Chapitre 18: Un espoir en Enfer.

3 minutes de lecture

Le camp est silencieux.
Seuls le souffle du vent et le son aigu d’un chiffon frotté avec hargne sur du métal enveloppent les lieux. Devant une tente mal montée, un homme est accroupi en face d’un tapis crasseux. Il frotte, polit nerveusement une série de bijoux étalés en vrac : colliers, bracelets, bagues finement ouvragées. Tous volés, tous sales, certains encore couverts du sang séché de leurs propriétaires, qu’il n’arrive pas à faire partir.

— Bordel de merde, grogne-t-il en crachant par terre après s’être raclé la gorge. On ne nous refile que de la camelote dégueulasse, récupérée à la barbare maintenant.

Il balance le chiffon, agacé, et attrape un diadème dont une gemme est fendue.
Le ciel au-dessus est gris depuis deux jours. Une nappe de nuages lourds et bas recouvre la région, étouffant la lumière. Il ne fait pas encore nuit, mais on le croirait presque. L’air est chargé, électrique, comme avant un orage.
Une bourrasque traverse le camp, sèche et violente. Elle soulève poussière, sable et couverture.
L’une des bâches, mal fixée sur une cage dans un coin du camp, s’envole à moitié. Dessous, des yeux s’ouvrent. Une demi-douzaine d’enfants sont enchaînés à même le sol, entassés, trop maigres pour se plaindre. L’un tousse faiblement, sans force.

— Putain, Khadir ! hurle l’homme sans même tourner la tête. KHADIR ! Ramène ton cul, fainéant ! La couverture s’est barrée, j’vais pas aller la remettre moi-même !

Il crache de nouveau, sans même lever les yeux.

— Oui, m’sieur, je vais m’en occuper.

Le marchand jette le diadème qu’il tient sur le jeune homme.

— TOUT DE SUITE ! Et je te jure, si elle bouge encore celle-là, je t’en fous une. Tu rangeras ce coin après.
— À vos ordres !

Khadir, sous pression, se démène pour éviter de se faire maltraiter plus qu’il ne l’est déjà.

— Khadir par-ici, Khadir fais ça, je vais te péter les doigts, Khadir... Que quelqu’un me sorte de ce cauchemar, marmonne-t-il alors qu’il essaye maladroitement de remettre la bâche sur la cage.

À l'intérieur, la peau sur les os, une odeur pestilentielle imprégnant leurs vêtements en lambeaux, sont affalées six jeunes âmes, le regard vide. Cette vision, à laquelle il s’est habitué, le ronge mentalement.
Un des enfants, allongé au fond de la cage, lève les yeux.
Le jeune homme serre les dents, se sentant coupable de ne rien tenter pour les aider.
Il glisse sa main dans son sac et en sort un papier dans lequel se trouvent quelques biscuits. Il le jette dans la cage tout en simulant un éternuement.

Khadir referme la bâche à la hâte, puis jette un coup d’œil autour de lui. Il connaît ce camp mieux que quiconque. Chaque clou rouillé, chaque planche bancale. Il pourrait y circuler les yeux fermés. Il respire un grand coup. Cette fois, il va tout risquer. Mais pour quoi ? Pour qui ? Pour ces enfants ? Pour ce garçon au regard vide qui vient de le regarder, en serrant un chiffon comme si c’était un trésor ?
Il recule. Une main froide se referme sur sa bouche. Il veut hurler. Puis il entend la voix. Calme. Menace et promesse mêlées.

— C’est gentil de ta part. Si tu m’aides, je te laisse en vie. Alors, qu’en dis-tu ?

Le jeune homme hoche la tête.

— Bien. Très bien. Pointe-moi les tentes où se trouvent les marchands.

Il s'exécute rapidement, des perles de sueur s’écoulant le long de son front, les jambes tremblantes.

— Je vais te lâcher. Si tu fais quoi que ce soit, n’espère rien et prie pour ton âme.

Hochant la tête une fois de plus, il finit par être libéré. Son regard toujours bloqué vers le sol, ayant peur pour sa vie. Puis, déterminé, il dit :

— Je ne peux pas partir maintenant. Je… je dois faire quelque chose. Pour eux.

L’homme derrière lui ne dit rien, il se redresse.

— Je te donne une chance, pour cet élan de courage.

Khadir sort de son sac un trousseau de clés et le pose derrière lui.

— Hmm… voilà une excellente réponse. Si tu le souhaites, j’ai un marché à te proposer : pars d’ici en vitesse et va te cacher derrière la crête. Je t’y retrouverai.

Tel un chat terrifié, il se carapate à une vitesse folle vers le lieu indiqué, les yeux en larmes.

— Tu es toujours aussi talentueux pour mettre la pression, Ashrilm.
— Tais-toi, et tire les fumigènes vers les tentes qu’il nous a indiquées, dit-il en enfilant un masque.
L’opération commence.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire K.S.S ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0