Sale routine

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Depuis quelques années maintenant, Jack travaillait en tant que vendeur dans un magasin de bricolage. Il passait donc ses journées à assister les clients dans leurs travaux, ranger les allées, s'assurer au bon fonctionnement du matériel, trier les nouveaux arrivages et d'autres tâches plus ou moins méticuleuses.

Et bien que son emploi lui offrît un salaire confortable, il en avait marre de cette routine. Bien qu'il ne le montrât pas, son boulot commençait à le courir sur le haricot. Entre les clients revenant insatisfaits de leur achat, ceux qui se préoccupaient de pacotilles, ses collègues racontant des histoires vides de sens, et son patron qui prenait un malin plaisir à le persécuter, il y avait de quoi.

Ce jour-ci, il était chargé du rayonnage. Une tâche moins fatigante que le déchargement, mais au combien ennuyant par rapport au nombre d’étiquettes qu’il voyait défiler sous ses yeux. Il se posa un instant, afin de souffler un peu et frotter les yeux. Déjà qu'il était las, cette tâche allait finir par l’assommer. Et c'est à ce moment précis, qu'un dalmatien, du même âge et gabarit que lui, vint joyeusement l’accueillir : « Salut Jackie.

- Hein ? Oui, bonjour.

- Ben dis donc, tu as sale mine.

- Bof, pas plus que d'habitude.

- Et ça t'ai jamais arrivé à sourire ?

- Oui, sauf qu’ici, j'en ai pas envie. Et toi, qu'est-ce que tu te fais sourire comme ça ?

- Ben, c'est ce soir, la crémaillère chez Julie.

- Ah merde, c'est vrai, marmonna le félin.

- Attends, t'avais quand même pas oublié ?

- Non. Pas cette sauterie à la con, juste la date.

- Ben écoute. Si tu n'as pas l'air plus enthousiaste que ça, je peux te dire que moi, j'ai hâte, mon gars, s’enthousiasma le chien.

- Attends, c'est cette fête qui te réjouit comme ça ?

- Ouaip. Je te le dis, ce soir, je repartirai en charmante compagnie.

- Hi, heureusement pour moi, Jack grimaça.

- Hé, ce n’est pas parce que j’ai mes plans pour la soirée, que tu ne dois pas en faire autant.

- Et bien, navré de te décevoir, mais j'ai bien mieux à faire que de me remettre avec quelqu'un.

- Ah oui, et pourquoi ça ?

- Parce que la dernière fois que j’étais bien avec un mec, ce bâtard s'est barré du jour au lendemain sans me rien dire.

- Rah, oublie cet enfoiré. Tu mérites bien mieux que lui, et j'suis sûr que tu finiras par trouver la bonne personne.

- Putain, tu comprends pas que je veux rester célibataire ou t’es juste con ? Jack s'impatienta.

- Hé, pas la peine de hausser la voix.

- ALORS, POURQUOI TU NE PEUX PAS DIRE AUTRE CHOSE, MERDE ? »

CRAC ! BOUM ! En agitant les bras, le lion avait renversé inconsciemment des boîtes et divers objets qui sont étalés sur le sol. Les dégâts n’étaient pas importants, mais le fracas avait attiré l’attention de quelques curieux.

- Et meeeerde ! Le lion murmura, irrité.

Avant que les deux employés n'aient pas le temps de faire un geste, un ours se frayait un chemin à travers le petit groupe. Sans changer sa trajectoire, l’ursidé se dirigea droit vers le fauve, et l'interpella, furieux : « Je peux savoir qu'est-ce que c'est que ce boucan ?!

- Rien de bien grave, Monsieur, s’empressai de répondre le dalmatien. Il a fait un faux mouvement, et du coup—

- M. Lépine, vous avez intérêt à ranger ce bazar immédiatement, sinon cet indicent sera pris en compte sur votre salaire.

- Comme si ça changeait quelque chose… marmonna le félin.

- Pardon ?!

- Non, je disais, je ferais bien de m'activer avant de faire chose.

- Vous avez intérêt. Quant à vous, M. Pilar, retournez à votre poste. »

Une fois le directeur parti, l’employé se mit à genoux et ramassa les boîtes étalées à terre. Cette fois encore, c'était pour sa pomme. Et cette fois encore, il s’est soumis à l’autorité patronale sans protester. Ce qui l'indignait plus que tout.

Tandis qu'il resassait ces pensées révoltantes, il n’avait pas vu que son collègue s’était lui-aussi genouillé pour ranger le bazar. Et même quand il l'avait enfin remarqué, il ne disait rien. Les deux compères se connaissaient tellement bien qu’ils savaient ce que pensait l'autre rien qu’en se regardant. Et c'est avec un simple sourire que Jack disait à son ami qu'il appréciait ce qu'il avait fait pour lui.

- Hé Jack ?

- Hmmm ?

- Je pensais vraiment ce que j'ai dit, il y a un instant. J'ai bon espoir pour toi, sache-le.

- Fabien, contente-toi de m'aider à nettoyer ce bordel, et ferme-la, s'il te plaît.

- Argh, comme tu veux.

Rien qu'avec cette scène, le lion trouvait sa vie encore plus pathétique. Certes, il n'avait rien à envier à d'autres qui sont dans une situation plus délicate que la sienne, mais quand il observait sa vie sociale, son boulot, et ses loisirs, il revenait toujours à la même conclusion : il avait vraiment une vie de merde.

Et rien, ni personne n'allait le contredire. Cependant, il ignorait qu'il se trompait et que quelqu’un… viendrait lui prouver le contraire.

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