Chapitre 6
( point de vue Raphaël)
Cela fait déjà un quart d'heure que je traîne au troisième étage faisant semblant de prendre un café du distributeur. L'écho de pas parcourant le couloir droit m'alerte. C'est le moment, j'entre dans l'ascenseur.
L'instant d'après, j'aperçois Marc Lebrun apparaître dans mon champ de vision. Mon estomac se noue, mais j'en fais abstraction.
L'homme en costume me fait signe de retenir l'ascenseur. Je m'exécute. Il pénètre l'habitacle et hoche la tête en guise de remerciement.
Âgé de quarante cinq ans , Lebrun est un brillant avocat. Il a la réputation de gagner toutes ses audiences. Or bonne réputation, signifie salaire exorbitant et on a pas les moyens de le payer.
Je m'adosse nonchalamment à la paroi feuilletant le livre de Kolb et Leturmy, " Droit pénal général". Je le vois jetter un œil à la couverture avant de relever les yeux vers moi.
- C'est bien toi le stagiaire qu'encadre Dominique, n'est ce pas? Me dit-il finalement.
Je prends le temps de mettre un marque page et de refermer doucement le livre. Je réponds enfin par un simple "oui".
Mon manque de loquacité ne semble pas le déranger puisqu'il rajoute :
- Tu n'es pas censé être en droit de famille ? Ce n'est pas trop tôt pour changer de spécialité.
- Ce n'est jamais trop tard pour s'instruire. Affirmai-je en premier lieu. Puis je poursuis, et oui je suis bel et bien en droit de famille. Je ne compte pas changer de domaine.
Il approuve mes dires, tout en se décalant pour laisser une dame entrer.
Décidé à aller jusqu'au bout. Je lance d'un ton innocent :
- Cela m'aide aussi à mieux comprendre et interprèter les dossiers de Madame claire.
Claire Dominique, épouse de mon encadreur et avocate pénal. Elle s'occupe en ce moment d'une affaire dans laquelle le cadet de Lebrun est impliqué. C'est le côté adverse.
Il me jauge du regard durant quelques secondes. Mais il n'a pas le temps de prononcer un seul mot que les portes de l'ascenseur s'ouvrent, interrompant ainsi notre discussion. Je sors sans même un regard en arrière priant intérieurement pour qu'il me rattrape.
Je l'entend m'héler. Je ne me retourne pas tout de suite laissant la tension augmenter encore. Lebrun n'est pas dupe. Il a compris mon insinuation.
Arrivé à ma hauteur, il me fixe dans les yeux tentant de me déstabiliser. Malgré tous les doutes qui me parsèment, je garde mon masque de froideur. "Ne jamais montrer de faiblesse".
- Que cherches-tu ? Dit-il, sans aucun détournement.
- Rien. Tranchai-je. C'est vous qui m'avez suivi.
La balle à nouveau dans son camp, j'attends sa réaction.
- Ne joue pas aux innocents. Je ne suis pas né la pluie dernière jeune homme. Alors je me répète, qu'as-tu à me dire? Et que veux tu en retour ?
Nous y sommes. Plus de marche arrière possible maintenant.
***
Le visage adossé à la vitre, je regarde le paysage défilé sans vraiment y prêter attention.
Je n'ai pas l'habitude de prendre cette route. À chaque arrêt une foule de gens entre. On est de plus en plus nombreux.
Alors que les portes du bus sont sur le point de se fermer, une jolie brune réussi à rentrer in extremis. Le souffle court et les joues rougies par l'effort, elle essaie d'arranger sa queue de cheval qui n'en est plus vraiment une.
Le frein brusque du chauffeur ne l'aide pas vraiment, vu que maintenant elle se retrouve par terre, ses affaires éparpillés un peu partout. Quelques uns l'aident, tandis que d'autres rigolent ou l'ignorent.
Pour ma part je me lève du siège et lui laisse ma place. Elle me remercie timidement et m'offre un sourire auquel je réponds naturellement.
Deux arrêts plus tard je la vois descendre. Tiens on n'habite pas si loin que ça apparament.
Le bus s'arrête une nouvelle fois et c'est à mon tour de descendre. Alors que je me fraie un passage entre les gens, je sens mon pied propulsait quelque chose. En baissant les yeux je remarque une carte d'identité que je récupère.
Un sourire traverse mon visage. Comme quoi même les jolies personnes ne sont pas gâtées par les clichés des cartes nationales. Rangeant le petit carré dans ma poche, je parcours les derniers mètres me séparant de la maison à grandes enjambées.
Après une longue journée, c'est avec soulagement que je rentre dans notre foyer. Je lance mes clés sur le meuble d'entrée, dépose ma veste sur une chaise et m'en vais me débarbouiller à la salle de bain.
En traversant le couloir, je remarque la porte de chambre de Maevis entre-ouverte. Je jette un coup d'œil et trouve Nessa entrain de border sa fille.
Comme le veut la coutume, ma sœur accompagne son récit par des gestes de mains précis, qui sous la lumière, forment des ombres projetées sur le mur d'en face, illustrant ainsi chacun de ses propos. Mi princesa l'écoute émerveillée, tout en essayant parfois de reproduire les mouvements de sa mère.
La voix de ma jumelle retentit comme une douce mélodie racontant les évènements de l'histoire.
" El Cuélebre le regarda avec de grands yeux verts et murmura d'une voix grave :
- Petit humain... n'as tu pas peur ?
- Un peu, répondit Diego, mais tu as plus mal que moi j'ai peur."

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