Le petit-fils

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Emma arriva à Kyoto en milieu de matinée. Elle avait pu, tant bien que mal, dormir dans le train. Elle fit des exercices de respiration afin de calmer le stress et la colère bouillonnant dans ses veines.

Une grosse voiture noire aux vitres teintées était garée devant le portail. Guettant certainement depuis un moment, Mutia sortit de son jardin et partagea son inquiétude à Emma.

« Je suis aussi très angoissée, seulement, j'estime ne pas être en tord... »

Mutia lui souhaita bon courage et rentra chez elle.

Entrant dans la maison, elle annonça son retour. La réponse de Madame Mari lui parvint du salon. Elle la trouva assise dans son fauteuil fétiche en train de boire un thé. Elle posa sa tasse sur la table basse et prit Emma dans ses bras, la surprenant totalement. Cela lui réchauffa un peu le cœur.

Un homme plutôt grand, regardant par la fenêtre, se retourna au moment de leur étreinte. Il haussa les sourcils, ce fut la seule émotion qui passa sur son visage.

Emma trouva qu'il faisait très jeune, mais tel est le pouvoir des japonais, jeune de quinze à quatre-vingt ans puis vieillissant d'un coup.

Cette pensée la fit sourire ce qui dut mettre le feu aux poudres.

« La situation n'apprête pas du tout à rire Mademoiselle, déclara-t-il froidement sans hausser le ton. Vous abandonnez votre poste sans m'en avertir. Vous partez un mois sans donner signe de vie et en plus vous osez me répondre de façon impertinente. Je ne peux laisser passer cela, aussi, ajouta-t-il en sortant une enveloppe de sa veste et en lui tendant, voici votre lettre de licenciement que je vous prierez de signer avant de partir d'ici. »

Emma prit l'enveloppe à deux mains pour ne pas paraître impolie. Elle garda le silence car face à un homme comme ça, il était bien souvent inutile de tergiverser.

Elle allait ouvrit l'enveloppe lorsqu'une main qu'elle ne connaissait que trop bien s'interposa. Madame Tanaka lui prit des mains et la déchira en petits morceaux avant de les mettre sur la table basse.

« Assez ! Je comprends que tu aies très mal vécu le décès de tes parents, Kei, l'apostropha-t-elle. En revanche, je ne peux pas concevoir ton attitude face à cette jeune-femme m'a aidée à remonter la pente depuis que nous les avons perdus. Car oui, dois-je te rappeler que j'ai perdu aussi un mari et deux enfants ? Ta mère était comme ma fille et j'aimais mon fils plus que tout au monde. Nous sommes deux à ne plus les avoir avec nous. Alors tes appels sont certes très rassurants car ils m'indiquent que tu vas bien et que tu ne m'as pas totalement abandonné, pour autant, je n'ai pas la sensation que tu aies vraiment eu le souhait ou l'envie de venir me voir. Donc je refuse ce licensiment, et si je dois me remettre à gérer mes problèmes administratifs puisque c'est si pesant pour toi de t'occuper de moi, ce n'est pas un souci. Mais ne t'en prends pas à elle. Je lui ai donné ces congés pour qu'elle puisse aller voir les artisans qu'elle rêvait de rencontrer depuis des années. Elle est revenue à la bonne date, et n'a absolument pas fait un abandon de poste. Je me permets aussi de te signaler qu'elle me téléphonait tous les soirs et parfois même plusieurs fois par jour quand elle en avait l'occasion. Donc cesse un peu de rejeter la faute sur elle. N'as-tu pas remarqué que la maison est de nouveau vivable ? Je revis grâce à elle. Ce n'est pas parce que tu m'as envoyée des entreprises d'aide que les choses se sont arrangées, bien au contraire. Mais est-ce qu'une seule fois tu es venu pour voir si tout était correct ? Non. Tu as grandit, murit et un peu vieillit et je ne l'ai même pas vu car ton travail est plus important que tout. Je peux le comprendre en effet, néanmoins, ne te mêle pas des décisions que je prends pour l'employée qui reste avec moi jour et nuit depuis plus de sept mois. Et ne vas pas croire qu'elle m'a embobinnée ou autre car je me mettrais réellement en colère. Si c'est seulement pour la virer que tu étais venue, tu peux repartir sur le champ à Tokyo, finit-elle le souffle court. »

Cela avait dû lui demander énormément d'énergie car Emma la trouva pâle et l'aida à s'asseoir. Elle avait constaté que le petit-fils avait jusqu'alors les mâchoires serrés. Cependant, au fur et à mesure du discours de Madame Tanaka, le masque froid de l'homme se fissurait.

Voyant sa grand-mère à bout de souffle, il finit par craquer. Pleurant à chaudes larmes et hoquetant en s'excusant, il posa ses genoux, son front et ses mains au sol. Mari le pria de se relever et l'étreignit.

Emma les laissa et s'enferma dans la cuisine pour concocter un petit repas.

Ils le prirent tous ensemble. Monsieur Tanaka était beaucoup moins froid, il ne souriait pas pour autant. Il les salua et repartit dans l'après-midi.

Les deux résidentes se racontèrent leurs aventures pendant ce mois de séparation et partirent se coucher, heureuses d'être de nouveau ensemble.

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