Dans la brume
Hormis la lueur pâle provenant de la fenêtre, aucune lumière n'éclairait la pièce. Sous ce halo, un lionceau était aux genoux, tête basse.
Immobile, celui tentait de retrouver son calme, sans succès. On avait lui ordonner d'être calme et tempérance. Dès cet instant, il ne sentait que la colère et la frustration.
Pourquoi l'avait-on puni, lui, et pas les autres ? Il avait juste griffé le museau de l'idiot qui le harcelait, rien de plus. De toute façon, tout le monde est contre lui. Même ses parents étaient de mèche. Pour lui, pas de doute : sa vie était vraiment nulle.
Tout à coup, le félin entendit un grincement derrière lui, mais ne se tournait pas. Il savait parfaitement qui venait d'entrer dans son repaire. Néanmoins, il restait impassible, car il ne regrettait aucunement son geste. C'est alors qu'il discernait une voix féminine, lui dire doucement : « Coucou, chéri. C'est bon, tu t'es calmé ?
- Non. »
Le jeune lion savait qu'en étant aussi sec, il ne ferait qu'aggraver sa situation, mais tant pis. Au point où il était, il ne pouvait être plus au fond du gouffre. Une lionne, visage marquée, fourrure dorée, vint s'asseoir près du lionceau. Mais celui-ci restait inébranlable.
- Écoute. Je sais que ça a l'air injuste, mais il faut que tu comprennes que la violence n'est pas une solution.
- ET QU'EST-CE QUE TU VOULAIS QUE JE FASSE D'AUTRE ?! Ça fait une semaine que ces idiots me harcèlent, que je les rapporte au professeur, mais qui n’a même pas bougé un p’tit doigt, sous prétexte qu'il ne les a pas vu faire. VRAIMENT, Y'A EN MARRE !!!!
Cette fois-ci, c'en était trop. Lui qui voulait rester vaillant, sentait les larmes monter. Et rien ne pouvait plus les arrêter. S'il devait pleurer, et bien… Tant pis, il le fera. Ainsi, il laissait couler ses larmes. Néanmoins, aucun son sortait de son museau car il n'était pas triste, seulement exaspéré.
- Maman... est-ce que je suis bizarre ?
- Non. Jackie, chéri. Tu es juste un peu différent. Mais ça ne signifie aucunement que tu n'es pas quelqu'un de normal. Tu l’es à ta manière.
À la suite de ces douces paroles, l’enfant sécha ses larmes. Si l’averse était passé, la rancœur, elle, était toujours là.
- Jack, est-ce que tu peux me promettre quelque chose ?
- Oui, quoi ?
- Promets-moi de ne jamais oublier ceci : quelque soient les épreuves que tu auras à traverser, n'oublie jamais qu'il y aura toujours quelqu'un pour veiller sur toi. D'accord ?
Ne comprenant pas exactement que signifiait cette phrase, le garçon hochait la tête, pour ne pas vexer sa mère. Celle-ci prit alors son petit dans ses bras, et l’embrassa.
- Je t'aime, chéri.
- ...Moi aussi, maman.
Soudainement, le lionceau devenu lion ouvra ses paupières. Toujours enfoui dans sa couverture, le fauve se frottait les yeux. En y repensant, ce fut un drôle de rêve qu'il venait de faire. Ça faisait un bout de temps qu’il n’avait pas repensé à sa mère, ni sa préadolescence d'ailleurs. En tout cas, il ne comprenait pas pourquoi son cerveau avait décidé de lui rappeler cette période trouble de sa vie.
Passé ce léger remous, il sortait de son cocoon pour regarder l'heure sur son réveil. 6h22. Rien de bien alarmant, il ne sonnerait pas avant 6h25. Il retourna donc se remettre au chaud sous la couette.
DRIIIING !!!! Irrité, il bondit de son lit pour balancer le réveil contre le mur. Face au choc qu'il avait subi, l'appareil n'avait pas survécu. « Espérons que tes autres frères auront plus de chance que toi, » grognait-il.
Sachant qu'il n’avait plus aucune chance de se rendormir, il s'assit sur le bord de son matelas, et il se frottait les yeux. Encore engourdi, il se figea pendant quelques minutes avant de s'étirer et se craquer le cou.
Maintenant qu'il était bien éveillé, il se leva et dirigea vers la salle de bain. Depuis le lion a quitté le nid familial, il avait pris l’habitude de dormir nu. Ainsi, quand il arriva à destination, il ne se gêna pas pour gratter sa touffe et son derrière, puis pour vider sa vessie.
Une fois sa petite affaire terminée, il se lava rapidement les mains avant de se regarder dans le miroir. Dans le reflet, on pouvait apercevoir un jeune fauve dans la vingtaine, le regard flavescent marqué par les cernes, la crinière en bataille. Il tentait alors de dompter la tignasse rebelle, en vain.
Tandis qu'il maintenait sa vision vers la glace, il murmura : « Eh ben, mon p’tit Jackie, t'as vraiment une sale gueule... Heureusement que ta mère ne t’a pas vu dans cet état. Parce que tu serais directement rentré au bercail, mon pote... Mais c'est bien le cadet de tes soucis... Hein ?... Entre ton boulot ingrat, toute la ville qui te méprise, tes plan culs qui te fuient comme la peste, ton daron qui s’est volatilisé, tu sais bien que ton existence n’est rien qu'un énorme tas de déchets... Et que tu n'es qu'une petite merde... Et tu sais que, si tu continues à m'écouter, tu vas arriver à la bourre au boulot. Mais... de toute façon... tu n'as que ça à foutre. »
Avant de s'aller sous la douche, il jeta un dernier regard méprisant au miroir et partit.
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