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" Mes doigts tremblent. J'ai cédé la plume à Ismaïl à regrets. J'ai l'impression d'être démunie de la passion qui m'a pourtant guidée depuis tant d'années, d'être amputée d'une partie de moi-même, comme si je m'effaçais jour après jour. J'ai peur, peur des lendemains, de mon corps qui m'abandonne, de cette vie qui s'érode... Je comprends que mon voyage touche à sa fin et pourtant, je sens qu'il me manque l'essentiel, que ces derniers mois à parcourir le monde n'étaient qu'une quête vaine et sans issue. Ismaïl sourit en écrivant mes propres mots, il me corrige en me rappelant que j'avais trouvé ce que je cherchais mais que je n'avais pas encore ouvert les yeux pour m'en emparer. J'ai pourtant cette sensation d'avoir bu toutes les couleurs du monde et de m'être enivrée de chaque palette. Alors, que n'avais-je pas encore compris ?

Nous sommes repartis à Paris, abandonnant le Brésil et la Guyane derrière nous. J'espérais y trouver la révélation tant attendue mais mon état de santé ne me permettait plus de me déplacer correctement. Depuis notre escapade à Buenos Aires, j'avais bien compris que le temps m'était compté. Ismaïl est resté à mes côtés, il déteste reporter mon amitié à son égard sur le papier, mais je ne peux m'empêcher de saluer sa gentillesse et sa bienveillance envers moi. Je ne pourrai jamais assez le remercier pour tout ce qu'il m'a apporté, pour cette douce aventure que nous avons faite à deux, des éclats de rire aux anecdotes de voyage en passant par son soutien émotionnel. Si j'ai appris une leçon essentielle depuis notre rencontre, c'est que la beauté des paysages, aussi spectaculaire soit-elle, ne peut égaler la beauté intérieure de celui qui vous accompagne."


*


Je vois que vous êtes toujours le nez plongé dans vos bouquins, s'exclama Alexis qui venait tout juste de rejoindre Fanny.

Il y a des passions que l'on croyait éteintes et qui reviennent de manière inattendue, glissa-t-elle tout en rangeant son livre dans son sac. Prêt ?

Allons-y !

Fanny connaissait le chemin par cœur et pour cause, elle avait élu domicile dans le quartier où elle travaillait par confort. C'est avec aisance qu'elle les guida jusqu'au nouvel établissement qui venait d'ouvrir ses portes aux abords du parc Monceau. Elle l'avait repéré depuis quelques temps, entre les travaux de rénovation, la petite soirée d'ouverture qui avait ameuté tout le quartier, et surtout pour cette terrasse intimiste bordée de fleurs colorées. Un petit coin de paradis... loin de l'enfer de son existence.

Ils quittèrent l'entreprise, marchant d'un pas lent, comme s'il découvrait un quartier qu'ils côtoyaient quotidiennement. Un silence gênant s'installa entre eux, traversé de temps à autres par le rire d'un enfant ou le jappement d'un chien. Fanny observait distraitement les passants, les mines solitaires qui pressaient le pas comme des ombres fugaces. Les mains plongées dans ses poches, elle triturait les coutures, son cœur cognant contre ses côtes, telle une bête en cage. Chaque pas la rapprochait inéluctablement d'une vérité qu'elle redoutait.

Ils s’engagèrent dans l'une des ruelles, à quelques pâtés de maison de son appartement, un peu plus loin que son chemin habituel, lorsqu'un homme d'une trentaine d'années sortit en trombe de son cabinet, imper sous le bras. Fanny stoppa net, interrompue dans son avancée. Son regard s'accrocha à celui de cet homme aux traits bienveillants. Un bref instant suspendu dans le soir naissant. C'était le promeneur de chiens. Ils échangèrent un sourire franc, presque complice avant de se confondre chacun en excuse.

Comment allez-vous ? demanda Fanny, en toute simplicité.

Très bien et vous ?

Bien, nuança-t-elle.

Comprenant son malaise, le promeneur rebondit sur une note plus douce :

Vous manquez à Arthur ! Il vous attendait patiemment au parc le weekend dernier.

Oh ! Non ! Le pauvre, gloussa-t-elle, je passerai demain si jamais...

Il acquiesça, une promesse silencieuse de se retrouver. Puis, il ferma la porte de son cabinet à clé, et les salua avant de disparaître dans l'une des ruelles adjacentes. Fanny releva le menton vers l'enseigne du cabinet. "La compagnie canine". Elle se souvint de ses premiers échanges avec cet homme et de sa rencontre avec Arthur et toute une horde de chiens en plein forme. Elle glissa son regard plus bas. Un cabinet vétérinaire. Était-il un simple promeneur de chiens ?

Alexis profita de ce moment de déroute pour aviser Fanny qu'ils se trouvaient juste à côté du café où ils s'étaient attablés ensemble pour la toute première fois. Il lui rappela son étole qui s'était envolée et qu'il lui avait rapporté, à cet endroit précis. Si pour Alexis cette rencontre avait une place particulière, tout près de ses émotions, pour Fanny, il en était tout autre. Elle se retourna vers l'enseigne canine qui déjà s'effaçait derrière leurs pas, l'esprit embrumé.

Et sinon, qui est ce Arthur dont vous parliez à l'instant ?

Arthur ? Ah oui ! se reprit-elle. C'est un petit caniche abricot plein de vitalité. J'ai fait sa connaissance au parc Monceau, plusieurs fois. Il est adorable ! Je veux dire... le chien, il est adorable.

Elle était confuse, essayant de se justifier, balbutiant au sujet d'un animal à quatre pattes. Alexis, détendu, les mains dans ses poches, ne se doutait pas de tout le tumulte qui grouillait en elle. Des émotions diverses et variées s'entremêlaient en elle, et plus ils s'approchaient du lieu de rendez-vous, plus elle paniquait.

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