Chapitre 2: Un paradis au milieu du désert.
Le bateau amarré, sac à l'épaule, Etsuke s'étire longuement, savourant enfin le contact réconfortant de la terre ferme après un interminable voyage. Le vent chaud de Ghalsah souffle doucement, faisant onduler ses vêtements alors qu'il pose le pied sur le quai. Le capitaine, discute avec les douaniers avec une aisance joviale et professionnelle. Etsuke lui adresse un signe de tête reconnaissant en passant à ses côtés, puis se dirige vers la ville, poussé par la chaleur écrasante qui s'infiltre dans la grande avenue de Ghalsah.
La ville se déploie devant lui, majestueuse et imposante, dominée par un toit en pierre soutenu par quatre piliers massifs, vestiges du rocher autrefois taillé. Etsuke avance, ses yeux cherchant une connaissance, un ami de longue date qu'il espère retrouver dans ce labyrinthe urbain.
— Hey, jeunot ! Je vais rester un moment ici. Si tu as besoin d'aide, cherche-moi vers les tavernes de l'étage supérieur de la ville. Bonne chance et à la revoyure Whahahaha ! lance le capitaine avec un rire tonitruant qui résonne sur les quais.
— Entendu, amusez-vous bien, capitaine. Poivrot... murmure Etsuke avec un sourire en coin, tout en se demandant s'il aura un jour l'occasion de naviguer à nouveau avec cet ermite des mers qui l'a si généreusement aidé.
Il tourne son regard vers la ville, plissant les yeux, perdu dans ses réflexions. Par où commencer ses recherches ? La tâche semble herculéenne dans ce dédale complexe...
Avec pour seule piste l'information qu'un camarade se trouve quelque part dans ce dédale qu'est la cité-État de Ghalsah, Etsuke se lance dans sa recherche. Il emprunte la grande avenue qui descend vers le centre de la ville basse, où se concentrent les commerces et les habitations des plus modestes. Alors qu'il avance, il réfléchit intensément, cherchant à deviner où pourrait se cacher celui à qui il souhaite demander aide et conseils.
À mesure qu'il progresse, l'air se rafraîchit légèrement, mais le vent reste vif, s'infiltrant dans les rue de pierre. Ses yeux se fixent sur les grains de sable lisse balayés par les courants d'air. Etsuke est plongé dans ses pensées, passant en revue plusieurs scénarios possibles, tentant d'imaginer où son contact pourrait se dissimuler dans ce dédale de ruelles étroites.
En parcourant le marché animé de Ghalsah, il interroge quelques passants, espérant glaner une information ou un indice pour affiner ses hypothèses. Malgré ses efforts, il finit par se perdre dans un enchevêtrement complexe de petites ruelles étroites, un labyrinthe sombre qui semble n'en mener nulle part. Lorsqu'il tente de rebrousser chemin, il se retrouve à nouveau sur la place du marché, bouclant ainsi un cercle sans fin.
Tournant en rond entre la place du marché et ces venelle labyrinthiques où l'ombre semble dévorer toute trace de lumière, Etsuke sent la fatigue le gagner. Le voyage sous le soleil écrasant l'a déjà épuisé, et cette errance ne fait qu'ajouter à son épuisement. Il décide alors de faire une pause bien méritée dans un petit parc fleuri situé près de l'entrée sud de la cité, qu'il découvre par hasard. Cet espace, entouré de serres agricoles réservées à la population locale, offre un contraste saisissant avec le reste des serres de la ville. Ici, pas de jardins exotiques ou de résidences luxueuses, seulement des plantations simples et verdoyantes, au service du peuple.
— Réfléchis ! Où ce bourge pourrait-il être ? Etsuke se parle à lui-même, cherchant à clarifier ses pensées. Il adore l'histoire, peut-être un lieu historique... Mais il secoue la tête, rejetant cette idée. Non, après un long voyage, il aurait probablement cherché la meilleure auberge de la ville. À moins qu'il n'ait commencé sa mission directement... Non, je le connais. Vu sa mission, il aurait d'abord joué les touristes. Il a forcément visité les lieux prestigieux de la ville.
Déterminé, Etsuke interpelle un passant dans le parc, un vieil homme dont l'apparence sage et l'air réfléchi indiquent une connaissance approfondie de la ville.
— Excusez-moi, pourriez-vous me dire quels lieux touristiques sont prisés par les étrangers fortunés ici ? Ceux qui ont la meilleure réputation, par exemple une auberge.
Le vieil homme réfléchit un instant, scrutant Etsuke de ses yeux plissés.
— Un lieu prestigieux ? Il y en a plusieurs, mais en termes d'auberge à Ghalsah il n'y a pas plus célèbre que le Hall des Reflets.
— Intéressant. Pouvez-vous m'indiquer comment m'y rendre ?
— Bien sûr ! Allez au centre de la ville inférieure, vous y trouverez un grand escalier qui mène à la ville supérieure. Empruntez-le et, une fois là-haut, suivez l'avenue principale. Le Hall est au bout, sur votre gauche. Impossible de le rater.
— Merci beaucoup.
Le Hall des Reflets... Avec cette nouvelle information, Etsuke retrouve un regain d'espoir. Il se dirige vers la ville supérieure, où se trouvent toutes les auberges, restaurants, et autres lieux de détente de Ghalsah, ainsi que les résidences des personnalités notables.
Après une demi-heure de marche, il arrive enfin devant le Hall des Reflets, la plus prestigieuse auberge de la ville. Le bâtiment est un véritable joyau, sculpté dans un gigantesque bloc de quartz bleu trouvé au cœur du rocher dans lequel la ville a été façonnée. Les murs, d'un bleu azur profond, scintillent sous la lumière, aussi réfléchissants qu'un miroir. La lueur bleutée qui émane de l'édifice lui confère une atmosphère enchanteresse, comme tirée d'un conte de fées.
Alors qu'Etsuke s'approche des portes imposantes de l'auberge, il est brusquement arrêté dans son élan.
— Halte-là !
La voix sèche et autoritaire résonne tandis que l'un des deux gardes en faction s'avance pour lui bloquer l'accès. L'homme, robuste et bien entraîné, jauge Etsuke d'un regard dédaigneux, son expression trahissant une pointe de mépris. Son regard scrute chaque détail : l'armure légèrement ébréchée, les vêtements simples usés par le voyage, l'apparence générale qui ne correspond pas aux standards élevés de l'établissement.
— Désolé, mais cet endroit n'est pas vraiment pour vous, gamin. Allez voir plus bas, vous trouverez peut-être une auberge plus... adaptée à vos moyens.
Le ton est glacial, presque condescendant. Le garde se tient droit, bombant le torse pour accentuer son autorité. Etsuke le fixe, ses yeux se plissant légèrement, une lueur de fatigue mais aussi de défi se glisse dans son regard. Le jeune anélien se sent insulté, mais il parvient à contenir son irritation.
— Comment ça ? répète-t-il d'un ton plus grave.
Sa voix, habituellement calme, devient plus rauque, un signe de l'épuisement accumulé au fil de la journée. Le garde ne semble pas impressionné et affiche même un sourire en coin, comme pour le narguer.
— Je veux dire que tu n'as pas l'air d'un client pour ce genre d'endroit, réplique le garde avec une pointe de sarcasme. On ne laisse pas entrer n'importe qui ici. Retourne donc là où on sert les gens comme toi.
Etsuke serre les poings, l'exaspération montant en lui. Il n'a pas traversé cette ville labyrinthique pour se faire barrer la route par un simple garde imbu de son uniforme. Il sait qu'il ne doit pas perdre son sang-froid, mais la fatigue alourdit son esprit, et l'humiliation renforce son envie de répliquer. Pourtant, il reste planté là, car une odeur familière l'interpelle.
— Il suffit ! Laissez cet homme entrer, il a l'air épuisé, il mérite au moins un verre après cette honteuse prestation de votre part. Vous salissez la réputation de l'établissement avec votre comportement.
Une femme se tient majestueusement devant l'entrée de l'auberge. Son élégance est indéniable, avec une longue chevelure pourpre et des vêtements impeccables qui révèlent un soin de soi et un statut enviable. Sa présence autoritaire contraste fortement avec l'attitude désinvolte des gardes. Les deux hommes, visiblement déconcertés par sa réaction, se retirent rapidement, leurs visages trahissant une combinaison de confusion et de mécontentement.
— Veuillez me suivre, s'il vous plaît.
La femme tourne sur ses talons et se dirige vers l'intérieur de l'auberge, un geste invitant Etsuke à la suivre. Le jeune homme, soulagé par cette intervention, entre dans l'auberge. Le contraste entre l'atmosphère froide de l'extérieur et la chaleur accueillante du lieu est frappant.
— Je vous ai trouvé, dit Etsuke, ravi de revoir une amie. Si vous êtes ici, Sahava, cela signifie qu'il doit l'être aussi, non ?
La femme indique une porte en bois délicatement sculptée.
— Entrez dans cette salle, c'est le bar de l'auberge. Allez boire quelque chose et n'hésitez pas à utiliser les toilettes pour vous dépoussiérer.
— Attendez, j'ai besoin de le voir.
La femme se retourne, le léger tissu qui masque son visage du front jusqu'au nez laissant entrevoir un regard perçant.
— Nous avons à faire ici et peu de temps à vous consacrer. Prenez votre mal en patience et ne vous avisez pas de l'interrompre dans son entretien.
Etsuke entre donc dans le bar sans un bruit et s'approche du comptoir. L'ambiance chaleureuse et les clients détendus autour des tables élégantes contrastent fortement avec l'agitation et la frustration qu'il ressent. Il laisse échapper un soupir de soulagement, se sentant enfin en sécurité et prêt à se reposer après les péripéties de son voyage. Il s'assoit et demande au tenancier de venir vers lui.
— Un verre de liqueur de Fanensia, s'il vous plaît !
— Tout de suite, monsieur... tenez, et bonne dégustation.
— Excellent, comme toujours.
Etsuke appelle d'un geste de la main le barmen
— j'aurais une question à vous poser.
— Bien sûr, monsieur, je vous écoute.
— Avez-vous entendu parler d'un homme au pseudonyme ridicule de "Sabreur Solaire" ?
L'homme s'arrête un instant d'essuyer ses verres, puis reprend son activité.
— Pour quelle raison me demandez-vous cela ?
— Dites-moi ce que vous savez ! Et vite, s'il vous plaît !
— J'ai seulement entendu quelques rumeurs, dit-il à voix basse en se rapprochant légèrement de Etsuke.
— Ça fera l'affaire, je vous écoute.
— Il semblerait qu'un riche étranger, venant d'une grande organisation qui se fait appeler ainsi, ait récemment dépensé une grande somme d'aldris pour acheter une partie des dômes de verre dans le secteur nord, où se trouvent les plus grandes serres, en plus d'un des deux palais du même secteur. Certains riches de la ville voient ça d'un mauvais œil. Quand une nouvelle concurrence débarque, ils ont tendance à bomber le torse pour montrer leur fortune et leur influence. Je n'ai pas envie de m'attirer les foudres de l'un d'entre eux en vous en parlant. Il est actuellement ici à l'auberge, mais je n'en sais pas plus.
— Il est donc bien ici, et je sais où il va sûrement se rendre juste après, dit Etsuke en baillant, puis il s'endort sur le comptoir du bar, épuisé par sa journée.
Le temps passe, et lorsqu'il se réveille, le bar est désert, silencieux à l'exception du tenancier qui s'affaire à nettoyer les tables. Etsuke ressent un poids étrange dans sa main, comme si quelque chose y avait été déposé. Il se redresse péniblement et découvre une lettre pliée, posée délicatement dans sa main.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? demande-t-il en frottant ses yeux encore endormis.
— Une jeune femme a glissé cette lettre dans votre main pendant votre sommeil, explique le taulier en jetant un regard complice vers Etsuke. À vrai dire, j'ai cru un instant qu'elle allait vous gifler, vu le regard furieux qu'elle avait et l'agacement palpable dans ses gestes et sa voix.
Intrigué, Etsuke prend la lettre et l'ouvre avec précaution. Ses yeux parcourent les mots écrits avec une élégance raffinée :
Par la présente lettre, le seigneur Ashrilm Absham vous invite au Domaine du Soleil.
Un refus de cette invitation serait mal pris par votre hôte, alors ne tardez point.
Voici l'emplacement exact du palais.
Cordialement, Mademoiselle Sahava Absham
P.S. Votre comportement est exaspérant. Vous penserez à essuyer la bave qui se trouve sur le comptoir du bar de mon établissement.
Etsuke laisse échapper un sourire, amusé par la note en fin de lettre.
— Je vois qu'elle n'a pas changé. Ça fait plaisir, murmure-t-il en secouant la tête avec un sourire nostalgique.
Se levant enfin, il se dirige vers la sortie du bar. Il prend un moment pour apprécier le contraste entre l'agitation de la ville hier et le calme actuel alors que le soleil se lève. Etsuke sait maintenant où se rendre et se sent prêt à poursuivre sa quête avec un nouvel objectif en tête.
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