room service à l'hôtel. Cela fait si longtemps que l’on ne m’a pas préparé mon petit déjeuner. Solena n’a pas encore remarqué que je suis réveillé et je peux l'observer, elle a l’air concentrée sur la préparation de ce que je crois être des œufs.
Elle doit chercher à se faire pardonner pour son comportement de la veille. Mais c’est une tentative d’excuse que j'apprécie, et je décide de me lever pour aller goûter ce café qui rien qu'à l'odeur doit être un délice.
- Ha enfin, réveillé. De toute façon j’allais te réveiller pour manger. Je te dois bien ça après la soirée d’hier.
- J'accepte volontiers tes excuses et je commencerai par un café s’il te plait
Elle prend une tasse qu’elle remplit et me tend le délicieux breuvage.
Je ne m’étais pas trompé, il est parfait. Je m’installe sur la table de la cuisine et je respire cette odeur telle une prière exaucée. J’attends avec impatience la suite de mon menu. J’ai tellement pris l’habitude de cuisiner pour deux à Brisson que j’en avais oublié le plaisir d’avoir quelqu’un qui cuisine pour moi. Mes conquêtes préféraient les restaurants et ne prenait même pas la peine d’essayer de me séduire plus que ça, estimant que c'était aux hommes de savoir les garder. Sauf qu’avec moi, aucune ne valait mieux qu’une autre.
Mon assiette est simple, des œufs, des oignons frits et des knackis sautés. C’est dans la simplicité que tout se joue, et accompagné de l’excellent pain de la boulangerie d'à côté, je peux dire que je me régale.
Alors que je mange, je remarque qu’elle ne s’est pas servie et me regarde.
- Tu ne manges pas ?
- Après la cuite d’hier, je ne peux rien avaler pour l’instant.
- Donc t’as fait des courses spécialement pour moi et me préparer mon petit déjeuner.
- Ça me fait plaisir, et j’ai tellement déconné hier que je pouvais au moins te faire plaisir avec un petit dej des champions au réveil
- C’est bien, mais ne t’attend pas à me préparer à manger pour t’excuser à chaque fois
- J’espère t’en faire à l’avenir sans avoir à m’excuser, me dit-elle en exposant toute ses dents.
Si elle pense que je vais la garder à chaque fois ici, elle se trompe. Va falloir instaurer des règles pour qu’elle rentre chez elle quand c’est fini et qu’elle ne pense pas dormir ici à chaque fois. Cette relation doit rester strictement professionnelle si je peux la définir ainsi.
- J’ai une question depuis ce matin
- Oui, dis moi
- Je me souviens de la jeune fille d’hier, elle était jolie et toute gentille.
- Jolie, oui. Gentille, ça reste encore à déterminer
- Mais la plupart des histoires que tu m’as raconté, les filles que tu kidnappes sont souvent gentilles
- Oui c’est vrai. Et pourquoi ça te gêne ?
- C’est juste que je peux comprendre pourquoi tu veux te débarrasser des femmes comme Alexandra. Mais pourquoi tuer les autres ? Tu pourrais les relâcher non ?
Sa question n'était pas trop conne et c’est vrai qu’au début j'ai eu du mal avec celles dont le récit de vie me procurait un peu trop de pitié
- D’abord si je les relâche, j’ai le risque de me faire attraper
- Oui, c’est vrai mais dommage quand même. On pourrait juste punir celle qui le mérite.
- Tu es sûre qu’elles ne méritent leurs sorts ?
- Elles ne font rien de mal donc pas besoin dans arriver à les tuer.
- Parce que tu crois que l’inaction n’est pas une faute. Si quelqu’un se fait agresser dans la rue et que tu ne fais rien, tu es coupable de laisser faire les choses. Et tu ne vaux pas mieux que la personne qui agresse.
- Tu exagères. Elles ne sont témoins de rien
- Si, elles sont témoins de leur propre vie.
- Je ne te comprends pas
- L’absence de réaction dans leur propre vie engendre des souffrances et cela peut nuire à leur entourage. Quand tu es trop gentille et que tu subis ta vie au lieu de la vivre, cela t'empêche de t’épanouir, et en refusant de te battre pour améliorer les choses, tu fais du mal à ceux qui pourrait aller beaucoup mieux autour de toi
- Mais comment peux-tu le savoir que ça gêne leur entourage
- Je le sais, c’est toujours comme ça. Quand t’es malheureuse, tu peux faire du mal à tes amis, ta famille, ton fils et tous ceux qui ne peuvent rien faire parce qu’ils n’ont pas conscience que tu ne te bats pas pour améliorer les choses.
- Je trouve que tu exagères mais je respecte ton choix, c’est juste pour savoir
Elle m’a un peu énervé pas son ignorance des choses de la vie et je préfère en rester là et finir dans le silence mon petit déjeuner
- Et moi, tu me considères dans quelle catégorie
- Je ne sais pas, faudrait que je t'attache et que je te questionne, lui dis-je sur un ton un peu sec
- Et si je suis méchante ou trop gentille, tu pourrais me tuer
- A voir, ça dépendra de la peinture
Elle se retourna et commença à faire la vaisselle. J’ai bien vu qu’elle n’avait pas aimer ma réponse. Ce n'est pas parce qu'elle m’oblige à travailler avec elle que je vais la considérer différemment des autres.
Et puis c’est moi qui la forme, donc c’est moi qui ait raison, elle n’a pas son mot à dire, je suis le seul décideur.
Et avoir un peu de silence ça fait du bien.
Elle prend son temps pour faire la vaisselle, aux vues de ce que j’ai mangé, je ne comprends pas pourquoi elle met autant de temps. Elle a le visage concentré dans l'évier, comme si elle ne savait pas quoi dire, quoi penser, ou elle reporte juste au maximum le moment où elle va finir et devoir partir. Vu le ton employé pour lui expliquer ma vision, elle a compris qu’il est préférable de partir une fois finit et elle ne fait que reporter ce départ. Avec le temps, à force d’observer l'être humain et les femmes en particulier, j’ai appris à déchiffrer les paroles du corps qui peuvent être beaucoup plus parlant. Et ce corps réfléchit et est blessé. Ce corps attend une phrase de réconfort, une gentillesse de ma part, juste quelques mots de ma part alors qu’elle n’ose plus rien dire.
Ce corps demande à être considéré comme une exception. Mais elle n’en est pas une. Et elle commence à comprendre que nous ne sommes pas pareils elle et moi, et que cette collaboration, c’est elle qui me l’impose et que qu’elle a eu tort de voir en moi un partenaire.
Elle a fini et va aux toilettes sans oser me regarder. Elle va surement se laver le visage, peut être pleurer, sortir avec un grand sourire et me dire au revoir comme si de rien n'était.
Elle sort des toilettes avec un grand sourire comme prévu et met son manteau et alors que j’attends ma bise habituelle et un au revoir furtif elle se dirige directement vers porte et se retourne juste avant de sortir.
- Je me rends compte que j’ai été trop conne de croire que tu pouvais être beaucoup moins con. Et c’est bien la seule chose qu’on a peut-être en commun. Je te fais signe dès que je suis dispo
Et elle sort en claquant la porte. Même pas un au revoir. J’ai dû vraiment la blesser.
Je ne m’attendais pas à ça. Même si j’avais raison, ce départ n'était pas celui attendu. Elle a trouvé le courage de s’exprimer avant de partir.
Et derrière sa folie de vouloir m’accompagner dans mes sombres desseins, elle a peut-être quelque chose de différent des autres
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