Chapitre 1

4 minutes de lecture
  • Après une semaine de pluie abondantes, j'accueille les rayons de soleil de ce matin avec joie. Une joie, rapidement rattrapée par mes responsabilités.

    Comme chaque jour, le bazar règne dans la maison. Maevis à moitié endormie sur la table, trempe un biscuit dans sa tasse de lait, éclaboussant en passage la nappe. Laissant mes cheveux à moitié coiffés, je me précipite vers elle pour qu'elle ne tâche pas encore ses vêtements. Je l'ai déjà changée deux fois ce matin. Mais étant de très mauvaise humeur au réveil, elle n'accueille pas bien mon intervention et commence à rechigner sur sa chaise.

    Raphaël, quant à lui n'arrête pas de faire des allers retours entre sa chambre, la salle de bain et le salon. Laissant traîner ici et là ses affaires pour revenir les chercher après, et recommencer à nouveau le même parcours.

    - Raphaël, je m'exclame, arrête de foutre le désordre partout. Et puis tu me donnes le tournis avec tes vas et viens.

    - La musique que diffuse ton téléphone me crève les tympans mais je ne dis quand même rien, chacun sa façon de se préparer, bruja. Me répond-il en adressant un clin d'œil à ma fille.

    Si jusqu'à là elle faisait la tête, l'entente du petit surnom que me gratifie mon frère la fait sourire. Sachant qu'il l'a surnomme par son contraire "princesa" .

    Je m'attelle à nouveau à finaliser ma coiffure en face du miroir d'entrée quand j'entends un bruit venant de l'extérieur. Habitant au rez-de-chaussée, notre appartement est toujours animé par du bruit. Celui des voitures, de la porte d'entrée, des discussions, des disputes, des personnes habitant ou non notre immeuble. Et malgré la musique que je diffuse souvent à la maison, les sons de l'extérieur ne sont pas totalement recouverts.

    Je jette un coup d'œil par le judas et aperçois le facteur Pierre déposait le courrier. Ayant perdu la clé de ma boîte aux lettres, je me précipite dehors à la rencontre du quinquagénaire.

    - Bonjour Pierre, lançais-je aussitôt la porte ouverte et faisant sursauter au passage l'homme en uniforme.

    - Bonjour petite demoiselle, tu as bonne mine aujourd'hui.

    Ce n'est pas exactement vrai et mes cernes en témoignent. Mais vu que la dernière fois qu'on s'est vu, je traînais avec un mouchoir fixé au nez et toussais plus fort que Gilbert notre voisin fumeur. Je comprends la remarque de Pierre.

    - Dit, il n y aurait pas du courrier pour nous ? Si c'est le cas je préfère le prendre en personne. Notre clé a pris congé et le concierge fait la sourde oreille nous concernant.

    - Je vérifie tout de suite... Ah! En voilà une pour vous , B-003 , une lettre pour les Sanchez.

    Si au premier abord je ne fais pas attention à l'expression changeante du facteur lorsqu'il trouve la lettre. Je ne tarde pas à mon tour à grimacer en prenant le papier froid entre mes mains. Essayant de garder la face malgré tout, je remercie vaguement le facteur et retourne d'un pas chancelant à la maison.

    Mon pouls s'accélère, mes mains deviennent moites et je serre de plus en plus l'enveloppe au point d'en froisser les bords. Mon frère remarquant mon anxiété montante se dirige vers moi. Sa main serre chaleureusement mon épaule et je le sens à son tour jeter un œil sur la raison de mes tourments. Ses doigts se crispent légèrement sur moi, il a sûrement lu les mots qui annoncerait le début de mon malheur : "Service de Protection de l'Enfance _ Direction des Actions Sociales".

    Mon pressentiment grandit de plus en plus, je n'ose pas ouvrir ce carré beige. Tout celà ne présage rien de bon , pourquoi le service d'aides sociales m'adresse-t-il une lettre ? Je finis par me raisonner et décide enfin d'affronter ces mots qui déchirent tous les artères de mon cœur un à un.

    "À l'attention de :
    Madame Vanessa Sanchez
    Bâtiment B - Appartement 03
    Rez-de-chaussée
    Résidence Les Oliviers
    13009 Marseille

    Objet : Enquête sociale concernant l'enfant Maevis Sanchez

    Madame,

    Suite à un signalement reçu par nos services, une enquête sociale est ouverte concernant la situation de votre fille, Maevis Sanchez, née le 18 mars 2020.

    Dans ce cadre, nous vous prions de bien vouloir vous présenter à un entretien le vendredi 4 janvier 2025 à 10h30, au Service de Protection de l'Enfance - 58, boulevard Rabatau, 13008 Marseille. Cet entretien a pour objectif d'évaluer la situation familiale et les conditions d'accueil de l'enfant.

    Merci de vous munir d'une pièce d'identité ainsi que de tout document utile concernant votre situation (livret de famille, justificatif de domicile, attestation d'emploi ou de ressources).

    En cas d'empêchement, veuillez contacter le service au 04 91 37 52 84 afin de fixer un nouveau rendez-vous.

    Nous vous rappelons que cette démarche vise uniquement à assurer le bien-être et la sécurité de l'enfant.

    Veuillez agréer, Madame, nos salutations distinguées.

    Mme Mélanie Dupont
    Travailleuse sociale référente
    Service de Protection de l'Enfance - Marseille Sud."

    Je ne sais plus quoi ressentir tant les émotions se bousculent en moi. Ma vision se brouille, sans pour autant pleurer. La prise de Raphaël s'est raffermie sur moi, et il a à présent son autre main sur mon deuxième épaule. Je ne sais plus s'il me tenait ou si c'est lui même qui se raccrochait à moi. Mes idées étaient confuses mais une ressortait en boucle , tournant sans cesse dans ma tête :

    " Tu es née perdante. C'est comme ça, c'est ta nature, c'est ton destin."

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Aria_06 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0