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Fanny s'avança dangereusement en direction d'Alexis, le regard toujours ancré dans les siens tel un prédateur qui observe sa proie avant de la capturer à tout jamais.

— Je veux la vérité, Alexis. Qu'est-ce que mon père t'a demandé ? Et n'essaie pas de mentir, je sais que tu travailles pour lui.

Il fronça les sourcils, étonné par sa question.

— Ton père ? Non, Fanny, je ne...

— Ne fais pas l'innocent ! répliqua-t-elle en le coupant, la voix tintée de colère. Il t'a sûrement demandé de me surveiller, de contrôler chacun de mes pas.

Ses mains fendaient l'air traduisant toute les émotions négatives qu'elle avait gardé en elle. De l'autre côté du bureau vitré, quelques silhouettes commençaient à s'arrêter, intriguées par la scène. Fanny ne faisait jamais de vague. Employée modèle, elle respectait un code de conduite irréprochable en tout point. Et pour autant, au point de rupture, elle donnait à l'ensemble du service un spectaclei inoubliable.

— C'est lui qui t'a placé ici. Toi, avec ton costume impeccable, ton sourire charmeur et ce regard... Tu m'épiais depuis tout ce temps, observa-t-elle tout en reprenant son souffle. Pourquoi ?

— Je ne vois pas de quoi tu parles, je suis dé...

— Alexis, implora-t-elle à demie-excédée. Tu crois que je n'ai pas compris son petit manège ? Il voulait m'anéantir, me voler tout ce à quoi j'aspirais, tout ce pour quoi je m'étais démenée. Il a attendu dans l'ombre tout ce temps jusqu'à ce que je touche enfin au but, et il t'a placé, là, à ma place. Il a eu sa revanche. Il a eu ce qu'il voulait.

Alexis la laissa vider tout ce qu'elle avait sur le cœur bien conscient que tout ce qu'il pourrait dire aura une incidence sur leur relation, d'un point de vue professionnel mais également personnel. Il inspira profondément, le visage fermé avant de répondre d'une voix plus douce, plus claire :

— Tu te trompes Fanny. Ce que tu crois...savoir...ce n'est pas ça.

Il soutint son regard sans ciller malgré l'orage qui grondait dans ses yeux. Cette situation lui avait échappée, un mauvais concours de circonstances qu'il déplorait d'un certain côté. Il regrettait l'implication implicite de Fanny dans cette histoire cependant, il était l'unique coupable dans cette affaire.

— Je ne travaille pas pour ton père. il n'a rien à voir avec ma présence ici.

Il en avait déjà trop dit mais il lui sembla à ce moment précis qu'il était temps de tout lui avouer, de lui faire comprendre ce qu'il dissimulait à son insu, et surtout contre son gré. Elle tiqua et pourtant elle demeurait persuadée qu'Alexis et son père étaient tout deux complices, alors elle s'entêta en espérant avoir le dernier mot.

— Bien évidemment — Elle battit des cils excédée puis se pinça les lèvres, prête à jeter une dernière joute verbale — Et tu crois que je vais avaler ça ? Tu débarques de nulle part et comme ça, tu me voles la place qui m'étais destinée, et tu oses me dire que mon père n'a rien à voir là-dedans, que ce n'est pas lui qui t'a donné l'argent pour payer Roger Hollande, mais qu'est-ce que je dis, pour le soudoyer ?

Elle venait de pointer un fait important. Embarrassé, Alexis se passa une main derrière la tête ébouriffant son épaisse chevelure châtaigne.

— Non, Fanny, je te promets que ce n'est pas ça. Ton père ne m'a rien demandé. Je n'ai pas accepté de...enfin...si j'avais su...

— Su quoi ? explosa-t-elle. Que j'étais la fille de Maxime Coste ? Ça change quoi ? C'est toi qui a franchi les premiers pas. C'est toi qui m'a embrassée. tu espérais quoi exactement ?

Un silence lourd s'installa. Il soutint son regard sans fléchir, mais avec ce sentiment brûlant qu'il venait tout faire voler en éclats.

— Si j'avais su que c'était toi, que tu étais sa fille...j'aurai fait autrement. Si seulement, je t'avais connu avant...

Fanny le dévisagea. Elle ne comprenait rien. Alexis, tourmenté, débitait des paroles qui lui paraissaient insensées.

— Pourquoi ? Pourquoi ça aurait changé quelque chose ?

Fanny qui faisait toujours dos à la porte vitrée, fit volte face, quittant le regard pénétrant d'Alexis et pour remettre ses idées en place. Pourquoi leur conversation tournait-elle en rond ? Elle avait tout déballé sans qu'il ne révèle une seule information exploitable. Il connaissait Roger, lui avait une somme conséquente pour récupérer le poste qui lui était dû, avait des contacts avec son père, tout du moins téléphoniques et adoptait une attitude fuyante la plupart du temps, comme s'il avait quelque chose à se reprocher. Après ce baiser volé sur les berges du Nil, Alexis avait probablement essayé de réprimer ses sentiments à son égard en boudant les réunions du personnel et sa présence au bureau.

Son souffle saccadé se fondit sur la vitre en une nuée vaporeuse, floutant le paysage qui lui faisait face. Lorsque la buée s'estompa, elle prit conscience que tout l'open space retenait son souffle, les yeux à demi-braqués sur eux. Elle esquissa un rictus partagée entre la honte et la colère, puis fit glisser la cordelette du rideau en tissu crème pour achever la partie qu'elle avait commencé, en espérant obtenir des réponses. Et cette fois-ci des réponses claires.

Elle se retourna lentement tandis qu'Alexis réduisait la distance entre eux. Sa voix se tinta de douceur comme s'il souhaitait apaiser ce feu qui animait Fanny :

— Je n'ai jamais voulu te voler quoi que ce soit. Ce soir-là au séminaire, j'ai tout de suite compris que...

— Compris quoi ?

— Laisse-moi terminer, Fanny. Je ne savais pas que tu étais la fille de Maxime Coste...

— Et quoi ? Quel est ton lien avec mon père ? l'interrompit-elle, impatiente.

Il la regarda avec une intensité presque surnaturelle, comme si ses yeux pouvaient avouer ce que son esprit tentait de réprimer. Il entrouvrit légèrement les lèvres mais aucun son n'en sortit. Le silence était si dense que Fanny crut percevoir les battements précipités de son propre cœur.

— Alors ? insista-t-elle. Qu'est-ce qu'il ta fait promettre ?

Alexis baissa brièvement les yeux avant de s'avouer vaincu.

— Ce n'est pas ce que tu crois.

Fanny éclata d'un rire amer.

— Tu te rends compte qu'à force de tourner autour du pot, tu confirmes tout ce pourquoi je t'accuse depuis tout à l'heure ?

Il fit un pas de plus, si proche désormais qu'elle pouvait sentir la chaleur de son souffle sur sa peau.

— Fanny... je ne suis pas ici pour ton père. Mais pour son agence.

Elle fronça les sourcils, interdite.

— Son agence ? Comment ça ?

Il inspira profondément tout en reculant d'un pas.

— Je fais partie d'une cellule chargée de démanteler un réseau. Une fraude à grande échelle, et une partie des transactions passe par une filiale de ton père.

Elle resta figée, incapable de savoir si elle devait le croire ou éclater de rire.

— Tu es en train de me dire que mon père est un criminel.

Un rire nerveux s'échappa de ses lèvres. Elle tentait de se rappeler d'une quelconque conversation à ce sujet mais à aucun moment, elle n'avait eu vent d'une telle information, ni par son père ni pas Samuel, qui pourtant travaillait aux côtés de Maxime.

— Non, répondit-il aussitôt. Il n'est pas impliqué directement. Mais...

— Mais quoi ? Parle ! s'énerva-t-elle, prise dans un tourbillon où tout ce qu'elle pensait tenir debout n'était qu'une façade, une vitrine d'un mensonge bien dissimulé.

— Il sait. Il s'arrêta un moment avant de reprendre d'une voix tintée de regrets. Je sais que vous n'êtes pas en bons termes mais sache qu'il n'a jamais voulu que je t'implique dans toute cette histoire.

Un silence écrasant retomba. Fanny sentit ses jambes chanceler, comm si le sol venait de se dérober sous elle. Dans ce vertige brutal, l’incompréhension se mêlait à l’amertume d’une vérité insoutenable qu’Alexis ne pouvait plus dissimuler et qui lui broyait la poitrine.

— Tu savais donc qui j'étais depuis le début.

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