Des poneys turbulents

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Les paysages défilaient autour de Laurel depuis déjà une bonne heure alors que la voiture roulait aussi vite qu’un TGV sur les routes de campagne ; maintes fois à deux doigts de vomir sur le tableau de bord il finit tout de même par s’habituer à la vitesse. Tout le long du trajet, Laurel n’eut de cesse de demander où est-ce qu’ils se rendaient tous les trois… ou plutôt tous les quatre, puisque la voiture se vexa de ne pas être incluse dans ce groupe. Quoi qu’il en soit, Aziza la Fée garda le mystère.

Laurel regardait régulièrement en direction de Mickaël, toujours allongé sur la banquette arrière, « endormi ». Il était évidemment gêné vis-à-vis de lui, et il redoutait sa réaction au réveil, d’autant plus qu’il se souvenait qu’autrefois, son compagnon de lycée savait être agressif et virulent rien que pour des idées un peu arrêtées… Alors, il n’osa pas imaginer sa réaction pour ce qui ressemblait de très près à un enlèvement. Au moins, cette mésaventure n’avait pas entaché son beau visage qui, pour l’instant, semblait apaisé ; il lui fallait en profiter.

Les paysages s’enchaînaient toujours, puis Laurel remarqua que, çà et là, tout changeait. Le soleil prit la forme d’un cœur que regarder ne brûlait guère la rétine, le ciel devint tout rose bonbon, les nuages devinrent comme de la barbe-à-papa panachée ; s’érigeaient tels des monts d’immenses boules de crème glacée aux couleurs variées, ornées de biscuits gigantesques, serties de cerises géantes à leur sommet ; et quant au bitume de la route, il avait laissé place à du sucre de canne joliment ambré. Soudain, tandis qu’une douce odeur fruitée envahit l’habitacle et qu’il grêlait des guimauves, Mickaël se réveilla, d’abord perdu, puis s’enrageant contre Laurel tentant de l’étrangler.

— J’PEUX SAVOIR À QUOI TU JOUES SALE ENCULÉ ?

— QU’AS-TU DIS, MALHEUREUX ? s’offusqua dramatiquement Aziza la Fée tout en plaçant délicatement son doigt effilé sur les lèvres de Mickaël. Nous venons d’entrer dans l’Empire des licornes, ici, les insultes sont INTERDITES et PUNIES par la loi !

Relâchant la pression de ses mains, Mickaël eut un mouvement de recul avant de regarder Laurel plus égaré que jamais.

— Qui c’est cette conne ? demanda-t-il d’un air ostensiblement jugeur des prétendues mauvaises fréquentations de Laurel.

— À vrai dire, je me pose la même question…

Au même instant, la voiture fut baigné d’un faisceau arc-en-ciel auquel s’ajouta le son d’une pléiade de clochettes, puis des rubans de soie pailletés surgirent de toutes parts pour immobiliser le véhicule. Les garçons, paniqués, tentèrent de sortir mais les portières étaient bloquées par les rubans.

— Bordel de merde… on décolle ? s’écria Mickaël.

Laurel baissa la vitre de sa portière et passa la tête par-dessus… Pas de doute, la voiture ne touchait plus le sol et s’envolait ! Il leva ensuite la tête, tentant de comprendre, et vit s’envoler au-dessus de la voiture une pomme d’amour de la taille d’une montgolfière et d’où provenaient les rubans ! Elle les emmenait quelque part, contre leur gré, et Laurel n’aimait pas ça du tout. Il se tourna alors vers Aziza la Fée, mais…

— SÉRIEUSEMENT ? s’égosilla-t-il en constatant qu’elle dormait à poings fermés, alors que la voiture fit vrombir son moteur en signe de mécontentement partagé. C’EST PAS L’MOMENT !

— Va vraiment falloir qu’tu m’expliques ç’qui s’passe… annonça sèchement Mickaël, intimidant Laurel à en mourir alors qu’il supportait déjà bien mal la tension qui régnait dans ce petit espace confiné.

Ce fut vraiment à ce moment-là que Laurel se dit qu’il aurait préféré des retrouvailles plus banales, d’autant plus qu’il était « accompagné » de la guide la plus loufoque et capricieuse qu’il lui avait été donné de subir. D’ailleurs, elle disparut, d’un coup d’un seul, les faisant halluciner ; Laurel désemparé en avait presque envie de se jeter par-dessus bord, que ce cauchemar cesse sur le champ ! Mais comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, sa disparition fut très vite comblée par la prise d’assaut de la voiture par deux licornes en tenue policière, câblées à la pomme d’amour avec les rubans, pénétrant dans le véhicule et les maîtrisant alors qu’ils se débattaient.

— VOUS ÊTES EN ÉTAT D’ARRESTATION, AIMEZ LE SILENCE ET VOUS SEREZ AIMÉS ! avertirent les deux licornes en plaquant leurs sabots antérieurs sur leur visage.

Alors qu’ils étaient immobilisés par les équidés magiques, ils virent au loin se dessiner des colonnes étranges… Des gratte-ciels ? Ils approchaient d’une ville ? C’est ce que se demandaient les garçons alors que la voiture s’était tue…

— Des… des sucres d’orge ? s’exclama Mickaël abasourdi.

— J’AI DIT : CHUT ! hurla la licorne qui le maintenait tout en le pressant davantage, le faisant douloureusement gémir. VOUS AGRAVEZ VOTRE CAS, MÉCHANT !

— Arrêtez, vous lui faites mal ! supplia Laurel décontenancé par ce qu’ils vivaient actuellement.

— OCCUPE-TOI DE TES BONBONS, VILAIN PAS BEAU ! répliqua la licorne qui le maîtrisait qui réagit aussi violemment contre lui.

Tous deux se turent pour ne pas aggraver la situation, mais Laurel vit la haine monter dans les yeux de Mickaël, une haine tournée contre lui, qui lui disait : « c’est ta faute ! » Les deux licornes les menottèrent ensuite avec du scoubidou.

La voiture se posa enfin dans le centre-ville, entre les gâteaux grands comme des maisons, disposés comme dans de vraies rues, et les monumentaux sucres d’orge agencés comme dans un centre d’affaire… Les licornes sortirent, entraînant les garçons avec elle qui s’écroulèrent sur le sol fait de sucre roux en poudre. Une autre licorne en uniforme vint à leur rencontre, et les deux premières dirent en se mettant au garde-à-vous :

— Que l’amour vous honore de sa grâce, Commissaire-Licorne ! Les deux méchants ont été aimés !

— Très bien, agents Licorne et Licorne. Vous avez bien aimé. Hâtons-nous de les emmener devant la Juge-Licorne afin de les aimer. Que l’amour soit exaucé !

Ils placèrent les garçons toujours poings et pieds liés sur le dos d’une des licornes tels des sacs à patates, puis les équidés magiques commencèrent leur marche.

Laurel se mit alors à regarder Mickaël, voir comment est-ce qu’il vivait cet enchaînement d’événements : il avait le visage sévère et fermé, on aurait presque dit qu’il boudait, ce qui lui donnait un air attendrissant d’une certaine façon, surtout avec ses traites extrême-orientaux à la fois virils et doux… Se rendant compte que sa pensée était inappropriée, Laurel se maudit que de l’admirer dans un moment pareil. Au même moment, parce qu’il percevait certainement avec quelle indiscrétion son voisin le fixait, Mickaël tourna la tête, lui épargnant au moins de recevoir un nouveau regard assassin.

Alors qu’ils étaient emmenés devant la justice, Laurel observait les environs. Les gâteaux géants étaient bel et bien des maisons et des commerces dont les portes étaient en pain d’épice et les fenêtres en gélatine. Il voyait aussi plein de licornes se promener et discuter dans les rues, abandonnés à d’oisifs plaisirs tandis que des poneys un peu partout travaillaient tout en supportant silencieusement les brimades lancées par les licornes. Rapidement, ils passèrent devant un bar ; il y vit attablée, buvant un jus de fruit et discutant avec un poney, Aziza la Fée, avachie sur un fauteuil de gelée, telle une diva, s’éventant éventail à la main, lunettes de soleil sur le nez, vêtue en Prada, un sourire béat aux lèvres. Il n’avait qu’une envie : la gifler avec son éventail ! Comment pouvait-elle les laisser tomber dans une situation pareille et vivre sa meilleure vie de son côté ?

— Coucou mon p’tit chou ! hurla-t-elle euphoriquement pour le saluer de toute son extravagance. La visite de la ville te plaît, j’espère ?

Rectification… il n’avait qu’une envie : lui tordre le cou ! Et puis, par quel miracle cela pourrait-il lui plaire ? Comment un monde aussi mignon pouvait être dès leur arrivée un nid à problèmes ? Journée de merde…

Ils arrivèrent finalement devant un immense pouding. Le Commissaire-Licorne déclara :

— Nous y voici : le Pouding d’amour ! La Juge-Licorne vous y aimera et votre grâce sera aimé ici-même.

« Aimer », « aimer », « aimer »… Elles n’ont que ce verbe en bouche, en plus pour dire tout et n’importe quoi ! Phrases insensées, Laurel s’en trouvait harassé… Oui, harassé !

Ils entrèrent dans le Pouding d’amour, les licornes les firent alors siéger dans une grande salle qui ressemblait à un tribunal à côté d’un poney visiblement accusé lui aussi… D’autres licornes s’installèrent dans la salle de plus en plus bruyante pour assister à l’audience tandis que Laurel et Mickaël patientaient nerveusement, assis sur le banc des accusés en chocolat sculpté. Si leurs cœurs ne battaient pas à l’unissons, c’était bel et bien le cas de leurs jambes, transcription corporelle du stress qu’ils sentaient monter en eux-mêmes. Mickaël avait l’air de sacrément cogiter… Le jeune Kabyle avait tellement envie d’échanger avec lui, pour décompresser un peu, pour lui apporter son soutien, mais il n’en eut pas le courage, persuadé que Mickaël se froisserait dès qu’il oserait lui adresser la parole…

Soudain, une licorne habillée d’une robe de magistrat se plaça derrière la table du juge, elle aussi en chocolat sculpté, puis elle prit la parole :

— Que l’amour vous honore de sa grâce, palefrenier et étrangers ! Je suis la Juge-Licorne, et c’est moi qui, plein d’amour, déciderai par quelle grâce vous serez aimés. Que la séance débute, sous les grâcieux hospices de l’amour !

Le premier accusé à passer devant la Juge-Licorne fut le poney, on l’accusait de turbulence et d’être le meneur du « mouvement des poneys turbulents » dont la faute coupable est de ne pas aimer les licornes… La Juge-Licorne le jugea sans qu’il ne pût se défendre, aucune preuve à l’appui sinon les dires de la partiale foule de licornes, qu’il n’est « qu’un poney et qui, de surcroît, s’appelle Puant ». C’est alors que Puant clama qu’il n’avait pas honte de ses agissements et qu’il avait œuvré pour la liberté de ses frères et l’égalité entre les deux espèces. La Juge-Licorne grinçait des dents, sa prise de parole lui était intolérable, alors elle le déclara coupable de méchanceté par manque d’amour envers les licornes, le condamnant à « la fin de son état de grâce par la privation de sa grâce », ce que Laurel ne comprit absolument pas ; ce verbiage incessant d’amour et de grâce lui donnait tout simplement mal à la tête… La seule chose qu’il reconnut était la mine coléreuse du poney qui revenait à la place des accusés.

— Juge-Licorne, intervint le Commissaire-Licorne, ces deux étrangers sont accusés de méchanceté par profération de grossièretés, spécifiquement le plus âgé des deux, ayant dit par trois fois des gros mots à l’intérieur des frontières d’amour de notre empire, ayant parlé pendant son arrestation alors que l’inverse lui eut été très aimablement invectivé avec amour, ayant porté un regard sans amour contre quiconque se trouvant à l’intérieur des frontières d’amour de notre empire !

— Ce sont de terribles méchancetés dont vous êtes accusé, monsieur l’étranger. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Au moins présentez-vous, de grâce !

Mickaël fut contraint de se lever, et osa enfin prendre la parole, le plus stoïque possible malgré la confusion :

— Je m’appelle Mickaël. Je… je savais rien de tout ça… vraiment ! Je connais pas ce pays, ses lois… S’il vous plaît, comprenez… supplia-t-il. Je me suis réveillé sans savoir où je me trouvais !

— L’ignorance n’est pas l’innocence, monsieur Mickaël le méchant étranger, souligna la Juge-Licorne plein de mépris. Mais dans ce cas je vous accorde ma grâce : votre comparse sera libéré, tandis que vous, êtes déclaré coupable de la méchanceté dont vous êtes à raison accusé. Votre grâce sera donc la fin de votre état de grâce par privation de votre grâce !

La même sentence que le poney ? Mais, bon sang, qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Laurel se tourna alors vers Puant et lui demanda, ce à quoi ce dernier lui répondit, le regard grave :

— La mort.

Laurel sentit alors le sol se dérober sous ses pieds… Mickaël condamné à mort ? Par des licornes ? Pour des raisons aussi ridicules ? Il ne pouvait pas les laisser le prendre, il ne pouvait pas le laisser seul… mais comment l’aider ? Il vit alors Mickaël se tourner dans sa direction, s’attendant d’abord à percevoir du mépris dans ses yeux, il constata à la place un regard erratique et triste, embuée d’incompréhension, de sentiments d’injustice et de solitude ; il avait certainement entendu la révélation du poney, car ses yeux disaient : « Pourquoi moi ? Pourquoi est-ce que ça m’arrive ? » Les licornes emmenèrent alors les condamnés qui s’étaient comme zombifiés, tandis qu’ils délièrent les membres de Laurel qui se rua aussitôt pour rejoindre Mickaël et le délivrer de ses bourreaux… Mais les équidés magiques lui barrèrent la route et le plaquèrent au sol.

— RELÂCHEZ-LE ! criait Laurel tout en essayant de forcer le passage. PITIÉ, RELÂCHEZ-LE ! VOUS NE POUVEZ PAS FAIRE ÇA ! VOUS VOYEZ BIEN QU’IL N’A RIEN FAIT DE MAL !

— CHUT, CHUT, CHUT, ÉTRANGER ! reprit la Juge-Licorne. Acceptez la grâce que je vous offre, ne refusez pas l’amour que je vous donne, il vaut mieux cela que de partager le manque d’amour de ce méchant et de l’accompagner dans sa propre grâce que je lui ai octroyé !

Au même moment, Mickaël fut définitivement arraché à la salle. Laurel, impuissant face aux licornes, laissa les larmes et les spasmes l’envahir. Non, Laurel n’acceptait pas le sort inique réservé à son amour de lycée. Il enrageait car au nom de l’amour, on l’avait séparé de son bien-aimé ! Il se haïssait car son si simple vœu, revoir Mickaël, l’envoyait croupir en prison ! Fiasco total… Dès qu’elles le relâchèrent, il se recroquevilla, perdu, coupable, tandis que la salle commençait à se vider, bien que les licornes policières et la Juge-Licorne restaient là pour, semble-t-il, le surveiller.

Soudain, il sentit le sol vibrer, quelque chose se rapprochait à toute vitesse… Les portes du tribunal s’ouvrirent et Aziza la Fée déboula au volant de la voiture de Laurel. Elle descendit et prit la parole en prenant une pose flamboyante digne d’une grande top-modèle, toujours dans sa tenue de diva :

— BONSWAAAAR MES CHÉÉÉWIS !

— Qui êtes-vous ? demanda la Juge-Licorne, furieuse que l’on s’introduise ici de la sorte. Pourquoi cette entrée pleine de disgrâce ?

— Pleine de disgrâce ? AH ! Je suis… OFFUSQUÉE ! Mais parce que je suis pleine d’amour et de grâce, je vais vous répondre. Je suis Aziza la Fée, et mon petit doigt m’a dit qu’on jugeait mes clients Laurel et Mickaël sans m’y convier… C’est vexant, malpoli, méchant ! Et je crisse des dents à l’idée qu’on ne m’ait pas envoyé d’invitation !

— Votre petit doigt s’est fourvoyé. Une licorne ne fait rien de méchant !

— Vous avez raison, une licorne préfère se pavaner en feignant la bonté dans un simulacre de justice !

— Vous mentez, MÉCHANTE ! hurla la Juge-Licorne.

— C’est celle qui le dit qui l’est ! répliqua Aziza la Fée sur un ton imparable.

— Très bien, c’est indéniable, vous savez être très convaincante… Voyons voir si cela suffira pour gracier les méchants. POLICIERS, POLICIÈRES ! FAITES REVENIR LES MÉCHANTS !

Les licornes policières s’exécutèrent, Mickaël et Puant revinrent dans le tribunal, prêts à repasser devant la justice. Laurel agrippa le bras d’Aziza la Fée et s’assit sur le banc des accusés, il lui dit discrètement, supplicatoire :

— J’espère que t’as un plan pour le faire sortir de ce pétrin… Elle l’a condamné à mort, et c’est ta faute s’il en est là !

— T’inquiète mon p’tit chou, je gère, répondit-elle abaissant ses lunettes sur son nez pour lui faire un clin d’œil aguicheur.

— Typiquement le genre de phrases qui m’inquiète, grogna-t-il contre elle.

La Juge-Licorne fit recommencer la séance, enjoignant la défense à s’exprimer.

— En tant qu’avocate des méchants, je déclare : priver quiconque de son état de grâce n’est pas un acte de grâce ! Et une licorne ne peut infliger la disgrâce, sinon, elle devient elle-même DISGRACIEUSE !

Tout l’auditoire fut sous le choc, des murmures envahirent tout le tribunal. La Juge-Licorne semblait alors mal à l’aise, et répondit alors :

— Votre argumentaire est… pertinent, je l’admets… Ainsi je consens à réviser la nature de la grâce que je leur ai accordée, ils seront donc aimés dans un lieu où leur manque d’amour sera pallié avec amour !

Satisfaite, Aziza la Fée regagna sa place à côté de Laurel.

— Ils vont en prison, lui annonça-t-elle sans tact.

— QUOI ? s’indigna-t-il. Tu n’as rien arrangé du tout, tu devais prouver son innocence !

— Écoute… Au moins, il sera en vie, ce qui signifie qu’on pourra le retrouver. De toute façon, l’innocenter est impossible, les licornes sont des connasses qui ont horreur de perdre la face.

Infiniment désolé, Laurel regarda encore Mickaël qui, se mordant la lèvre, avait l’esprit complètement absent. Dans tous les cas, mort ou emprisonné, un destin impitoyable l’attendait, loin de chez lui, loin de ses proches. Aziza la Fée avait dit qu’elle l’aiderait à passer du temps avec lui, cela semblait désormais impossible…

Si seulement il pouvait aller le réconforter sans que les licornes ne s’interposent entre eux…

Laurel sentit le sol vibrer à nouveau, plus fort que précédemment… Débarqua alors une horde de poneys qui hennissaient de fureur, s’en prenant aux licornes qui se trouvaient sur leur chemin, entraînant des affrontements violents dans tout le tribunal.

— LES PONEYS TURBULENTS ? s’épouvanta le Commissaire-Licorne. AIMEZ-LES ! MÂTEZ-LES AVEC GRÂCE !

— ÉGALITÉ ! RÉVOLUTION ! scandait soudain Puant puis les autres poneys turbulents.

Les poneys se battaient contre les licornes, et d’entre le chaos se démarqua un petit groupe de poneys qui alla secourir Puant ; Laurel saisit alors sa chance de libérer Mickaël en prenant part au sauvetage.

— NE LAISSEZ PAS LES MÉCHANTS ÉCHAPPER À LEUR GRÂCE ! ordonna la Juge-Licorne aux licornes policières tout en s’égosillant la voix. ILS ONT LE DROIT D’ÊTRE GRACIÉS !

Lorsqu’ils arrivèrent devant eux, des licornes policières s’interposèrent entre eux, et d’un coups des sabots postérieurs, elles éjectèrent les accusés dans les bras de deux gummibärchen qui venaient de faire irruption et qui s’enfuirent aussitôt avec leurs prisonniers sur une pomme d’amour volante. Laurel tenta de les suivre mais une autre licorne le bouscula pour le faire tomber loin de là. Aziza la Fée attrapa le bras de Laurel et dit :

— Retournons à la voiture, il faut battre en retraite !

Elle ne lui laissa pas le choix et l’entraîna dans le véhicule qui, pour changer, klaxonnait comme pour imiter les hennissements. Le duo à bord, elle enclencha la marche arrière en quatrième vitesse et s’extirpa du Pouding d’amour hors du chaos intérieur, pendant que la Juge-Licorne les maudissait, et jurait de les retrouver et les aimer d’une grâce particulière.

— Je voulais juste passer du temps avec lui, pas vivre des choses pareilles ! reprocha-t-il à Aziza la Fée. Et débarrasse-toi de ces vêtements débiles !

— Du calme mon p’tit chou, du calme ; on gère grave ! relativisa-t-elle avec une irrévérencieuse nonchalance. Et je te rassure, les choses sont rarement telles qu’on les a prévues à l’origine.

— De un, ça n’me RASSURE PAS ! Et de deux, on aurait pu ÉVITER TOUT ÇA ! Je voulais juste le revoir : normalement… pas vivre des aventures où on risque la mort à chaque instant !

— Tu radotes, tu radotes… Cependant, je comprends que tu sois ému mon p’tit chou, mais parfois il faut savoir se résigner pour frapper plus fort la prochaine fois.

— Elle a raison tu sais, tu devrais l’écouter, ajouta le poney qui s’était réfugié sur la banquette arrière en s’adressant à Laurel.

Les yeux du jeune homme s’écarquillèrent devant cette présence inattendue. Il porta un regard inquisiteur sur Aziza la Fée :

— C’est qui ? Pourquoi est-ce qu’il est là ?

— Alors, premièrement, c’est « elle », précisa Aziza la Fée, et son nom est Groseille-fleurie ! Et puis, pourquoi pas ? Après tout, je l’ai invitée à embarquer avec nous.

Encore plus agacé il lui rétorqua vivement :

— Donc, on laisse tomber Mickaël pour qui j’en pince, avec qui on est venu ici, qui se fait enlever sous nos yeux, mais accueillir un poney parmi tant d’autres, parce que « allez, pourquoi pas », ça c’est OK ?

Devant le poney en question, sa remarque manquait de tact… Le remarquant, et finalement gêné par ses propres propos, il se tourna vers Groseille-fleurie et tenta de désamorcer la dureté de ses dires :

— Désolé, ce n’est pas contre vous…

— Je sais très bien que tu mens, devina-t-elle puis se rallongeant sur la banquette arrière comme une vacancière sur un transat.

— Peu importe, reprit Aziza la Fée, je sais où est-ce qu’elles l’emmènent, alors soyons prêts pour le sauvetage de Mickaël, notre petit prince en détresse !

La voiture les emmena alors loin d’ici, ailleurs, tandis que partout dans la ville, les affrontements se multipliaient, les poneys turbulents menant jusqu’au bout la révolution contre les licornes.

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