Chapitre 11

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Une serviette à la main, mon père éponge mes cheveux qui ruisselaient d'eau.

- Ne sors plus sous la pluie. Tu risques d'être malade. Me gronde-t-il.

Je bougeonne sur place tout en me triturant les doigts.

- Mais pourquoi je tomberais malade? Je trouve ça beau moi. Si j'aime la pluie peut être qu'elle aussi m'aimera ?


Mon père sourit et secoue la tête de droite à gauche.

- Tu es donc comme Lucia et Diego. Dit-il d'une façon énigmatique.

Ma curiosité piquée au vif, je me retourne brusquement pour en savoir plus.

- C'est qui Lucia et Diego ? Lui demandai-je.

Laissant le suspense durer encore, mon père s'applique à me sécher les cheveux. Après un petit moment de silence, il se décide enfin à m'éclairer.


- Il y a de cela des années, alors que tout le monde chantait et dansait joyeusement La Noche de San Juan, le ciel s'assombrit soudainement. Des nuages lourds se glissèrent au-dessus des collines, et les villageois craignant l'orage se réfugièrent aux premiers grandements de tonnerre. À l'exception de deux personnes restées dehors, Lucia et Diego. La jeune femme, le sourire aux lèvres tendit les bras vers le ciel, accueillant joyeusement les premières gouttes. Diego, admirant tendrement sa bien aimée, attrapa la main de cette dernière. Ils valsèrent ensemble toute la nuit, au rythme de la pluie, sous la lumière des éclairs. Le lendemain matin, le village découvrit les champs plus verts, les fleurs ouvertes et les rivières apaisées.

Et ceux qui avaient vu Lucía et Diego danser la veille jurèrent que, depuis ce jour, leur amour ne connut jamais la sécheresse ni la peine. On dit que cette pluie était les larmes bienveillantes du ciel, venues bénir ceux qui s’aiment sincèrement. Et depuis, on raconte dans les villages d'Espagne , " Si la pluie tombe la nuit de San Juan, elle lave les peines et promet un amour durable."

Émerveillée, je m'empresse de demander à mon père :

- Ça veut dire que moi aussi je suis bénite maintenant ?

Toujours accompagné de son sourire mystérieux mon père répond:

- Peut-être qu'un jour je te le dirai.

- Mais papa! Protestai-je.

- Il faut bien que tu le mérites niña.


2h10

N'en pouvant plus de me retourner encore et encore dans mon lit, je décide de me lever. Je tourne la tête à droite et constate que Maevis et Raphaël dorment. Le temps de trouver un appartement, on louait une chambre d'hôtel avec deux lits simples et un d'appoint pour ma fille. Je prends ma veste, mon téléphone et sort faire un tour dehors. Arrivée au porche de l'hôtel je m'arrête un moment. Un pas suivi d'un autre, je me retrouve à découvert.

" Mon grand père m'a légué des biens."

Ma peau frissonne, est-ce de froid ?

" Je vous recontacterai dès que le contrôle sera planifié."

Sous la pluie, mes habits me collent à la peau.

"On pourrait s'aider mutuellement, toi et moi."

Le tonnerre gronde, criant le désarroi que je garde en moi. Parfois le silence est plus bruyant que n'importe quel son.

De retour à la chambre j'embrasse le front de Maevis après m'être changée. Mon regard se tourne à nouveau vers la fenêtre, comme aspiré par cette pluie qui me trempait il y a peu. La nuit de San Juan était en juin. Nous sommes en Janvier. Lucia et Diego étaient amoureux. Eden et moi sommes amis. On était bien loin de La Lluvia de San Juan.

***
Le lendemain matin, je me retrouve assise dans le hall d'entrée de l'hôpital. Pas de verdure ni de fleurs. Tout ce qui m'entourait, c'était des murs d'une blancheur déroutante et une forte odeur de désinfectant. Ici les gens ne chantaient pas, ils gémissaient.

Après un moment d'attente, je vois mon ami en blouse se diriger vers moi. Ses yeux cernés m'indiquaient que lui aussi, sa nuit a été courte.
Arrivé à ma hauteur, il me lance d'une traite :

- C'est carrément du délire, je suis entrain de déconner c'est ça ? En fin de compte je devrais peut être réellement faire un tour au service psychiatrique.

Cela peut paraître égoïste mais j'étais rassurée de le voir dans cet état. Je n'étais donc pas seule à me torturer l'esprit sans relâche.

- Alors tu ferais mieux de prendre un tour pour deux dans ce cas-là.

Un blanc s'installe. Les sourcils froncés, Eden me dévisage comme si je venais de faire une pirouette en salle d'opération.

- Quoi ? Finit-il par dire toujours sous le choc.

Je soupire et reprend ses mots :

- Je crois qu'on pourrait bien s'aider mutuellement toi et moi.

Eden stupéfait, ne prononce aucun mot. Il se contente simplement d'hocher la tête. Notre pacte était donc scellé de cette façon. Car ni lui, ni moi, n'osons dire les choses clairement.
Dans mon histoire le soleil n'était pas apparu car ma tempête venait tout juste de commencer.

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