42 - a

4 minutes de lecture

Hello ! Le chapitre étant extrêmement long, je vais le découper en plusieurs parties.

Bonne lecture !

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Fanny referma son livre une énième fois. Elle était bien incapable de lire, son esprit tiraillé par ses récentes découvertes. Elle avait passé la moitié de la semaine à scruter son directeur du regard, guettant ses moindres faits et gestes, ses habitudes, ses réactions, ses défauts, ce qui pourrait le trahir, la conforter dans ses reflexions. Pourtant, rien ne perçait la carapace de Alexis Ramirez, rien ne transparaissait dans son attitude. Il paraissait aussi détendu que d'habitude, à l'aise avec les missions qui lui incombaient et celles qu'il déléguait. Elle continua de l'observer jusqu'au vendredi midi, lorsque Maryam lui avait sciemment remarqué qu'elle avait passé plusieurs jours le regard dans le vague comme si elle était minée par quelque chose. Fanny se garda bien de tout lui raconter, la connaissant elle aurait déjà fait des allusions plus que remarquées à Alexis, ce qui n'aurait pas arrangé les affaires de Fanny. Alors, elle resta vague. Alors qu'elles regagnaient l'open space, chacune à son poste, Maryam s'interrompit un instant.

Tu devrais lui dire ce que tu ressens.

Hein ? De quoi tu parles ? s'exclama Fanny dans le flou.

Alexis. Tu n'as pas arrêté de le dévorer du regard durant toute la semaine. Si tu veux mon avis, tu devrais lui avouer tes sentiments.

Maryam était bien à des années lumières de l'état émotionnel de Fanny quant à son directeur mais elle avait raison pour une chose, elle devait aller le confronter, le faire parler, coûte que coûte.

Elles retournèrent à leurs occupations, chacune de leur côté. Les paroles de Maryam tournaient à plein régime dans l'esprit de Fanny. Autant dire qu'elle fut complètement contre productive jusqu'à la fin de journée, lorsque le flot de salariés commença à quitter le navire. Il ne restait que quelques collègues qui terminaient leurs missions avant le weekend et Alexis à l'étage du marketing. Les mains moites, angoissée par cette confrontation qu'elle avait attendu durant toute la semaine, reculant l'échéance par crainte de ne pouvoir le confondre dans ses mensonges. Elle avait ficelé des dizaines de scénarios sans se douter qu'elle allait jouer un script inédit à la lueur du soleil couchant.

Elle essuya ses mains moites tout contre son pantalon à pinces et se dirigea le pas mal assuré vers le bureau vitré. Alexis, le nez plongé dans son travail, ne fit pas attention à elle, alors qu'elle venait de glisser sa tête dans l'embrasure de la porte.

Alexis ?

Il releva son visage, une expression de surprise figée sur ses traits. Ils s'étaient à peine croiser depuis qu'elle avait quitté le bureau la semaine précédente annonçant son départ en Ouzbékistan avec Romain. Il n'avait pas osé la déranger, s'immiscer dans la vie de sa collègue, une vie qu'elle semblait protéger avec délicatesse. Il aurait pourtant voulu tout savoir, sur son voyage, sur ses découvertes, sur ce Romain qu'elle avait évoqué. Depuis son retour au travail en milieu de semaine, il l'avait fui, évitant d'organiser des réunions de travail, se concentrant davantage sur sa mission. Mais son âme ténébreuse abritait une ombre envoûtante, celle de sa collaboratrice. Il savait qu'il devait renoncer et pourtant elle envahissait ses pensées.

Je me demandais si vous étiez libre ce soir, se lança-t-elle, le cœur battant à tout rompre.

Je pensais que vous ne mélangiez jamais le travail et la vie privée, rétorqua-t-il sur la défensive.

Il se mordit la lèvre inférieure, se maudissant intérieurement pour les mots qui s'étaient échappés comme des lames bien affûtés.

De son côté, Fanny eut un rire nerveux, l'un de ceux que l'on ne peut contenir, l'un de ceux qui cachent une profonde amertume. Elle finit par sourire pour adoucir la situation, sentant que ses espoirs se diluaient.

Vous avez raison. Mais je pense pouvoir faire une petite entorse à la règle. Qui se soucie des règles de nos jours ?

Cette question lui était implicitement destinée. Elle posait les fondations de leur future entrevue. Il lui avait menti, joué avec la confiance qu'elle lui avait offerte. Et elle comptait bien lui rendre la pareille.

Sa remarque eut le mérite de le faire sourire. Un sourire qui dévoila deux petites fossettes au creux de ses joues.

Où souhaiteriez-vous diner ?

Fanny marquait un point. Alexis avait mordu à l'hameçon ; il ne restait plus qu'à le ramener doucement à elle pour le noyer dans ses eaux troubles.

Des idées ?

Il y a un nouveau petit resto près du parc, si ça vous tente ?

Fanny acquiesça, rassembla ses affaires et attendit Alexis à l'extérieur du bâtiment, le temps que ce dernier boucle quelques courriels.

Elle en profita pour reprendre sa lecture, dans l'espoir de pouvoir terminer cette odyssée enivrante qui ne la quittait plus depuis des semaines. Un chemin inattendu reposait au fond de son sac à main, toujours prêt à être feuilleter, mis à nu aux yeux de Fanny. Elle s'était attachée à Catherine, à Ismaïl, à ces deux êtres pleins de sagesse, à cette quête de résilience malgré la maladie, à ce besoin de se dépasser, d'affronter sa peur de la mort, de vivre non pour survivre mais pour contempler, espérer, aimer. Mais entre les lignes, elle cherchait bien autre chose, une version d'elle-même qui semblait éteinte, enfermée dans la cage de ses retenues. Ou peut-être une version qu'elle ne connaissait pas encore.

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