Nouvelle 4: Le retour

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J'avoue que Marseille me manque depuis quelques jours. J'ai envie de revoir certains amis, ma mère, mon frère et ma sœur. Ça me rend dingue de savoir que mon frère grandit sans m'attendre.

Tout va tellement vite. C'est dur ici. Un mois c'est écoulé depuis nos « au revoir » sur le quai de la gare. Ma mère m'avait suivi du regard jusqu'à tourner la tête pour ne pas dévoiler ses larmes. Je cachai les miennes aussi.

Mais rentrer et retourner à la vie normale me fait aussi peur.

À mon retour je n'arriverai sûrement pas à raconter ce qu'a été pour moi Evian. Peut être même que je n'aurai pas envie de faire l'effort. Comme si c'était trop important, trop secret.

Ce que je crains le plus c'est d'être incapable de communiquer, d'être seule. Mais je parle de la mauvaise solitude, celle qui fait se sentir loin de tous. Celle qui te ronge tous les jours un peu plus. Celle que tu n'apprécies pas et que tu redoutes car elle est vide.

Revenir c'est risquer de retomber dans une vie pépère et facile, sans rien chercher de plus. Le "plus" c'est quand même le BTS au bout de ces trois années d'études dirait ma mère.

Mais le boulot était loin de ce que je m'imaginais. « Les déjà passés par là » avaient raison.

Les journées attaquaient avant le soleil et finissaient à l'heure où les jeunes de mon age partaient en boite. Je n'en voyais plus la fin mais surtout l'ambiance était à mourir...

Servir un grand Émirat Arabe, apporter les petits déjeuners des stars dans leur lit, accourir aux moindres claquements de doigts fut mon quotidien pendant presque deux mois. Je n'aimais pas cette abus de pouvoir de mes supérieurs qui ne respecter pas les règles. Je n'aimais pas non plus les comportements hautins et pointilleux de cette clientèle qui avait déjà tout.

Petit à petit je m'enfonçai dans un engrenage mental où mes questions restaient sans réponse, mes doutes grandissants, mes peurs suffocantes.

Les rendez-vous quotidiens avec mes nouveaux amis me reboustaient le temps d'une ballade ou d'un mini concert improvisé sur les rails inexploitées d'un terrain à l'abandon.

J’enchaînai les visites chez le médecin du village qui me découvrit une petite dépression sans doute dû à l'éloignement. Rien de grave apparemment et quelques antidépresseurs feront l'affaire pour finir ce stage qui s'était transformé en peine de prison.

Je reçus quelques lettres de ma sœur. Je ne lisais plus les premières lignes d'introduction tellement elle était prévisible.

« J'ai un peu de temps devant moi et vu que ton courrier commence à s'empiler sur mon bureau je préfère te les envoyer. Tes factures de téléphone sont exorbitantes et je préfère que tu les gères maintenant avec ton propre compte en banque ».

C'est vrai que j'appelai beaucoup mes amis de Marseille. J'avais aussi besoin d'entendre des voix familières, des encouragements pour finir ce que j'avais commencé.

Ma décision était quand même enfouit au plus profond de moi. Elle attendait juste le bon moment pour sortir. Comme si je pouvais encore reculer... Est-ce que je m'endormais réellement assise de la fatigue engendrée par cette exploitation abusive de mes employeurs ? Au début peut-être mais par la suite ce fut mon cerveau qui n'arrivait plus à se reposer. Il était actif, trop comparé au reste de mon corps. A son summum, il en profitait chaque soir désormais pour me rendre folle avec ces propositions obscures. Je sortis de moins en moins. Cette solitude tant redoutée avait creusé ma tombe.

C'est facile. J'ai tout ce qu'il me faut.

Qu'est ce que j'attends au juste ? Je repoussai inévitablement mon geste mais ma décision était prise. Je m'endormis encore une fois, assise, toute habillée.

J'avais du mal à ouvrir les yeux ce matin. Mes paupières me brûlent, elles sont lourdes et j'ai un mauvais goût dans la bouche.

Mon lit est plus confortable que d'habitude. J'ai même un peu de lumière naturelle dans ma chambre. Il fait beau dehors.

J'ai du mal à émerger.

Je lève mes yeux devant moi. Je connais cette silhouette. Je ne reconnais pas ma chambre.

Petit à petit mes idées se remettent en place. Je me souviens. Je regarde la boite de cachets.

Maman se tient debout, au pied de mon lit. Elle affiche le même regard que sur le quai le jour de mon départ. Des larmes coulent sur ses joues, encore.

Nous ne parlons pas.

Mon sac de voyage est posé sur le seul fauteuil de ma chambre d'hôpital.

« Le train arrive dans trois heures. On rentre à la maison » me lance ma mère.

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