Emma gara son vélo devant la maison. Passant le portail, elle remonta ses manches, mit du baume du tigre sous son nez, un masque en tissu et un fichu sur sa tête. Elle ouvrit la porte et la puanteur surpassa son baume menthe fraiche.

Il faisait gris, aussi, elle décida de débarrasser toutes les poubelles de l'entrée avant qu'il ne pleuve. Elle laissa la porte d'entrée grande ouverte afin d'aérer au maximum.

Elle avait repéré les tas de poubelles au bout de la ruelle.

Au Japon, contrairement à la France, il n'y avait pas de conteneur. Chaque quartier mettait en tas leurs poubelles selon le jour du tri, sous des grands filets, afin que les oiseaux, surtout les corbeaux, et les animaux n'éventrent pas les sacs.

Au bout de deux allers-retours, Emma ne voyait toujours pas le parquet du couloir.

Monsieur Izumiya sortit de sa maison. Il poussait une brouette vide et indiqua à Emma qu'il l'aiderait à débarrasser une grande partie des ordures ménagères. Heureuse, Emma le remercia et en quelques allers-retours de plus, ils finirent par débarrasser toutes les poubelles du couloir. Il restait en grande partie des cartons, des piles de journaux et magazines mais tout était beaucoup plus facilement accessible.

Emma alla toquer à la porte de Madame Tanaka. Celle-ci se leva tant bien que mal de son futon et poussa une exclamation de surprise en voyant l'évolution.

Sho rentra chez lui en promettant que sa femme passerait plus tard avec un panier repas.

Accédant enfin au salon, elle ouvrit les fenêtres afin d'aérer cette pièce décorée à la manière occidentale.

Madame Tanaka s'assit dans un fauteuil après avoir poussé une pile de journaux.

Emma découvrit une vieille chaîne hifi sous une couche de poussière mais en état de marche. Demandant la permission, elle brancha son baladeur dessus et mit la Sixième Symphonie de Beethoven, afin de ranger dans une ambiance plus sympathique.

Madame Tanaka, surprise, interrogea la jeune-femme sur ses goûts musicaux. Elles en parlèrent longtemps pendant qu'Emma triait les magasines et journaux, avec son accord.

Les éboueurs, pour les papiers, passaient le lendemain. Aussi, Emma mit le tout dans des sacs poubelles transparents, prévu à cet effet.

Elle les laissa sur le perron afin de dégager les pièces accessibles. Elle entreprit en suite de vider tous les cendriers dans un sac poubelle qu'elle laissa dehors. Elle l'emporterait en partant. Cependant, les cendriers noirs et odorants ayant grand besoin d'être lavés, elle les empila devant la porte de la cuisine, en attendant d'y accéder plus tard.

Elle balaya le parquet du couloir et découvrit qu'une partie des planches avaient pourri sous les déchets. Elle les balisa reportant la rénovation à la fin du rangement, au moins d'une grande partie de la maison.

Mutia arriva comme promis avec un panier rempli de délicieuses spécialitées japonaises. Elles prirent une pause d'une bonne heure, discutant de tout et de rien. Emma vit que Madame Tanaka avait l'air bien, seulement, quelque chose devait la tracassée.

« Madame Tanaka, demanda-t-elle, quelque chose vous perturbe ?

- Non, je me rends simplement compte d'à quel point je me suis laissée aller pendant tous ces mois. Merci de faire tout ça...

- Ne vous inquiétez pas, je suis là pour vous soutenir, sourit tendrement Emma. Si cela va trop vite pour vous n'hésitez pas à m'en faire part...

- Non c'est très bien pièce par pièce, cela me permet justement de réaliser petit à petit.

- Je souhaitais d'ailleurs vous parler d'un programme que je pensais mettre en place, afin que ce ne soit pas trop choquant pour vous et que je puisse aussi m'en sortir de façon logique.

- Quel est-il ? s'intéressa la vieille dame.

- Aujourd'hui je vais terminer le salon du sol au plafond ainsi que l'entrée et le couloir, expliqua-t-elle en prenant des notes. Demain je ferais la cuisine et la buanderie.

- Je vous accorde votre week-end après cela Emma, vous l'avez bien mérité. Mutia viendra comme aujourd'hui me porter les repas, ne vous en faites pas, vous avez besoin d'un peu de repos.

- Merci Madame Tanaka, c'est très gentil de votre part, remercia-t-elle touchée.

- Continuez donc ce que vous me disiez, l'invita la dame.

- Oui donc, la semaine prochaine, dans l'ordre, le couloir des chambres, la salle de bain et les toilettes. Puis votre chambres et les autres pièces du fond. En suite, je m'occuperai de votre plancher et du portail. Puis du jardin, du linge et dans la mesure du possible, j'aimerais que nous allions nous promener... tenta-t-elle.

- Vaste programme que de me faire sortir d'ici, s'agaça-t-elle. Nous verrons cela plus tard, je pense qu'il est temps de vous remettre au travail.

- Oui Madame, je ne voulais pas vous mettre en colère, toutes mes excuses, je m'y mets tout de suite. »

Dans une atmosphère tendue, Emma se leva suivit de Mutia qui déguerpit pour ne pas déranger.

Les produits laissés dans l'entrée l'aidèrent à remettre le salon en état. Toiles d'araignée, poussière, nettoyage des fenêtres, vitres, portes et du sol. Elle retira même les rideaux afin de les laver plus tard.

Elle se croyait de plus en plus dans le Château Ambulant. Et elle pensa en souriant, que Madame Tanaka avait un petit côté sorcière qui l'agaçait et l'amusait parfois.

Par ce travail, elle avait remarqué que certaines personnes emprisonnées par la société et la bienséance toute leur vie, étaient déshinibées avec l'âge et se révoltaient.

Une fois le ménage terminé, elle prit congé alors que la vieille dame retournait dans sa chambre.

Elle rentra à la Share House, prit une douche et se coucha sans manger, épuisée.