Deux jours s’écoulent. Deux jours où le palais reste tranquille, silencieux, marqué seulement par les éclats de rire d’Helga, courant partout dans les couloirs, poursuivie joyeusement par Sahava. Les heures s’étirent comme si le temps lui-même était ralenti. Etsuke, enfermé durant la journée, ne sort que la nuit, et chaque soir, le bruit sourd de la porte principale retentit à travers le bâtiment.

Ce matin-là, alors que le soleil se lève à peine, un bruit doux de porte, suivi d’une voix forte et enjouée, résonne dans tout le palais.

— Bonjour à tous ! Je suis rentré ! lance Ashrilm d’une voix enjouée qui tranche avec la quiétude ambiante.

Sahava, qui attendait son retour, s’approche, un grand sourire aux lèvres.

— Bon retour parmi nous !

Helga, un peu timide, s’avance à son tour pour saluer Ashrilm, qui, la voyant en pleine forme, se penche doucement et lui caresse la tête.

— Il semble que tu t’es bien remise de tes blessures. C’est superbe, dit-il d’un air soulagé.

Puis, son regard se tourne vers Sahava.

— Et lui, comment va-t-il ? demande-t-il.

Sahava soupire doucement.

— Il va bien, mais il ne sort que la nuit, très tard, et sans un mot. Il semble vouloir éviter toute conversation, explique-t-elle.

— Hmmm, je vois. Je te félicite pour ton travail auprès d’Helga. Moi, je vais aller voir notre collègue. Il est temps que l’on ait une petite discussion, lui et moi, dit-il en se dirigeant vers la chambre de celui-ci.

— Bonjour Etsuke, tu as un moment ? dit-il d’une voix très sérieuse.

— Waouh, tu prends ton air sérieux comme s’il s’était passé un truc grave. Tu pourrais au moins me raconter ton petit voyage, dit Etsuke d’un ton désinvolte.

— J’ai passé les deux derniers jours à rassembler une équipe pour démanteler le marché nocturne. Pendant ce temps, qu’as-tu fait d’utile ? réplique Ashrilm sèchement. Tu n’as rien fait, rien à part sortir la nuit pour vagabonder dans la ville, c’est ça ?

— Pas vraiment.

— Alors, qu’est-ce que tu faisais ? demande Ashrilm, l’impatience transparaissant dans sa voix.

— Ça ne te regarde pas ! Puis à quoi ça te servirait de savoir ce que je fais de mes nuits ?

Ashrilm serre les poings, tentant de garder son calme.

— Cela prouverait que tu comprends l’urgence de la situation. Tu devais retrouver les trois hommes possédant les pass. Sans eux, nous n’avons aucune chance de nous infiltrer dans le marché noir !

— Ah merde, j’avais complètement oublié ! s’exclame Etsuke, feignant l’ignorance.

Ashrilm prend une grande inspiration, puis expire. Il ferme les yeux un instant, maîtrisant sa colère. Il se souvient du temps où Etsuke était quelqu’un de fiable et dévoué, avant l’incident dans la forêt des Obscurcies.

Depuis ce jour, il est devenu désinvolte et passif. Même s’il reste travailleur, il n’a plus cet esprit vif ni la concentration pour lesquels Ashrilm l’estimait beaucoup.

— Écoute, tu étais quelqu’un sur qui je pouvais compter. Mais là… tu sembles ailleurs, et tu te comportes comme un abruti.

— Excuse-moi, j’ai été préoccupé par autre chose ces derniers temps, et cela n’était plus ma priorité. Mais je vais me concentrer sur ta mission, c’est promis.

Ashrilm inspire profondément, un peu apaisé par cette promesse.

— Très bien. Je sais que tu traverses des moments difficiles. Mais cette mission est cruciale. Il s’agit de sauver des enfants, Etsuke. Je ne peux pas échouer. Nous ne pouvons pas échouer. Mais si tu veux mon aide, tu dois d’abord m’aider. C’est notre accord : respecte-le ou laisse tomber.

— C’est bon, je vais me concentrer sur ta mission.

Ashrilm inspire et expire de nouveau pour se calmer.

— Désolé si je suis un peu tendu. Ce soir, je viendrai te chercher. Prépare-toi, l’opération commence.

Ashrilm se dirige vers la sortie de la chambre, un peu frustré, mais avant qu’il ne ferme la porte, Etsuke l’interrompt.

— Je m’excuse aussi pour avant. Je n’aurais peut-être pas dû m’exprimer de manière aussi irrespectueuse.

— Je ne t’en veux pas, ne t’en fais pas. À tout à l’heure.

Etsuke s’assoit sur son lit et reste enfermé toute la journée, préparant son équipement. Ses pensées tourbillonnent, un mélange de culpabilité et de détermination l’envahit. Il décide de passer les quelques heures qu’il lui reste à méditer tranquillement pour se concentrer en attendant qu’Ashrilm vienne le chercher.

Aux alentours de deux heures du matin, des coups discrets résonnent à la porte d’Etsuke. Il ouvre, découvrant Ashrilm, armé et prêt à agir, une lueur de détermination dans les yeux.

— Suis-moi, dit Ashrilm d’une voix basse.

Etsuke acquiesce silencieusement et suit Ashrilm jusqu’au hall, où une dizaine de personnes les attendent, toutes issues du relais de la G.U.I.L.D. Ashrilm se place devant eux, l’air grave.

— Merci à tous d’être ici. Ce soir, nous avons une mission capitale. Nous allons infiltrer et démanteler le marché nocturne. Voici le plan, dit-il en s’adressant au groupe.

En premier lieu, nous allons nous déplacer avec tout le matériel vers le nord, proche du marché, pour y installer un camp près d’une galerie qui mène vers l’intérieur de cette immondice. Tout ceci dans l’optique de pouvoir rester proches durant toute la durée de l’opération, qui devrait prendre, dans le pire des cas, quatre jours.

Mon second pour la durée de l’opération, Etsuke Okaena, ici présent, ira chercher les pass qui nous seront nécessaires à l’infiltration.

Il leur expose la stratégie : deux groupes, l’un chargé d’installer un camp sécurisé pour accueillir les enfants prisonniers, l’autre composé de duos, qui s’infiltreront discrètement dans le marché pour recueillir des informations et trouver un moyen de détruire les galeries une fois l’opération terminée.

— Nous devrons être rapides et efficaces ! Cette opération doit être un succès absolu pour le bien des victimes du marché.

Allons-y, le convoi avec tout le matériel nous attend à la sortie Est de la ville.

— Etsuke, tu es chargé de récupérer les pass le plus vite possible. C’est une tâche cruciale. Sans ces pass, nous n’entrerons jamais dans le marché. Tu sais quoi faire, dit Ashrilm en le fixant du regard.

— Je vais m’en occuper, répond Etsuke d’un ton sérieux.

— Ne me déçois pas. Nous avons absolument besoin de ces pass. Sois prudent, nous nous verrons demain.

— Si tout se passe bien.

Ashrilm hoche la tête, satisfait, puis se tourne vers le reste du groupe.

— Allons-y. Le convoi nous attend à la sortie Est de la ville. Soyez prêts.

Le groupe se met en marche, se dirigeant vers les vieilles galeries au nord de Ghalsah, pendant qu’Etsuke part de son côté, prêt à accomplir sa mission.

— Bon, à l’intention de tous : je veux que le camp soit monté et camouflé d’ici ce soir. Que chaque personne se charge d’un préparatif qu’elle maîtrise. Les jumeaux, vous vous occupez de la cahute. Les chasseurs, vous allez faire un repérage des lieux avec Evaal du corps d’expédition. S’il y a une créature dangereuse, vous devez l’abattre. Je ne veux aucune perturbation durant l’opération. Claire, une fois la cahute construite, utilise ta maîtrise pour nous créer des camouflages en sable et en roche. Sois précise : cela doit paraître plus que naturel.

Sous les ordres d’Ashrilm, le groupe se met instantanément en œuvre, et dans une harmonie parfaite, comme des virtuoses créant une œuvre d’art, le camp et ses camouflages sont érigés en un temps record et sont imperceptibles à longue distance.

Du côté des explorateurs qui parcourent les environs, tout semble bien se dérouler, mais un léger contretemps se dessine à l’horizon.

— Par ici, chuchote-t-il. Il y a un problème.
Le groupe d’éclaireurs s’arrête, suivant le regard d’Evaal.

— Qu’est-ce qu’il y a, Evaal ?

— Au fond de ce couloir, il y a une oasis. C’est le nid d’un dumorgh.

— Quoi ?! s’étonne l’un des explorateurs, tentant de rester calme.

— Chut, il dort. Mais s’il se réveille, cela pourrait compliquer notre mission. Nous devons en parler avec Ashrilm. Retournons au camp, propose Evaal.

— Combien sont-ils dans le nid ?
— Un adulte. D’après son plumage, je dirais que c’est un mâle.
— Comment ça, "un adulte" ? Il y a des petits ?
— Oui, un seul… et un œuf.
— La chasseresse a raison. Retournons au camp le plus vite possible.