Chapitre 17: Une mauvaise nouvelle et Ultime chance.
La nuit s’étire sur le camp, paisible en apparence. Pendant que le duo est parti cartographier les points clés de la mine pour planifier la capture des marchands et le sauvetage des enfants, les membres du groupe restés à la base s’entraînent, lisent ou bricolent sous la lumière vacillante des lampes à éthéline. Des rires étouffés s’échappent d’un coin où deux membres jouent à Triad, un jeu de plateau populaire, avec concentration. L’atmosphère reste tendue, mais chacun tente de garder son esprit actif.
Etsuke, partiellement remis et enfin debout, sort lentement de la cahute. Ses jambes sont encore un peu lourdes, mais son souffle est calme. Il inspire profondément l’air sec du désert. Il s'arrête, fixe l’horizon.
Là-bas, dans le lointain, la lumière qui s'échappe de l’œil de la mine s’estompe peu à peu, comme avalée par la nuit elle-même.
Ashrilm, assis un peu plus loin, regarde lui aussi dans cette direction à l’aide de sa longue-vue. Il fronce les sourcils.
— Quelque chose ne va pas. C’est trop tôt.
Puis il se lève brusquement.
— Ils arrivent, dit-il, inquiet.
Tous les regards se tournent. Deux silhouettes courent comme des dératés dans le sable, bondissant plus qu’elles ne marchent. Shef et Rauko. Ils arrivent en ligne droite, visages tirés, haletants, les yeux écarquillés. Leur souffle est court, haché.
Ils pénètrent dans le camp à toute allure.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? interroge immédiatement Ashrilm.
— On a été repérés, lâche Rauko en s’agenouillant, les mains sur les cuisses. Pas directement… mais quelque chose a dérapé. Un môme… un des esclaves est un Amël. Il a tué l’homme qui l’a acheté.
Shef poursuit, la voix grave :
— On n’a pas eu le temps de finir la mission. Ils allaient abattre le gosse. On est intervenus. C’était plus fort que nous. L’enfant s’est enfui quand nous ne regardions pas, et le marchand a alerté tout le marché. Personne ne nous a vus assommer les assaillants du petit, mais nous devions partir avant de nous faire attraper.
Le silence tombe d’un coup, lourd, pesant.
Certains échangent des regards inquiets. D’autres murmurent. Le plan semble compromis. Ils devaient tout cartographier, chaque entrée, chaque recoin. Maintenant, ils sont peut-être repérés. Ils ont peut-être fait tomber à l'eau l'opération entière.
— Merde, souffle quelqu’un.
Ashrilm reste debout, immobile, les bras croisés. Il réfléchit, vite. Il sait que paniquer ne servira à rien. Mais les chances de succès viennent de chuter.
C’est alors que Nahel, le plus jeune du groupe, s’avance, un peu hésitant.
— Je… j’ai peut-être une idée, dit-il en regardant Ashrilm droit dans les yeux.
— On t’écoute, répond ce dernier.
— Avec Chile, quand on était sur la crête pour surveiller les environs… On a aperçu ce qui pourrait être un campement caché derrière, au nord d’ici. Il y avait, en plus de quelques tentes, une carriole dissimulée, et ce qui pourrait être des cages, couvertes de tissus. De ce qu’on a observé, il y avait très peu de mouvement. C’est peut-être là qu’ils se cachent durant la journée. Si c’est le cas, on pourrait y aller en plein jour, les surprendre pendant leur repos. Ils ne s’attendent pas à être attaqués dans leur camp. On pourrait frapper fort, vite, pendant qu’ils sont vulnérables.
Un murmure court dans le camp. C’est risqué, peut-être suicidaire. Mais c’est aussi une chance de retourner la situation.
Ashrilm ne dit rien pendant quelques secondes. Puis il hoche lentement la tête.
— Préparez-vous. On partira avant l’aube. Evaal, Etsuke, venez avec moi. J’ai besoin de vous.
À l’écart du camp, Ashrilm, les bras croisés, rumine. Il s’agaceil n’a pas l’habitude d’échouer.
Un air légèrement amusé, Etsuke s’approche de lui et pose une main sur son épaule.
— C’est quoi le plan ?
— Je n’ai pas d’idée pour une fois, j’ai besoin d’aide.
— Alors, comme ça notre stratège perfectionniste doute de ses talents ?
— Bien sûr que non.
— Je suis sûre que tu as quelque chose en tête. Mais tu as peut-être peur que ton plan ne soit pas la meilleure solution.
— Je prends toujours les meilleures décisions. Je ne regrette aucune de mes stratégies, aussi lâches ou risquées puissent-elles être.
— Ne dites pas cela, Ashrilm. S’il y a bien une personne qui trouve toujours le plan juste à chaque mission, c’est vous.
— Tu as tort, Evaal. Ce qui m’importe vraiment, c’est la réussite. Rien d’autre.
— Il a toujours été comme ça, d’aussi loin que je le connaisse. Durant notre formation, il a dominé tous les membres, y compris ceux des autres groupes d’entraînement.
Il s’adapte à tout, et peu importe la manière de réussir, il s’y donnait à fond.
— Je vois où tu veux en venir, Etsuke.
— Alors fonce. C’est pas ton genre de te laisser dépasser par les imprévus.
Ashrilm soupire, puis, un sourire fier sur le visage, redresse les épaules, regonflé.
— Parfait. Alors voici comment nous allons agir.
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