Chapitre 15
(point de vue Raphaël)
- Le tribunal prononce le divorce aux torts exclusifs de M. Gauthier, le condamne au paiement d'une pension compensatoire et ordonne la réintégration des fonds détournés dans l'actif commun. Conformément à l'article 40 du Code de procédure pénale, une copie du dossier serait transmise au procureur de la République.
La sentence du juge est déclarée, l'affaire est à présent transmise au service pénal. On a gagné l'audience, mais les larmes de notre cliente traduisent son effondrement, non sa joie.
Notre victoire est teintée de mélancolie, mais cela ne semble pas déranger Dominique qui s'engage sans un regard pour Mme Gauthier dans le corridor du tribunal.
Je lance un regard désolé à notre cliente, avant de suivre mon supérieur comme une ombre. La tête haute, mon encadreur marche droit devant lui en me donnant les directives à suivre. Pour lui, les gens ne sont que des noms sur papier.
- Il nous faudra rassembler des témoignages pour le dossier Baptiste. Assure toi que ce soit prêt d'ici demain soir.
Sans attendre de réponse, il entre dans son véhicule et s'en va.
Je ferme les yeux et inspire longuement.
Je rêve du jour où je n'aurai plus à travailler pour lui.
Un coup d'œil à ma montre, et ma décision est aussitôt prise. Les témoignages attendront, en ce moment j'ai plus urgent.
***
C'est ainsi que je me retrouve dans un bureau que je côtoie de plus en plus, ces derniers temps.
- La situation est à présent différente, et par conséquent la démarche à suivre aussi. Dis-je à l'intention de Lebrun. Vanessa s'est mariée et cela change tous les comptes.
- Je ne pensais pas qu'elle agirait aussi rapidement, lorsqu'elle m'a demandé mon avis la dernière fois. Me répond-il sournoisement.
Il doute. Et ce ne sera pas le seul à le faire. Je souris innocemment comme si de rien n'était.
- L'amour n'est pas régi par des lois. Il n'a pas de lieu ou de temps.
- Pour ce qui est de mon expérience, l'amour n'est pas aussi rapide. Mais la peur, elle, oui.
Son sourire en dit long sur ses pensées. Il n'est pas dupe, il a compris. Mais je ne peux me permettre de confirmer ses soupçons. Ni lui, ni aucun d'autre. Je ravale ma salive et contre dis :
- C'est gentil de vous inquiéter pour nous. Mais vous savez, la vitesse qui devrait vous intéresser, n'est pas celle des sentiments de ma sœur mais celle du véhicule de Valcourt dans le procès de votre frère.
Il n'est pas le seul à connaître les faiblesses de son adversaire. J'en use alors, à mon avantage. Lebrun ne se démonte pas, il reste calme et stoïque, comme si cela lui passait au-dessus de la tête.
- Le mariage sincère de votre sœur pourra être en sa faveur. Me dit-il en insistant sur le mot "sincère". Mais pour cela il faut prouver que son conjoint est apte à prendre soin de Maevis et que le nouvel environnement qu'ils lui offrent est sain.
- Eden Delorme, 23 ans, étudiant en cinquième année de médecine, stagiaire à l'hôpital, vendeur au supermarché à temps partiel. Il est issu d'une famille riche, a son propre appartement et est considéré comme fils prodigue. Décris-je mon "beau frère" à notre avocat.
- Autrement dit un profil haut de gamme. Donc tout ira bien pour ta sœur. Me dit-il d'un ton chargé de sous entendus.
- Oui tout ira bien. Confirmai-je confiant.
Enfin pour cela il faut qu'on prépare tout au moindre détail. Mais cela, Lebrun n'a pas besoin de le savoir.
- Nous pouvons passer alors à l'affaire de mon frère. Comme ça tout sera réglé dans les deux côtés.
Comme il me l'avait dit lors de notre première rencontre, c'est donnant donnant.C'était donc à mon tour de remplir ma part du contrat.
- Il n'y a pas de caméra dans la traverse, donc pour prouver l'excès de vitesse, vous devez vous baser sur les clichés pris par la police technique. En se basant sur la position des voitures et les dégâts apparents dans les photos, vous pouvez tirer l'enquête vers la supposition que les deux conducteurs sont fautifs. Expliquai-je dans un premier temps.
- Ne me dit pas ce que je connais déjà Sanchez. Et puis, les clichés suffisent à emmètre le doute mais cela n'affirme rien et donc ne changera pas la décision du juge. Il nous faut quelque chose de plus concret. Riposte-t-il sèchement.
- Effectivement. Ce n'est pas pour cela que vous avez besoin de moi. Lançai-je dans un sourire.
Plus je me rends utile, plus j'affirme ma position en face de lui. Ce qui me permet d'être à son niveau et non le faible pion de l'histoire.
- Dans un premier temps, tout les projecteurs ont été dirigés vers votre frère comme premier responsable, ce qui a permis aux Valcourt de camoufler et réparer rapidement les dégâts de la voiture qui pourrait prouver leur part de responsabilité. MecaPro, 48 Boulevard de la Libération, c'est l'adresse du mécanicien. À vous d'agir maintenant.
Lebrun prend l'adresse que je lui ai donnée. À présent, il doit faire en sorte de convaincre le mécanicien de témoigner pour sa part.
Mais au lieu de s'occuper de cette information que je lui ai fourni, Lebrun me fixe longuement. J'essaie de garder la face mais son attitude me trouble. Qu'est ce qu'il lui arrive ?
Après ce silence lourd, il finit enfin par dire :
- Tu es intelligent et compétent Sanchez. Mais tu manques quand même d'expérience. À force de sauter les étapes, tu risques de te brûler les ailes.
Sa voix était solennelle. Est-ce une menace ? Un avertissement ? Je ne sais pas. Mais cela me donne des sueurs froides.

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