Linge, cheveux et encre dans la peau

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Sho arriva de bonne heure et surtout de bonne humeur.

« Bonjour nouvelle voisine ! s'exclama-t-il. Nous sommes heureux de t'accueillir parmi nous !

- Merci cher voisin, rit Emma. »

Après avoir chargé le coffre de la voiture, ils partirent non sans saluer Karina et les propriétaires.

Il faisait de nouveau très beau. Cependant, elle apprit à la radio que la neige serait là pour la fin de la semaine. Ce qui signifiait qu'il fallait qu'elle fasse toutes les lessives aujourd'hui.

Arrivés à la maison de Madame Tanaka, Sho l'aida à décharger puis rentra chez lui. Emma laissa ses affaires dans l'entrée et mit immédiatement les vêtements pour l'association de Mutia dans la machine à laver. Elle prépara un petit-déjeuner à la résidente qui émergea en sentant la bonne odeur.

Heureusement Mutia avait apporté quelques courses la veille car la française n'y avait absolument pas pensé.

« Mangez tant que c'est chaud, je vais mettre mes affaires dans la chambre et après nous irons au kombini et à la pharmacie ! déclara-t-elle avec énergie.

- Je suis déjà fatiguée rien que d'y penser... soupira Madame Tanaka sans motivation. »

Emma préféra ne pas y prêter attention.

Une fois son repas prit, Madame Tanaka se vêtit de ce qu'elle avait pendant qu'Emma étendait la première lessive avant d'en remettre une autre.

Sortant de la maison, la jeune-femme tendit un bras à la vieille dame. C'est, bien entendu, en râlant qu'elle l'attrapa et commença à marcher.

Tous les gens du quartier qu'elles croisèrent, ne cachèrent pas leur surprise. Une vieille japonaise qu'ils ne reconnaissaient pas au bras d'une étrangère. Quel tableau peu commun.

Au kombini elles prirent le temps de tout choisir, surtout ce qui faisait envie à la " rabat-joie " et qui serait bon pour ses carences.

Le pharmacien n'avait pas reconnu sa cliente. Il fallait dire que ses cheveux blancs lui mangeaient la moitié du visage et sa maigreur n'arrangeait rien. Néanmoins il la complimenta pour son retour et espéra la revoir bientôt.

« Hypocrites, cracha-t-elle entre ses dents. »

La française eu le soulagement de constater qu'elle seule avait entendu.

Elle remercia poliment le pharmacien pour faire bonne figure et elles quittèrent le commerce pour rentrer.

« Vous êtes incorrigible ! gronda gentiment Emma.

- Mais je n'y suis pour rien s'il est bien heureux que je lui rapporte de l'argent avec mes problèmes de santé ! Il s'en tamponne bien que je sois de retour, enfin si, pour mon argent ! ragea-t-elle.

- J'adore passer du temps avec vous, admit Emma, c'est tellement plaisant de connaître vos pensées !

- Ce n'est pas drôle, se vexa la vieille dame.

- C'était sincère, promit-elle en levant la main. »

Elles finirent le trajet en parlant de beaucoup de choses, y-compris de leurs futurs balades. Madame Tanaka dut souffler et râler une bonne dizaine de fois, faisant rire Emma.

L'aide à domicile prépara un curry japonais, plat, apparemment favori, de sa chère japonaise.

Le temps de la cuisson, elle continua les lessives, pliant ou repassant ce qui était déjà sec.

Elles mangèrent sur la terrasse, sur une table pliante sortit de derrière les fagots, au fond du cabanon. Elle avait quand même dû caler le pied bancale avec un journal plié en quatre...

Le linge étant presque à jour, Emma proposa à Madame Tanaka de lui couper les cheveux dans le jardin. Au préalable, elle l'aida à se laver les cheveux dans la salle de bain, passant outre la poitrine dénudée qui ne semblait pas déranger la vieille dame.

Madame Tanaka enfila un vieux haut d'hiver et Emma lui coinça une petite serviette dans le col. Elles allèrent dans le jardin, la japonaise sur la chaise et la jeune-femme armée d'un peigne et de ciseaux.

« Si vous me loupez, je vous taille les oreilles en pointe ! menaça-t-elle.

- Ne vous inquiétez pas, je sais y faire, je coupe les miens toute seule, tenta-t-elle de la rassurer.

- C'est bien ce que je disais ! taquina-t-elle. »

Emma ne releva pas et sourit que Madame Tanaka fasse de l'humour. À moins qu'elle soit vraiment sérieuse ?!

Tant pis, pensa-t-elle en haussant les épaules.

Elle s'appliqua à couper ses cheveux en carré, son visage étant ovale et fin, ça lui allait comme un gant.

Très fière d'elle, elle l'accompagna devant le miroir de la salle de bain.

« D'accord, je déclare forfait, abdiqua-t-elle. Ma petite Emma vous avez plus d'un tour dans votre manche ! C'est appréciable, moi qui pensait que la jeunesse était fichue, vous me donnez espoir...

- Dois-je vous rappeler que je suis française ? se moqua-t-elle. Ne perdez pas espoir, beaucoup de jeunes japonaises et japonais sont engagés à faire changer les choses, seulement, ils sont plus discrets, dirons-nous...

- Connaissez-vous les coutumes des anciennes familles japonaises ?

- Quelles sont-elles ? questionna-t-elle en nettoyant les ciseaux.

- Les plus jeunes frottent les dos des plus vieux dans le bain. Alors, si vous le voulez bien, j'aimerais que nous nous douchions et prenions un bain ensemble. »

Emma était décontenancée. Elle savait en effet, que la nudité ne posait aucun problème au Japon, c'était monnaie courante de se détendre dans les bains publiques avec de parfaits inconnus. Seulement, elle avait un problème de taille... Ses tatouages allait certainement traumatiser la pauvre mamie et elle serait tout à fait en droit de la virer illico-presto de chez elle.

« Madame Tanaka, avant cela, je dois vous dire quelque chose...bafouilla-t-elle intimidée.

- Quoi ? Nous sommes toutes faites pareilles, répliqua-t-elle en levant les yeux.

- Il ne s'agit pas de ça... Je suis tatouée Madame Tanaka, et... beaucoup... avoua-t-elle en baissant les yeux.

- Ça par exemple, s'étonna la dame, je ne l'aurai jamais cru... Ce n'est pas grave, comme je vous l'ai dit, nous avons fréquenté beaucoup d'artistes avec mon mari et le fils de Mutia, un chef sushi très réputé d'ailleurs, est tatoué sur le torse. Alors ne vous faites aucun soucis ! la rassura-t-elle.

- Je pense qu'après ce bain vous allez pouvoir commencer à me tutoyer non ? blagua Emma en se déshabillant.

- J'y pensais justement ! Ah oui en effet, je n'en imaginais pas autant... siffla-t-elle en la regardant.

- Je serais une vieille colorée ! sourit Emma pour se déstresser de cet instant plus qu'étrange.

- J'avoue que cela donne une touche intéressante... »

Pendant que Madame Tanaka se lavait dans la douchette, Emma rinça et remplie la baignoire. Elle lui frotta le dos comme demandé, et il en avait grand besoin. La dame se rinça et entra dans le bain, attendant que la jeune la rejoigne. Emma lui donna une petite serviette imbibée d'eau fraîche pour qu'elle se la place sur la nuque afin de supporter la chaleur.

Elle se lava rapidement et entra timidement dans le bain.

« Tu as un corps d'athlète, je comprends pourquoi tous les travaux ne te font pas peur.

- Oh, je n'en suis pas si sûre mais pour ce qui est du travail, mes parents m'ont éduquée pour que je sache faire au maximum de choses toute seule.

- Ils ont eu raison... acquiesça-t-elle. »

Elles parlèrent longtemps. Madame Tanaka voulut en savoir plus sur la vie de son aide à domicile. Jusqu'à ce que leurs doigts soient fripés – du moins, ceux d'Emma étant beaucoup plus visibles que ceux de Madame Tanaka - et l'eau refroidit.

Les restes du midi s'imposèrent puis la dame parut tomber de fatigue.

Elle avoua qu'elle était rassurée par la présence d'Emma car le fait d'être dans sa maison « vide » l'angoissait un peu.

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