Chapitre 3: De l'ombre à la Lumière.
Fraichement reposé, sortant de l'auberge Etsuke se dirige vers le Domaine du Soleil, l'esprit affuté et le cœur légèrement soulagé, prêt pour la prochaine étape de son aventure.
Je devrais peut-être emprunter les ruelles de la ville inférieure, pense Etsuke. Il ne souhaite pas attirer l'attention des riches résidents de Ghalsah, surtout avec la récente agitation. Il se dirige discrètement vers le nord de la cité, où se trouvent les vastes serres et les résidences des plus fortunés. En s'enfonçant dans les labyrinthiques ruelles de Ghalsah, il croise un groupe de trois hommes dont l'attitude laisse à désirer.
Sans prêter attention à eux, Etsuke continue son chemin, mais l'un des hommes, manifestement ivre, lance une bouteille vide contre un mur. L'impact résonne dans l'allée étroite, et les éclats de verre volent en tous sens.
— Oh le gringalet, excuses-toi tout de suite ! clame l'un des hommes d'un ton menaçant.
— Tu as entendu, sac à puce ? ajoute un autre, s'avançant vers Etsuke avec une posture agressive.
— Je n'ai pas de temps à vous consacrer, rétorque Etsuke d'un ton ferme.
— Oh ça veut jouer les durs, hein ! se moque le troisième homme, qui, jusqu'ici, était resté en retrait.
— Oh là là, je tremble de peur. Plus sérieusement, j'ai à faire. Laissez-moi tranquille ou vous le regretterez. Les mots d'Etsuke sont clairs, mais sa détermination est palpable.
Le troisième homme, furieux, se précipite sur lui. D'un mouvement rapide, Etsuke esquive l'assaut et, profitant de l'élan de son agresseur, le projette violemment contre le mur. Un bruit sourd se fait entendre lorsque l'homme heurte le mur, perdant quelques dents dans l'impact.
— Sale cabot, je vais t'exploser ! gronde l'un des deux homme encore conscient, tandis que la tension monte dans l'air.
Malgré le vacarme ambiant, une faible voix étouffée parvient aux oreilles d'Etsuke. Il tourne la tête et aperçoit, derrière les deux truands, un enfant à demi-conscient, enfermé dans un sac en toile. La tête de l'enfant est couverte de bleus et de contusions.
— Aidez-moi... kof kof ! murmure le petit avec une voix brisée.
— Hmm, moi qui ne me mêle jamais des problèmes des autres d'habitude, je ne peux pas laisser passer ça cette fois-ci.
Etsuke face à l'atrocité de la situation s'enflamme..
— Qu'est-ce que tu as dit, le clebs ? ricane l'un des hommes, tandis qu'ils continuent de s'acharner sur l'enfant.
— Qu'avez-vous fait à cet enfant ? demande Etsuke, son regard se durcissant.
— Quel enfant ? Oh... Tu parles de ce débris ? Je ne le qualifierais même pas d'être vivant, juste un bout de chair bon à racler les chiottes, Hahaha ! répond l'un des hommes avec un rire cruel, avant de frapper l'enfant.
— Aidez-moi... Argh ! supplie le petit.
— Ferme-la, tas de merde ! hurle l'agresseur en frappant de nouveau l'enfant, sa rage éclatante.
Les yeux d'Etsuke s'embrasent de colère. Il dégaine sa lance avec une détermination froide et se rue vers les trois hommes, qui sont pris de court. D'un mouvement précis, il assomme l'un des hommes d'un coup net. Avec une agilité fluide, il prend appui contre le mur, puis plante sa lance dans la jambe du second, qui hurle de douleur. L'homme s'effondre au sol, sa douleur résonnant dans la ruelle.
Sans perdre un instant, Etsuke saisit le sac contenant l'enfant et prend ses jambes à son cou. Il court à travers les ruelles labyrinthiques, son cœur battant à tout rompre, chaque pas résonnant comme un tambour dans la ville encore assoupie. Après plusieurs minutes d'efforts, il arrive enfin au bout de la ruelle et reprend son souffle, tout en accélérant le pas en direction des serres du secteur nord.
— Aller, j'y suis presque. Plus qu'à trouver le palais ! murmure-t-il pour lui-même, se concentrant sur son objectif.
Après quelques minutes de marche, Etsuke aperçoit enfin les immenses dômes de verre des serres du secteur nord. Ces structures imposantes, aux contours scintillants sous la lumière, abritent une profusion de plantes venues des quatre coins du monde. Elles sont cultivées pour embellir les jardins des plus riches habitants de la ville.
À l'approche, Etsuke s'arrête net, le souffle coupé. La grandeur du palais qui se dresse devant lui le laisse ébahi. C'est un édifice majestueux, entièrement blanc, orné de dorures éclatantes et entouré de centaines de plantes grimpantes qui enserrent les murs comme une végétation luxuriante.
— Combien a-t-il dû débourser pour tout cela ? Même une décennie de salaire à la G.U.I.L.D ne suffirait pas à couvrir une telle dépense, pense-t-il, la bouche légèrement entrouverte d'étonnement.
Il appelle alors, sa voix résonnant dans l'immensité du lieu :
— Hé ! Il y a quelqu'un ?
Les portes menant au jardin du bâtiment s'ouvrent lentement, révélant un espace si dense qu'on se croirait dans une véritable forêt tropicale. Les arbres et les plantes exotiques, parsemés de fleurs aux couleurs vives, créent un paysage verdoyant et enivrant. En avançant, Etsuke est enveloppé par l'arôme des fleurs, contrastant avec la froideur de l'extérieur. Une fois au bout du jardin, il pousse les portes du palais, et une lumière éclatante jaillit de l'intérieur, l'aveuglant momentanément.
— BIENVENUE... Bienvenue... mon cher ami, au Domaine du Soleil !
Derrière les portes se tient Ashrilm Absham, un jeune homme à la stature noble, aux cheveux noirs comme la nuit et à la peau mate. Ses vêtements, blancs et noirs ornés d'or, reflètent la lumière, accentuant son aura de grandeur.
— Ashrilm ! Ravi de te voir, mais avant tout, aide-moi, j'amène un blessé.
— Ça a l'air grave ! Sahava, viens vite et prends en charge cet enfant. Amène-le dans une chambre et soigne-le bien, s'il te plaît.
Sahava arrive en courant, vêtue d'une robe blanche élégante mais simple, qui contraste avec son apparence formelle habituelle. Son regard, désormais découvert, dégage une chaleur et une sollicitude infinies. Elle prend en charge l'enfant, emportant avec elle l'écho de ses pas précipités dans le couloir. Les deux amis, enfin réunis, restent seuls dans le hall d'entrée du palais.
— Alors comme ça, tu es venue me rendre visite ? Quelle attention, surtout venant de toi, remarque Ashrilm avec un sourire amusé.
— J'avais juste besoin de parler. Autant aller voir quelqu'un qui sait écouter, répond Etsuke, la fatigue perceptible dans sa voix.
— Tu aurais surtout besoin de te laver, plus que de parler. La salle de bain la plus proche se trouve au fond de l'aile droite. Je vais te chercher des vêtements plus confortables.
Ashrilm lui fait un geste indicatif vers la salle de bain, et Etsuke se dirige vers elle avec soulagement. La chaleur et le confort du lieu lui sont les bienvenus après une matinée si courte et déjà si intense. Pendant ce temps, Ashrilm, avec une expression de préoccupation sincère, se dirige vers une autre partie du palais pour préparer les vêtements que son ami pourrait apprécier.
En entrant dans la salle de bain, Etsuke est immédiatement saisi par l'immensité de la pièce. Le bain central, spectaculaire et presque monumental, est entouré de marbre poli qui reflète la lumière douce et verdoyante du vitrail au plafond. Ce vitrail, riche en couleurs émeraude et jade, diffuse des motifs hypnotiques sur les murs et l'eau, créant une ambiance presque surréaliste. L'eau du bain, infusée de cannelle, dégage un parfum enivrant qui se mêle à l'arôme des bâtons d'encens disposés ça et là. Bien que l'atmosphère soit profondément relaxante, l'odorat surdéveloppé d'Etsuke perçoit une surcharge olfactive qui lui rappelle la tension de ses récentes expériences.
Toc toc toc. Des coups discrets frappent à la porte de la salle de bain, rompant la tranquillité du moment.
— Alors, on se sent mieux, n'est-ce pas ? » La voix d'Ashrilm, douce mais ferme, se fait entendre. « J'ai laissé tes nouveaux vêtements devant la porte. Rejoins-moi dans le hall quand tu seras prêt. »
Etsuke émerge du bain, secoue son corps avec une rapidité instinctive pour chasser les gouttes d'eau, puis s'essuie avec soin. Il enfile les vêtements que Ashrilm a préparés pour lui : une tenue élégante en noir et blanc, aussi légère que ses anciens habits mais visiblement plus robuste, accompagnée d'une paire de bottes impeccables, d'une ceinture ornée, et d'une écharpe en soie bleue, dont les reflets vibrants ajoutent une touche de sophistication. Prêt et parfaitement propre, il se dirige vers le hall pour retrouver Ashrilm.
— Te voilà, » déclare Ashrilm avec un sourire satisfait. « Suis-moi. »
— Avec la taille démesurée de ce palais, je suppose que tu as encore épuisé tes économies ? » Etsuke lance, mi-curieux, mi-amusé.
— Non, pas cette fois. J'ai négocié avec une propriétaire terrienne de la cité. Le palais était le sien ; elle m'a proposé un prix intéressant pour lui et pour la moitié des serres qu'elle possédait, car elle souhaite partir à la retraite sur une île qu'elle envisage d'acheter. Finalement, j'ai réussi à acquérir le tout pour environ huit millions d'aldris. »
— C'est incroyable ! Ton père est-il décédé et tu as hérité de cette somme ? »
— Non, il est en parfaite santé. En fait, il a vendu les droits d'exploitation d'une de ses mines au Xīng guó. C'est avec cet argent que j'ai pu réaliser la transaction, mais uniquement dans le cadre de ma mission. Allez, viens te reposer dans mon bureau ; nous avons besoin de discuter. »
Ashrilm conduit Etsuke jusqu'à son bureau, un espace élégant décoré avec soin. En entrant, il invite son ami à prendre place dans un canapé luxueux, aux coussins en velours qui invitent à la détente.
— Tu veux boire quelque chose ? Ou peut-être manger quelque chose ? »
— Un thé serait parfait, et si tu as des racines de sèlve confites, j'en prendrai volontiers. »
Ashrilm s'éclipse brièvement pour préparer le thé, laissant Etsuke se détendre un moment. La chaleur du thé et les douceurs apportent un réconfort bienvenu après le voyage éprouvant.
— Tiens ton thé et tes confiseries. Alors, qu'est-ce qui t'amène, mon cher ami ? »
Etsuke prend une gorgée de thé, la chaleur se répandant dans sa poitrine, et regarde autour de lui avec une expression troublée.
— Ça recommence. Ces maudits cauchemars sont revenus et... »
Le jeune homme se crispe, serre le poing avec une intensité qui trahit sa détresse, puis respire profondément pour tenter de se calmer. D'ordinaire stoïque, il semble aujourd'hui gravement affecté, ce qui surprend Ashrilm qui le regarde avec une inquiétude palpable. Le changement de comportement d'Etsuke le laisse bouche bée.
— Tu m'avais pourtant dit que tu avais suivi une thérapie pour chasser tes traumatismes. »
— La thérapie n'a pas vraiment fonctionné. J'ai dû faire avec, mais maintenant c'est trop. Parfois, je fais des crises où je panique de manière incontrôlable pendant mon sommeil. » Il détourne le regard, comme s'il cherchait à cacher la profondeur de son trouble.
— Calme-toi et explique-moi tout depuis le début. »
— D'accord. Ça a commencé il y a un mois, juste après que j'ai pris mes congés à La G.U.I.L.D. Je suis rentré dans ma planque après six mois de travail intensif, espérant enfin me reposer et savourer une période tranquille. Mais dès les premiers jours, j'ai eu un pressentiment désagréable. Au bout d'une semaine, le bruit constant des vouivres alpines qui habitent les environs de ma planque s'est soudainement arrêté. Le calme était devenu oppressant. J'ai mené une enquête, mais je n'ai trouvé rien d'anormal. Cependant, cette tranquillité suspecte m'a mis sur les nerfs, et c'est à ce moment que les cauchemars sont revenus, ceux où j'ai laissé Ahketaka à son triste sort. »
— Tu sais bien que tu n'as rien fait de mal. Il t'a demandé de fuir, et tu l'as écouté. »
— Je sais... je sais. Mais j'étais tellement stressé que j'ai quitté ma planque pour retourner à La G.U.I.L.D. et prendre un aéronef en direction de la capitale, l'archipel de Bonasiero, espérant changer d'air. J'y suis resté trois jours, mais au troisième jour, lors d'une promenade nocturne sur les quais, j'ai entendu des personnes me chercher. »
— Tu as fait une bourde à Portasas ? »
— Non ! Je me suis caché dans un bateau amarré aux quais. Quand les recherches se sont éloignées, je suis sorti discrètement et j'ai vu Gort Draka, mon ancien mentor. Il a retrouvé ma trace et me cherche. C'est un mauvais signe, j'en suis certain ! Depuis, j'ai traversé l'océan Atlente et le désert d'ivoire pour arriver ici, après avoir appris que tu étais en mission. »
— Tu as fait un voyage impressionnant. Je suis heureux que tu sois venu chercher mon aide. J'aiderai toujours mes amis, même si je ne sais pas encore ce que Gort Draka te veut. Pour tes traumatismes, je ne suis pas certain de ce que nous pouvons faire... »
Sahava entre brusquement dans le bureau, l'air inquiet, interrompant la discussion.
— Monsieur Ashrilm, désolée de vous interrompre, mais cette enfant n'est pas ordinaire. »
— Comment ça ? »
— Elle porte un bracelet d'esclaves ! »
Ashrilm se lève immédiatement, posant une main réconfortante sur l'épaule d'Etsuke.
— Etsuke, il semble que ta visite soit guidée par le destin, car tu as apporté exactement la preuve dont j'avais besoin. Sahava, retire-lui le bracelet. Nous partirons après avoir terminé ici. »
— Entendu, monsieur. »
— Tu as besoin d'aide, mais en échange, j'aimerais que tu me rendes un service. »
— Hmm ! Si c'est le seul moyen d'obtenir ton soutien, je suis bien obligé. »
— Merci beaucoup, Etsuke. Allons rendre visite à notre invité spécial. »
Les deux amis montent à l'étage pour rejoindre la chambre occupée par la jeune fille sauvée par Etsuke. En entrant dans la chambre, Ashrilm s'avance vers elle avec une expression à la fois douce et sérieuse.
— Bonjour, petite. Est-ce que tu vas un peu mieux ? Peux-tu nous dire ton nom et d'où tu viens ? »
La jeune fille, d'une voix fluette et tremblante, répond :
— Je m'appelle Helga, je viens de Sveljön. »
L'expression d'Ashrilm change instantanément. Son visage, autrefois lumineux, se durcit brusquement, affichant une colère à peine dissimulée.
— D'accord, repose-toi maintenant. Tu es en sécurité ici, tout comme toi, Etsuke. Je vais devoir m'absenter. Je reviendrai dans la nuit. Repose-toi, et quand je reviendrai, nous discuterons du service que j'ai à te demander. »
— Je t'attendrai alors ! »
— Monsieur Etsuke, veuillez me suivre vers votre chambre. »
— Nous sommes entre amis, Sahava, et tu n'es pas mon assistant. Entre anéliens, nous pouvons nous parler normalement. »
— Entendu, mais vous devez d'abord accepter votre défaite, suite à notre combat amical au corps à corps durant notre formation à La G.U.I.L.D. »
Etsuke reste silencieux, son visage se tendant en une grimace contrariée.
— Ça ira finalement. »
— Votre égo en est toujours blessé, je suis navré. Mais je ne m'exprimerai pas différemment avec vous, mon ami. »
Ainsi, Ashrilm quitte le palais pour des raisons encore mystérieuses. Etsuke, muet, se dirige vers sa chambre pour se reposer après son long voyage. Pendant ce temps, Sahava, avec un sourire rassurant, continue de s'occuper d'Helga.
Une fois dans sa chambre, Etsuke s'effondre sur son lit, essayant de se détendre pour trouver le sommeil. Après plusieurs minutes de tourments et de retournements agités dans son lit, il finit par s'endormir, plongeant une fois de plus dans les abysses de ses cauchemars.
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