Chapitre 12
( point de vue Raphaël)
- EURL Renov'Avenir, clos le 02/06/2023. - SARL Éco Travaux, clos le 26/04/2023.
- SARL Azur Distribution, clos le 12/11/2023.
Debout, face à Monsieur Dominique, je rapporte les dires du comptable concernant notre dernière affaire.
- Donc tous ses virements ont été effectués vers des entreprises fermées. Confirme Dominique.
- Effectivement, mais le plus intéressant c'est que tous ces comptes, deux jours après le versement de Thomas, font à leur tour un virement avec la même somme vers un seul et même compte. Complétai-je.
Thomas Gauthier est l'époux de notre cliente Mme Léa Gauthier. Marié depuis cinq ans maintenant, Thomas demande subitement et sans raison apparente le divorce. Mme Gauthier bouleversée, est donc venue à notre bureau pour l'en empêcher. Mais en étudiant les revenus financiers du couple, j'ai remarqué que tout les 3 mois, le même jour, le mari faisait des virements de leur compte commun vers d'autres comptes qui, apparemment appartiennent à des entreprises fermées. Autrement dit, il détournait de l'argent.
- Il nous faudra donc informer Mme Gauthier d'abord, puis, déposer un nouveau procès, cette fois-ci, pas pour manque de raison valable du divorce mais pour détournement d'argent et divorce pour faute. Explique mon encadreur.
***
Quelques heures plus tard, je me retrouve dans le parquet du palais de justice. Le dossier du couple Gauthier à la main, j'informe le procureur de notre nouvelle procédure.
Adhérant à mes dires, il convoque son assistante de justice pour classer ce dossier et définir un jour d'audience.
C'est ainsi que mon regard se retrouve happé par ses yeux noisettes. Ces boucles brunes étaient cette fois-ci relevées dans une queue de cheval impeccable. Les sourcils froncés, elle me dévisage surprise un court moment, avant de reprendre son sérieux et d'exécuter les consignes de son supérieur.
Mon travail fini, j'attends dans le parvis, l'arrivée de la jolie brune. Vu l'heure, sa journée de travail doit être terminée. Quelques minutes plus tard je la vois sortir du bâtiment.
- Bonsoir. Dis-je à son encontre.
Elle sursaute en se retournant vers moi. C'est vrai que l'interpeller par derrière n'était pas le meilleur choix.
- Bonsoir. Répond-elle perplexe.
Elle me regarde circonspecte, tandis que moi je souris joyeusement. Ça fait deux semaines que je prends le même bus pour la retrouver. Et voilà que je tombe sur elle ici, au palais de justice.
- Vous êtes là fille du bus n'est-ce pas ? Demandai-je sans pour autant attendre une réponse. Donc vu que nous allons dans la même direction, on pourrait partager un bout de chemin ensemble.
- Si vous voulez, souffle-t-elle sans conviction.
Elle reprend ensuite la route comme si je ne l'avais jamais abordé.
Pas le moindre du monde vexé je marche tranquillement à ses côtés. Je l'aperçois me lancer à mainte reprise, des coups d'œil furtifs mais je fais semblant de ne rien remarquer.
Une fois dans le bus, elle décide finalement de briser le silence :
- Vous prenez souvent cette ligne ?
- Parfois. Dis-je en haussant les épaules. Et vous ?
- Tout dépend. Répond-elle brièvement.
Elle tourne ensuite sa tête vers la fenêtre et passe les minutes qui suivent à observer le paysage défilé.
Cette fois-ci, je prends l'initiative de relancer la discussion.
- Je ne pensais pas vous voir dans le palais de justice, Jessica.
- Je...
Sa réponse suspendue, elle se retourne brusquement vers moi. Je n'étais pas censé connaître son prénom.
Elle me regarde suspicieuse, tandis que je souris malicieusement.
- Comment avez-vous su mon prénom ? Demande-t-elle au bout d'un moment.
Je laisse le suspense durer un peu, avant de me pencher légèrement vers elle et de lui murmurer sur un ton de confidence :
- J'ai un don pour deviner les prénoms.
Elle croise les bras et lève un sourcil :
- Sérieusement ? Lance-t-elle blasée.
- Vous pouvez vérifier si vous voulez. la défiai-je en montrant d'un geste de main les passagers.
Elle soupire longuement avant d'indiquer un jeune homme, assis deux rangées avant nous.
Surpris mon regard balance entre elle et le garçon. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle entre dans mon jeu.
Je m'éclaircis la voix et lance confiamment :
- Salut Jean. Comment allez-vous ?
Dans un sourire triomphant, je l'observe se retourner à la recherche de son interlocuteur.
Je lui fais signe de ma main pour qu'il me remarque :
- Bien et vous ? Heu... On se connait ? Demande-t-il en me dévisageant.
Jouant mon rôle jusqu'au bout, je continue :
- Ah désolé. Je vous ai confondu avec quelqu'un d'autre.
Jessica, les yeux ronds comme des soucoupes s'enquiert de demander :
- Attendez . Vous vous appelez vraiment Jean ?
- Heuu... Oui. Répond le garçon perdu.
- C'est une blague! Vous vous connaissez n'est ce pas ? Insiste-t-elle.
Sûrement inquiet par cette discussion bizarre, Jean préfère descendre du bus. Ma compagne de route ahurie me lance un regard mélangeant peur, surprise et doute.
Peinant à contenir mon rire, je décide de l'éclairer enfin.
- Je ne connais vraiment pas cet étudiant, dis-je dans un premier temps, mais ce n'est pas la première fois que je le croise ici. Il parle tout le temps au téléphone et est plutôt du genre bavard. C'est-à-dire que je connais même le nom de sa grand-mère, Bernadette.
Un peu rassurée, je la vois sourire à son tour mais ce n'est pas pour autant qu'elle perd le nord, puisqu'elle me demande :
- Et moi alors ? Comment avez-vous su?
- Vous avez perdu votre carte d'identité dans le bus l'autre fois. Je l'ai trouvée et remise au commissariat.
- Merci. Dit-elle soulagée.
- De rien, Jessica Moreau. Répondis-je.
Plus détendue, elle me notifie :
- Pour ma part c'est déjà fait. C'est donc à votre tour de vous présenter.
- Vous ne voulez pas deviner ? La taquinai-je.
Elle rigole discrètement en secouant légèrement la tête.
- C'est votre don à vous, pas à moi. Mais je dirais quelque chose à connotation espagnol si je me fie à votre léger accent.
- Effectivement, je suis espagnol. Je m'appelle Raphaël Sanchez. Encantado (enchanté).
- J'espère que vous vous contenterai de ce mot Raphaël car il s'avère que j'ai pris l'option allemand à l'école. Plaisante-t-elle.
- On peut parler allemand si vous préférez.
- Vraiment ? Demande-t-elle impressionnée.
- Non, je suis débrouillard mais pas à ce point.
- J'aurais tendance à dire vantard. Souligne-t-elle dans un sourire espiègle.
- Chacun sa perception des choses, mademoiselle Moreau.
Son sourire s'étendit, s'apprêtant à riposter, mais les portes du bus s'ouvrirent sur son arrêt, mettant ainsi fin à notre discussion.
Résignée, elle se lève pour descendre du véhicule.
- À la prochaine Jessica. Dis-je avant qu'elle ne sorte.
- À un de ces jours Raphaël. Me répond-elle dans un sourire avant que le bus ne redémarre.
Et chacun de nous continua sa route sans se douter que ce jour-là changerait tout.

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