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Dix minutes s’écoulent. Je suis effondrée à la seule idée de rester bloquée ici avec toute cette bande de brigands. Un bruit de pas dans ma pièce me fait sursauter. Putain ! Il est toujours là ? C’est un psychopathe, ce type en plus d’être un kidnappeur ! Il cumule ! Mon regard se fait mauvais, mais il n’en a que faire. Déjà, il s’est agenouillé face à moi.

— C’est à cause de ta gosse que tu es triste ?

Hein ? D’où sort-il ça, lui ? En une fraction de seconde, tout un tas d’idées cheminent dans mon esprit dont, la plus plausible parmi les plus burlesques, serait qu’il se serait renseigné sur moi avant le braquage ! Interprétant ma confusion, il s’empresse de poursuivre :

— C’est toi qui m’en as parlé tout à l’heure. Tu sais, quand tu t’es énervé.

C’est vrai. J’ai intérêt à faire gaffe, il note tout, le mec ! L’effet de surprise a au moins le mérite de me sortir de mon état nostalgique. Tout en m’asseyant, je m’empresse d’essuyer mes joues du bout des doigts.

— Ça va mieux, dis-je d’une voix encore brisée dans un reniflement sans classe, je pense que vous avez à faire.

Un timide sourire prend place sur ses traits quand il se redresse.

— On dirait que tu as hâte que je parte !

— Sans vous vexer, je ne souhaite pas abuser de votre compagnie.

— Je ne peux pas t’en vouloir… souffle-t-il alors qu’il va pour se relever.

Je suis étonnée lorsqu’il annule son action et me demande, d’une voix si douce qu’elle ne semble pas lui appartenir :

— Dis-moi, elle a quel âge, ta puce ?

Le mot puce dans sa bouche discorde.

— Cinq ans et demi, me surprends-je à lui répondre.

— Elle est petite, susurre-t-il, attendri alors que sa paume se pose instinctivement sur mon bras. Craque pas, elle a encore besoin de toi.

Tous mes poils sont au garde à vous. Comme s’il lisait en moi, il retire sa main. Un silence pesant s’installe entre nous. Il croit quoi ? Je ne suis pas une copine qu’il doit soutenir ! Qu’on remette tout de suite les choses en place : je suis son otage qu’il a kidnappé alors que je me pressai pour rejoindre ladite petite fille qui a tant besoin de moi !

— Et… Comment s’appelle-t-elle ? se risque-t-il, le regard plein de compassion.

Pff…

— Lyloo, réponds-je d’un souffle.

— C’est mignon, Lyloo, me sourit-il, troquant sa tête de truand en une âme charitable.

Ses yeux ne me lâchent pas. Une intensité dérangeante s’établit entre nous. Je sens qu’il veut en savoir plus, mais que quelque chose lui interdit une telle légèreté. La décence peut-être ? Sa curiosité semble avoir gagné le combat puisqu’il poursuit, hésitant :

— Et toi, c’est quoi ton nom ?

— Moi ? m’étonné-je, hébétée.

Sans répondre, il hoche la tête pour acquiescer.

— Je m’appelle Mégane.

Bordel ! Je suis conne ou quoi ? S’il veut connaître mon prénom, il n’a qu’à allumer le poste de télévision. Je pense que toutes les chaînes infos doivent le donner ! Enfin, pour ça, il faudrait bien évidemment vivre ailleurs que dans ce musée de l’antiquité !

— C’est très joli, Mégane, et ça te va à ravir.

Je rêve ! On se croirait à un speed-dating ! À la seule différence, que je ne me souviens pas m’être inscrite pour me retrouver dans ce coin pourri, assise sur ce matelas miteux, devant un mâle sauvage portant un masque ! Sentant le malaise grandir entre son comportement et mes réactions totalement inhabituelles, je préfère stopper notre conversation en ne répondant pas à ce compliment qui n’a pas lieu d’être.

Je découvre avec déception qu’il ne m’en faut pas beaucoup pour me dévoiler ! Beaucoup de testostérone, des yeux envoûtants ainsi qu’une bouche appelant aux baisers, et me voilà prête à tout déballer ! Je ne dois pas perdre de vue que ce type est dangereux. Il vaut mieux que je garde mes distances avec lui. Après tout, il a peut-être, pour ne pas dire, certainement, du sang sur les mains… Je ne dois pas oublier qui je suis. Je méprise au plus haut point ce genre d’individus sans scrupule. J’ai horreur de la malhonnêteté et de la violence sous toutes ses formes. Revenant à l’instant, je m’aperçois qu’il est beaucoup trop près de moi pour que je sois totalement détendue, surtout qu’il ne m’a pas lâché du regard depuis sa dernière phrase.

— Tu aimerais connaître le mien, Mégane ? tente-t-il, charmant.

Incroyable ! À se demander si ce type ne souffre pas d’un dédoublement de la personnalité, ou alors, possède-t-il un jumeau ?

— Surtout pas ! réponds-je dans un réflexe. Je ne compte absolument rien apprendre de vous ! Ne m’en voulez pas, mais j’espère juste me donner une petite chance de ressortir vivante de toute cette histoire !

— Tu ne risquerais rien à connaître mon prénom, tu sais, insiste-t-il, un sourire timide plaqué sur les lèvres.

Ouais, ouais… On dit ça et après tu te fais zigouiller pour ce genre de connerie. Comme je ne réponds pas, il soupire.

— Remarque, tu n’as pas tort. J’imagine que je réagirais comme toi à ta place. Bon et bien, je ne vais pas m’imposer plus longtemps. Je te laisse. Bonne nuit, Mégane.

Bonne nuit Mégane… Il a raison, elle s’annonce géniale ! Un trois étoiles ! Son sourire tranche avec ma détresse. Sans blague, que lui prend-il depuis notre arrivée au repaire ? Pour être franche, en d’autres circonstances, je me serais volontiers laissée tenter par cet homme sexy.

Il n’a pas bougé, encore à me fixer. Je suis persuadée qu’il attend une réponse. Seulement, je ne peux pas permettre à une sympathie de s’établir entre nous, même si elle paraît se créer d’elle-même. Je préfère rester stoïque, jouant la carte de l’indifférence. Comme il ne repart pas toujours pas, je m’allonge à nouveau et me mets en boule, prête à m’endormir. Comprenant mes non-dits, il se retire enfin avec mes restants de mon « repas ».

Dans la cuisine, je l’entends héler son complice.

— C’est quoi c’te merde que tu lui as servie ? Franchement, ça pue ton truc ! Sens ! On dirait de la gerbe !

— Oh ! C’est bon ! s’énerve l’autre. Après tout, j’suis pas cuistot.

— Tu ne me l’aurais pas dit ! Dans ce cas, je lui préparerai moi-même, parce que là, ça peut être assimilé à de la maltraitance !

— Qu’est-ce que tu t’en tapes de la qualité de sa bouffe ! T’es bien attentionné avec cette nana… conclut l’autre en ronchonnant.

Une porte se claque… Les voix s’estompent… Ils sont sortis…

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