Chapitre 7

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Le bruit des ustensiles de cuisine remplit l'atmosphère. Sophie s'occupe du montage, moi de la préparation. Aujourd'hui, c'est Amanda qui tient la caisse.

Le temps que ma génoise cuit, j'observe le travail de la rouquine. C'est une vraie artiste. La finition de ses gâteaux est d'une telle finesse que j'ai l'impression d'avoir en face de moi une image retouchée. Le bip du four m'alerte. Je me remets au travail.

Ma collègue est une belle femme de trente trois ans. Mariée et mère d'un petit garçon de sept ans, elle a été la plus révoltée en entendant ce qui m'arrivait en ce moment.

Ça fait trois ans qu'on travaille ensemble, elle connait Maevis et l'a même gardée quelques fois. La voir me défendre et plaidoyer en ma faveur me touche énormément. Ce n'est pas la seule d'ailleurs, Amanda et même Audrey avait soutenu ma cause lorsque les services sociaux leur demandèrent leur avis.

La bonne entente et l'entraide qui caractérise Le Petit Palais est l'un des aspects qui me plaît le plus dans mon travail. Ce n'est pas tout le monde qui a cette chance là.

- Il n'y a plus de framboises. S'exclame la rouquine.

Sa décoration à moitié, Sophie cherche son ingrédient manquant sans le trouver. Un air dépité couvre à présent son visage. Apparemment elle n'apprécie pas le fait d'être interrompue en pleine création.

- Je vais voir ça avec Amanda, si tu veux. Lui proposai-je mon aide.

- Merci Nessa, c'est gentil. Je n'imagine pas sortir comme ça. Me dit-elle en montrant ses habilles blanchies par la farine.

C'est vrai que je suis plus présentable qu'elle. Elle a beau être douée pour le dressage, elle reste tout de même une vraie catastrophe niveau organisation. Je pars alors informer notre patronne de notre petit problème et prend sa place derrière la caisse le temps qu'elle passe deux, trois appels.

Je relève la tête en entendant la clochette de la porte tinter et sourit en voyant la personne qui vient d'entrer.

- Madame Sanchez, votre client le plus fidèle est arrivé. Lance Eden en venant à mon encontre.

- Dixit la personne qui n'est pas venu depuis maintenant deux semaines. Je m'attendais presque à voir ta photo accroché au mur avec une légende "porté disparu". Le taquinai-je en retour.

- Tient, ça aurait pu être une bonne idée. Peut être qu'avec ça on m'aurait cru kidnappé et on serait venu me sortir de chez mes parents. Répond mon ami théâtralement.

- Ta Juliette n'était pas au balcon pour te réconforter. Lancai-je sur le même ton.

- On fait honneur à notre réputation d'amants maudits. Grimace le châtain.

Anna et lui sont amoureux depuis toujours. Mais leurs parents, eux, c'est une autre histoire. Chaque fois qu'ils se croisent, on s'attend à une troisième guerre mondiale. Vu que les deux familles sont riches et imposantes, ça ne m'étonnerais pas de leur part.

Je remarque Eden me dévisager un instant avant de détourner le regard et s'abstenir de parler. Ma curiosité piquée au vif, je préfère lui demander.

- Qu'est qu'il y'a ?

Il reste un moment silencieux, réfléchissant sûrement à ces mots avant de me dire.

- j'ai eu vent de ce qui se passe avec Maevis. Il arrête le temps d'analyser ma réaction puis continue, je suis désolée, j'aurais voulu être à tes côtés. En tout cas maintenant, je suis disponible sept jours sur sept.

J'essaie de contenir les émotions qui me submergent. Parler de ce sujet me bouleverse toujours. J'ai hâte que cette enquête prenne fin. C'est seulement à ce moment-là que je pourrais respirer tranquillement. Je souris tout de même à Eden et le remercie pour son soutien. Savoir que je ne suis pas seule, que je suis entourée de personnes présent pour moi est la principale source qui me permet de tenir debout.

Après avoir acheté une brioche et un millefeuille, Eden s'en va à l'université. Il est à sa cinquième année de médecine. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai senti bizarre aujourd'hui.

***
Ma journée de travail finie, j'entre enfin à la maison. J'embrasse Maevis qui est allongée sur le canapé visualisant My Little Poney.

C'est Raphaël qui l'a emmenée et récupérée de l'école aujourd'hui. Après avoir su le motif du signalement, je redoute à présent cet endroit. Là où tout a commencé et dégénéré.

Je retrouve mon frère dans la cuisine entrain de préparer le dîner. Je l'observe en souriant. Il revient souvent tard à la maison, donc c'est vraiment rare de le voir derrière les fourneaux. En apercevant mon expression, il exagère ses mouvements et joue le rôle d'un chef étoilé. Ce petit numéro ne tarde pas longtemps vu qu'il était à deux doigts de se renverser dessus la sauce qu'il préparait.

Je m'en vais à ma chambre, me change et m'allonge de tout mon long, les bras ouverts sur mon lit. Je reste là sans rien faire à fixer le vide. Quelques minutes plus tard on toque. Je lance un "adelante" et mon frère apparaît à l'embrasure de la porte.

- Le dîner est prêt. M'informe-t-il.

Plongée dans un état de léthargie, je ne réponds rien et reste plantée à ma place. Avec toute la délicatesse qui le caractérise, Raphaël me pousse sans ménagement. J'essaie de résister mais il finit quand même allongé à mes côtés.

- Le plafond est blanc d'une blancheur qui ferait blanchir un fantôme blanc. Cette blancheur est tellement blanche que ...

- Rapha tu soule. Je le coupe en plein milieu de son délire.

- Ben quoi ? Je ne fais que partager tes loisirs melliza. Me répond-il, avant de poursuivre, à part si tu ne veux plus contempler ton plafond. Dommage je n'ai pas fini mon analyse.

Je roule des yeux pour lui montrer mon agacement. Tentative ratée car je ne peux m'empêcher de sourire. Après quelques minutes de silence, je lui avoue dans un soupir.

- Je suis fatiguée mellizo.

Je m'arrête un moment puis continue.

- J'ai l'impression d'échouer encore et encore.

Mon cœur se serre mais ces mots longtemps contenus dans mon esprit se déverse sans contrôle.

- Je me demande parfois s'ils n'ont pas raison ? Que je n'arrive sûrement pas à prendre soin d'elle. Que je ne lui offre pas la vie qu'elle mérite. Je ne suis peut-être pas une aussi bonne mère ?

Ma voix se brise à ses derniers mots. Les larmes me montent aux yeux et j'attends la réponse de mon frère qui tarde à venir.

- Peut-être. Tout dépend de comment on voit les choses.

Ne trouvant pas quoi dire , je reste muette. Je m'attendais à tout sauf à ça. Que veut-il dire par là ? Est ce que lui aussi pense cela de moi ? J'ai l'impression qu'une sentence vient de s'abattre sur moi. Les gens c'est une chose. Mais que mon propre frère, la personne qui m'ai le plus proche au monde pense ça, c'est destructeur.

- Ce n'est pas toi qui racontait l'histoire de El Cuélebre à Maevis il y'a quelques jours. Finit-il par dire.

Je fronce les sourcils ne comprenant pas où il veut en venir. Quel relation a cette légende avec notre sujet ?

- Dans la majorité des légendes, El Cuélebre est décrit comme une créature imposante et effrayante. Les humains la craignent et seul le héros de l'histoire réussit à la vaincre et s'empare finalement des trésors. Mais la version que tu racontes toi, est celle où El Cuélebre est acquitté. Alors que tout le monde le voit comme un monstre, il ne fait en réalité que protéger son trésor.

Les larmes me montent aux yeux. Mais cette fois-ci, ce n'est pas de la tristesse. J'ai l'impression de délaisser un poids énorme. Mon âme plus légère, mon cœur s'apaise et reprend un rythme normal. Après des jours à me dénigrer et encaisser le regard des autres. Ces mots me réaniment, ils me donnent le droit de respirer, de vivre un temps soit peu. Et c'est dans un mélange de pleurs et de rire que je lui dis.

- Tu me compares vraiment à un serpent ailé qui crache du feu ?

- Vous êtes tout les deux des créatures mythiques, bruja ( sorcière). Me répond-il en hochant les épaules.

- Cretino ! Lui dis-je en tapotant son épaule d'une main et essuyant mes larmes d'une autre.

- y una princesa, s'écrit ma fille qui venait d'arriver tout en se lançant vers nous.

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