Questions
Les cliquetis des alambics, comme un orchestre, jouaient le dernier requiem du vieil alchimiste. Ni famille, ni amis n’étaient là pour le mettre en terre. C’est à son apprenti que la tâche incomba. Triste mais non malheureux, il s'exécuta, sans envie, sans sentiment, comme son mentor lui avait appris. Il rendit simplement aux dieux ce qui avait été prêté.
Le vide résonnait désormais. L’atelier, la bibliothèque, l’étude… Ces lieux avaient perdu une partie de leur âme. Avant, le maître dictait et l’élève, soumis au savoir, n’avait qu’à écouter. Il récitait les formules, l’élève dosait les réactifs. “Qui allait prescrire, noter, chroniquer ou même composer ? Qui ? Moi ? l’élève, l’apprenti, le novice ? Le fils d’esclave recueilli par hasard au détour d’une de ses marches sur les quais ? Qu’avait-il vu ce jour-là ? Je ne sais pas, je ne sais plus… Je dois avoir confiance en lui autant qu’il a eu confiance en moi.”
“Alors, que dois-je faire ? Bavarder avec les nobles ? Que dois-je faire, aide-moi ! Indique-moi, ordonne-moi ! J’étais un esclave quand tu m’as recueilli et tu me quittes sans avoir fait de moi un homme entier. Vas en paix mon ami, je ne t’en veux point. Tu m’as donné tout ce que tu avais, appris tout ce que tu savais. C’est à moi maintenant de faire ma part.”
Les premiers jours, l’apprenti sans maître travailla, non plus comme à son habitude mais d’une manière plus libre, comme son ancien mentor. L’honorait-il de cette manière ? ou bien le copiait-il ? qu’importe, il faisait.
“C’est étrange comme le monde tourne, avec ou sans nous, avec ou sans les gens que l’on aime. Comme si personne ne comptait et que l’univers, avec ou sans nous, restait constant”. Cette réflexion s’applique-t-elle aussi aux dieux ? Il allait bientôt le savoir.
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