6 - Le dragon des eaux (Partie 1/2)

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Méline était soulagée, la source de la maladie n’était rien d’autre que l’eau impure que buvaient les villageois depuis plusieurs semaines. Les épidémies mortelles étaient fréquentes et beaucoup s’en souvenaient encore des ravages de la peste. Malheureusement, les plus fragiles avaient succombé assez rapidement aux symptômes. Elle fit également le lien avec la légère guérison de sa sœur. Amélie avait cessé de boire de l’eau car toutes les infusions étaient à base de lait et de plantes aux diverses propriétés antiseptiques, antifongiques et antibiotiques. Concernant Félix, la plupart des hommes du village avaient comme seule breuvage la bière ou le vin.

Les villageois devront commencer une cure et trouver une autre solution pour obtenir de l’eau potable. Le puits avait toujours existé à cet endroit mais les villageois ne savaient pas qu’il était alimenté en partie par le ruisseau.

Pour Méline, ce n’était plus de son ressort, elle pouvait simplement informer les villageois sur la manière de réaliser par eux-mêmes le remède chez eux. Et puis, la région était composée de nombreuses sources naturelles. Il suffira aux villageois d’aller un peu plus loin pour puiser l’eau ou de mettre en place un mécanisme de déviation des eaux.

Sur le chemin du retour, Méline évita scrupuleusement la rue de la Triperie. Les effluves étaient pestilentielles et elle ne comprenait pas comment les gens pouvaient rester à respirer cet air nauséabond. Plus loin, elle croisa Félix qui revenait de la taverne, elle se précipita vers lui.

- Félix ! Je sais pourquoi les villageois sont malades ! hurla-t-elle à pleins poumons en courant rejoindre son beau-frère.

- Tu en es sûr ? répondit Félix en observant sa belle-sœur. Elle n’avait pas bonne mine et de la sueur lui perlait sur le front. D’où viens-tu ? rajouta Félix inquiet au vu de l’état général de Méline.

- De la rue de la Triperie ! C’est l’eau qui a rendu malade les villageois ! Les tripiers jettent les déchets dans le ruisseau. Amélie m’a dit qu’avant de tomber malade, elle avait senti une odeur inhabituelle autour du puits. Je suis allée vérifier et…

Méline ne termina pas ses mots qu’elle s’évanouit, Félix la rattrapa de justesse dans ses bras.

- Méline ? Tu m’entends ? demanda-t-il alarmé par l’évanouissement de sa belle-sœur. Malgré ses légères secousses elle resta inerte dans ses bras.

Depuis qu’Amélie avait demandé de l’aide, sa jeune sœur n’avait pas arrêté une minute et elle ne s’était pas beaucoup reposée. Félix serra Méline contre lui et l’amena à la maison. J’irai prévenir Ludo et les autres villageois dès que je l’aurai mise en sécurité, pensa-t-il.

- Amélie ! cria Félix en montant les marches de l’escalier. Avant même qu’elle ne puisse lui répondre, il entra en trombe dans la chambre avec Méline dans ses bras.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Amélie paniquée en se levant du lit.

- Elle était en train de me parler, elle disait qu’elle venait de découvrir la raison pour laquelle les villageois étaient tombés malades et puis elle s’est évanouie devant moi, raconta Félix en déposant délicatement Méline sur le lit.

Amélie toucha son front, il n’était pas fiévreux mais moite. Elle retira la cape de Méline qui était humide et l’enveloppa d’une couette fourrée de plumes de canard. Félix remit quelques bûches dans le feu de la chambre et frotta son front, un réflexe quand il était anxieux.

- Ne t’en fais pas. Elle n’a sûrement pas assez mangé ce matin, et je vois sur son visage les traits de fatigue. Elle va s’en remettre, dit Amélie en s’asseyant aux côtés de sa sœur.

- D’accord. Es-tu en état de t’occuper de ta petite sœur ? Je dois m’absenter pour avertir les villageois.

- Oui. Je vais beaucoup mieux. Va les prévenir, mais avant, qu’est-ce que Méline a découvert ?

- L’eau, c’est l’eau, marmonna difficilement Méline. Elle avait entendu la conversation entre sa sœur et Félix. Elle essaya de se relever, mais n’ayant plus de force, ses muscles ne lui répondaient plus.

- Repose-toi. Félix va avertir les villageois. Tu as déjà fait énormément pour nous, chuchota Amélie en caressant le visage de sa petite sœur. Méline ferma ses yeux et tomba tout doucement dans un sommeil profond.

- C’est l’eau du puits. Il n’est pas seulement alimenté par une source mais aussi par le ruisseau, rajouta Félix aux paroles de Méline.

Amélie comprit et se rappela les paroles de grand-mère Dana. Tandis que Félix allait faire circuler la nouvelle auprès des villageois, elle resta au chevet de sa sœur pour la surveiller.

Pendant ce temps, le lutin des bois s'activait également de son côté. Il avait déjà parcouru une belle distance et s'était bien enfoncé dans la forêt, un lieu majestueux et paisible. Beaucoup d'êtres du petit peuple y vivaient, loin des hommes. Mais là-bas, tapi au fond d'une caverne, caché par la végétation, vivait aussi le dragon des eaux. C’était incontestablement l'esprit le plus ancien sur la Terre et le plus puissant. Il était le détenteur du pouvoir de la création des sources et par ce rôle de créateur, il en était le gardien.

Il y a bien longtemps, le Conseil du petit peuple avait été alerté par l’avancement de l’homme dans la contrée. Les habitants de la forêt furent affolés par la construction du village, non loin de chez eux.

Pour se protéger, le Conseil désigna le lutin des bois comme le gardien de la forêt et de l’esprit ancien qui s’y reposait. Le petit peuple décida de s’enfoncer plus profondément dans l’étendue boisée de la région, à l’abri des hommes. On chargea le lutin de garder éloigner les humains, et grâce à la création du sentier, il avait su garder la forêt en paix, et ce jusqu’à maintenant.

Les dragons sont des esprits d’une incroyable noblesse mais d’une grande fragilité quant à la gestion des émotions. Ils pouvaient vite se laisser emporter et causer d’énormes dégâts autour d’eux. De plus, la notion du bien et du mal n’était pas perçue par les êtres magiques comme les êtres humains. Ils agissaient le plus souvent à l’instinct.

Le lutin savait que la tâche qui lui avait été confiée était d’une très grande importance. Car si un jour le dragon des eaux devait être dérangé durant son repos, il rentrerait dans une colère incontrôlable et rien ne pourrait l’arrêter. Mais c’était justement ce pourquoi il était venu ici, il devait le réveiller pour lui demander son aide.

La forêt était calme et on pouvait entendre au loin le chant des mésanges. Le lutin continua sa marche et arriva devant l’antre du dragon. La caverne était bien dissimulée par la végétation et personne n’osait s’aventurer jusqu’ici car c’était une zone interdite, sauf pour le lutin des bois, gardien du lieu. L’endroit était luxuriant et magique. Des fleurs sauvages y poussaient toute l’année, des violettes, des mauves et des jacinthes recouvraient le sol, ce qui donnait la vue d’un joli tapis floral dans les teintes violacées. Sur le long de la paroi rocheuse de l’eau y ruisselait et avec le temps la mousse y avait proliféré à sa surface.

Le lutin des bois devait faire preuve de prudence et d'astuce envers l’esprit ancien, car le moindre faux pas ou la moindre parole maladroite risquerait de déclencher la fureur du dragon. L’esprit de la forêt avait une ouïe très fine et il perçut le souffle régulier du dragon qui dormait au fond de la caverne. Il avait emporté avec lui trois grosses bourses remplies de pièces d’or.

Le butin amassé par le lutin, malgré son avarice, servait en partie de présent pour le dragon, même s’il avait déjà une énorme quantité dans sa caverne. En effet, l’esprit ancien avait entièrement recouvert tout l’intérieur de sa grotte de ce métal précieux. Car c’était un excellent conducteur de chaleur et les quelques rayons du soleil qui rebondissaient sur les murs, octroyaient une chaleur continue durant la journée.

Le lutin s’aventura prudemment dans la caverne et déposa les trois bourses sur le sol, dans l’une d’elles, il y piocha deux pièces, une dans chaque main. Il prit une profonde inspiration et tapa trois fois les pièces entre-elles. Il répéta ce geste jusqu’à ce qu’un râle se fasse entendre au fond de la caverne.

- Choc, entrechoc, que l’or chante, choc, entrechoc et toque, que l’or chante, chanta le lutin dans une légère mélodie.

Un œil s’ouvrit, le dragon s’était réveillé.

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