Boulot, métro, dodo

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Les dialogues sont en français mais se passent en japonais.

Emma enfila sa paire de Dr Martens. Fan incontestée de ces chaussures depuis le plus jeune âge, elle les portait partout et à toutes les saisons.

Le Japon entrait dans la période des typhons. Heureusement, il y avait seulement un peu de pluie ce jour, aussi, décida-t-elle de visiter plusieurs coins de Kyoto ne nécessitant pas de capuche.

La presque-trentenaire détestait les parapluies. Encombrants, peuvent éborgner quelqu'un, se retournent au moindre coup de vent, en bref, un accessoire plus embarrassant qu'utile. C'est donc vêtu de son manteau vert kaki qu'elle sortit en ville.

En une semaine elle avait visité Kyoto et ses moindres recoins.

Et en deux mois, Kobe, Osaka et Nara. Adorant la marche, cela ne lui posait aucun problème d'arpenter des kilomètres chaque jour.

Par le bouche à oreille, elle put s'installer dans une jolie Share House à Kyoto, peu chère et tenue par un couple de japonais adorant la culture française.

Seulement, afin de concrétiser son rêve de rencontrer des artisans potiers et fleuristes à travers tout le Japon, elle réalisa qu'elle n'aurait jamais assez d'argent.

Elle démarcha tous les fleuristes de Kyoto et malheureusement, aucun ne prenait d'étranger, pas même à l'essai.

Ayant plus d'un tour dans sa manche, et supposant qu'elle aurait plus de chance dans ce domaine, Emma passa un entretien d'embauche dans une entreprise d'aide à domicile. Elle fut prise immédiatement mais ne s'attendait pas à travailler en structure.

Ils lui en firent baver pendant un mois. Elle n'avait presque jamais de jour de repos. L'équipe étant petite, les roulements de pause étaient à l'opposé des emplois du temps en France. De plus, ses missions ne correspondaient pas du tout à ses niveaux de capacité. Ils l'avaient mise sur un poste à haute responsabilité alors qu'elle n'avait pas autant d'expérience que certaines collègues japonaises. Ainsi, en plus d'avoir l'administration sur le dos, la plupart de ses collègues lui mirent des bâtons dans les roues. Alternant entre des rumeurs odieuses, du papier toilette mouillé dans ses chaussures et d'autres bizutages puériles qu'elle n'aurait jamais penser subir en entreprise, alors qu'elle était la plus jeune des employées. Comme quoi, l'âge n'était pas une histoire de maturité...

Elle s'imagina vivre le même enfer que dans Stupeur et Tremblement. Néanmoins, ce fut de courte durée.

Un matin, elle fut convoquée, dans le bureau du directeur Matsumoto.

Angoissée à l'idée de se faire virer, son estomac se tordit. Elle avait encore besoin de gagner de l'argent pour son projet.

« Madame je vous convoque pour vous faire part d'un nouveau dossier qui sera dès à présent à votre charge, intima le directeur le regard perçant. Votre bon caractère et votre expérience m'ont permis d'arrêter mon choix sur vous. Je suis sûr que vous vous en sortirez très bien.

- Pardonnez-moi Monsieur le directeur. Est-ce un dossier délicat ?

- En effet, il s'agit du dossier Tanaka. C'est une dame chez qui aucune des soignantes et auxiliaires de vie n'a pu rester plus de deux jours. Je préfère vous prévenir. Vous vous y rendrez dès demain et jonglerez avec le travail en structure.

- Bien Monsieur le directeur, s'inclina-t-elle en prenant le dossier. Merci pour toutes ces précieuses informations. »

Elle quitta le bureau, dépitée. Voilà qu'il lui donnait un dossier compliqué. Elle avait bien compris qu'il lui avait passé de la pommade dans le dos pour la berner plus facilement. Qui plus est, elle avait à présent, deux fois plus de travail.

C'est en soupirant qu'elle quitta le travail ce soir-là. N'ayant aucune envie de rentrer directement à la Share House, elle entra dans un bar/restaurant qu'elle chérissait particulièrement et commanda des Yakitori avec une soupe miso et une bière.

Les coïncidences, Emma y croyait fortement. Alors qu'elle parlait de sa terrible journée avec le serveur qu'elle connaissait, une dame s'approcha timidement.

« Bonsoir, je vous prie de m'excuser cette intrusion mais j'ai entendu ce que vous disiez et je me permets de venir vous parler car mon mari et moi sommes les voisins de Madame Tanaka. »

Emma l'invita à s'asseoir, elle fut rejointe par son mari et le serveur qui leur amena leurs plats. Heureuse de cette rencontre, elle parla avec eux toute la soirée. De son projet, de son travail et de sa relation avec les japonais. Ils étaient forts sympathiques et attentionnés. Loin du traditionnel Tatemae, Monsieur et Madame Izumiya -Sho et Mutia- étaient sincères.

Le travail à l'étranger forgeait la personnalité nippone différemment. En effet, Monsieur Izumiya était un diplomate retraité de soixante-dix ans, ancien ambassadeur du Japon aux Philippines. Quant à Madame Izumiya, une très belle femme de soixante-cinq ans, d'origine Philippine, ancienne secrétaire de son mari (c'est ainsi qu'ils se sont rencontrés), passait son temps, depuis la retraite, dans les œuvres caritatives. Elle aimait beaucoup cuisiner et était une mordue de mode. C'était d'ailleurs elle, jusqu'à présent, qui prenait en charge les repas de Madame Tanaka.

Sans plus s'étendre sur le sujet de leur voisine, Madame Izumiya proposa gentiment de l'accompagner rencontrer sa voisine.

La française rentra dans sa chambre toute retournée des événements de la journée. Appréhendant grandement le lendemain, elle eut beaucoup de mal à fermer l'oeil. Dans quel pétrin s'était-elle encore fourrée ?!

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