Chapitre 1
J’ai toujours été nyctophobe !
J’ai peur du noir, je ne peux pas dormir seul dans le noir, ça me met dans un état de détresse. Pourtant, en ce moment, je suis dans le noir, enchaîné sur un lit qui me ronge le dos. J’ai toujours été un maniaque de la propreté et me voilà plusieurs jours sans avoir un bain. Mes bras sont las de ne pas pouvoir bouger, je sens des courbatures comme si j’avais fait du sport intensif soudainement. Ma gorge est sèche, mes lèvres presque craquelées, mais où diable suis-je ? J’aimerais trop sortir d’ici, je donnerais tout pour un petit moment à la plage pour ces beaux jours, un petit moment seul, rien que moi, mes musiques rétro et un sandwich aux œufs à la main. J’adore rêvasser dans une tentative désespérée d’évacuer les douleurs, ce n’est vraiment pas efficace, mais c’est une sorte de refuge… Pour mon âme !
J’entends les cliquetis de la serrure, elle arrive. Mon cœur s’accélère. Jamais je n’aurais cru qu’un jour mon cœur battrait ainsi pour une femme, et pas par amour, mais par peur. Elle ne me fait pas peur physiquement ; c’est son instabilité mentale qui m’effraie, car ce genre de personne n’a plus la notion de la limite.
— Je suis arrivée, chéri ! s’écria-t-elle.
Rien qu’en entendant sa voix, presque timide, j’en ai des frissons. Ce sont toujours ceux qui paraissent les plus vulnérables qui sont en fait les plus dangereux.
Elle allume la lumière. Une déflagration aveuglante transperce l’obscurité, lacérant mes rétines. Mes yeux se ferment sous la douleur, suppliant le répit que ce même noir, pourtant si redouté, aurait pu m’offrir.
Je dirige mon regard vers son visage, qu’elle découvre en enlevant sa capuche. Elle me regarde avec admiration, avec ses lunettes trop larges pour son visage. Ses yeux, s’ils pouvaient manger, m’auraient dévoré. Elle donne l’apparence de ces élèves modèles au lycée, mais j’ignore par quel malheur elle en est arrivée là.
En tout cas, j’ai bien compris une chose : hurler à l’aide ne me sera d’aucune utilité, déjà essayé, sans résultat. Plus les jours passent, plus je m’affaiblis. Je dois être plus stratégique.
J’essaie d’esquisser un sourire, je sais que c’est ce qu’elle voudrait. Je suis conscient que je ne suis pas dans mes meilleures formes, mais bon, essayons quand même.
— Je… Je t’attendais, articulai-je difficilement.
— Ça alors ! Quel changement soudain ! Tu me souris et tu me dis que tu m’attendais ?
Elle avance et s’assied sur le côté du lit. Elle penche légèrement comme si elle scrutait la moindre micro-expression sur mon visage.
— Tu m’as manqué, dis-je essayant d’avoir un air convaincant.
— Tu n’essayerais pas de m’embobiner par hasard ? dit-elle en ricanant.
— Non. Je suis sérieux.
— Nous savons tous les deux que tu ne l’es pas… Je suis déjà assez majeure pour comprendre que les miracles n’existent pas. Comme le disait ma mère, on n’obtient pas ce qu’on veut dans la vie, on obtient juste ce qu’on mérite.
— Je… Je te comprends parfaitement… C’est sincère… Et ta mère a raison… Elle devait être une personne très agréable.
Elle regarde dans le vide un long moment, comme si elle s’était égarée dans ses pensées. Soudainement, elle me regarde de nouveau.
— Tu dois penser que je suis une mauvaise personne, non ? Je ne suis pas mauvaise, je veux juste ma part de bonheur et ce bonheur, c’est toi, Ange !
Je frissonne en l’écoutant. Elle avait une manière anormale de prononcer mon prénom, comme si elle le prononçait avec délicatesse, comme si c’était quelque chose de fragile dont elle devait se protéger.
— Tu n’es pas une mauvaise personne. Tu ne fais pas les choses comme il faut, c’est tout. Je peux t’aider ! Dis-moi juste la raison qui te pousse à faire tout ça et je t’aiderai à avoir ce bonheur que tu convoites tant.
Elle se lève et s’éloigne, et je sens mon espoir d’évasion s’éloigner avec elle. Mais avant qu’elle n’aille plus loin, je criai :
— Je ressens quelque chose pour toi !
Elle se retourna.
— Tu te fous de moi. Personne ne peut ressentir quelque chose pour moi, encore moins toi… Je t’ai observé depuis des semaines, je ne suis pas ton genre de femme. Pas parfaite pour toi. Tu ne m’aimes pas.
— Je n’ai jamais dit que je t’aimais… J’ai dit que je ressentais quelque chose pour toi. Et ce n’est pas de l’amour, c’est de la haine ! dis-je en crispant mes mâchoires.
— Tu me hais ? dit-elle, l’air surpris. Pourquoi cet air ? Elle ne s’attendait quand même pas à ce qu’elle me fasse subir ça et que je la pardonne tout.
— Oui, je te hais… Et tellement que je te jure que je finirai par m’échapper d’ici et alors je te tuerai ! Je te tuerai, c’est sûr !
Sur le coup, je me suis moi-même surpris. Mon état était si désespéré que je disais n’importe quoi pour pouvoir m’en sortir. En vrai, je ne pourrais tuer personne, à croire que son instabilité mentale est contagieuse.
Elle restait silencieuse. J’ignore ce qui se trame dans sa tête d’intello.
— Libère-moi ! Tout de suite, sinon, c’est ce que je ferai dès que j’aurai l’occasion de m’enfuir. Et tu sais que ce moment arrivera tôt ou tard. À toi de choisir : laisse-moi partir maintenant et je ne te ferai rien, je ne porterai même pas plainte.
Des larmes coulent sur ses joues. Elle s’approche d’un vieux tiroir près de la porte. J’entends le raclement du bois avant qu’elle n’en tire un couteau, la lame scintillant froidement dans la lumière.
J’ai réalisé ma bévue, mince ! Je n’aurais jamais dû pousser si loin.
— Je vais te libérer ! dit-elle, à une seule condition : tu devras me tuer… Avec cette arme !
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