Au sommet du monde.
Maxime Montalban était un homme de rigueur. À trente-cinq ans, il trônait au sommet de Superna Corps, une entreprise dans le secteur de la technologie — principalement dans les télécommunications, mais avec des ambitions encore plus vastes. Dans son bureau chic, offrant une vue panoramique sur les toits haussmanniens de Paris, il était assis dans un fauteuil en cuir noir, vêtu d’un costume trois pièces taillé dans une laine d’un violet profond, presque noir, rehaussé d’une cravate en soie argentée.
Ses longs cheveux d’un noir d’encre étaient tirés vers l’arrière dans une queue de cheval rigide et impeccable, signalant qu’aucune mèche n’était autorisée à déborder. L’ordre régnait, y compris sur son propre corps.
La seule chose troublant la quiétude matinale était le froissement des pages du Parisien sous ses doigts.
Mademoiselle Dubois, sa secrétaire, entra sans frapper et déposa un mug de café sur l’immense bureau d’acier brossé.
— Un excellent début de semaine, Monsieur Montalban. L’accord avec Triton Dynamics a été finalisé ce matin, comme vous l’aviez prédit. Et Madame Valois a confirmé que la petite Antonia a obtenu une note parfaite à sa dernière évaluation.
Maxime hocha à peine la tête.
— Une note parfaite. Bien sûr, je n’en attendais rien de moins.
Il ignora la mention de Triton Dynamics, son attention se portant sur la première page du journal dans ses mains. Maxime lut le titre : « Mystère de la Rue des Belles-Feuilles : la famille s’est-elle simplement éteinte ? »
— Simplement éteinte, murmura le PDG d’une voix froide.
Mademoiselle Dubois s’approcha, ayant ainsi une vue plongeante sur la couverture du quotidien.
— Ah, l’affaire de la rue des Belles-Feuilles. C’est bizarre, Monsieur. Très étrange. La famille entière — Marc, Sophie et leurs trois enfants — a été retrouvée à leur domicile. Aucune effraction, aucun signe de lutte, et l’autopsie n’a révélé aucune cause de mort.
Maxime posa le journal sur son bureau, puis s’empara de son téléphone portable. Il fit défiler sa liste de messages avant de sélectionner celui venant d’un expéditeur nommé Surveillance. Lorsqu’il l’ouvrit, la dernière localisation du sujet, envoyée deux heures plus tôt, s’afficha : le sujet était allongé près d’une benne à ordures dans une allée à dix kilomètres de son bureau.
Cet emplacement lui parut insignifiant, mais l’inutilité de l’information était une offense à son sens de l’ordre. Le dispositif savait où elle était, mais ne pouvait rien contre ce qu’elle représentait. C’était le désordre dans sa forme la plus pure. La simple existence d’Ace était un fléau.
Max se souvint soudain d’une alerte de l’application de surveillance, quatre ans plus tôt, lorsque sa sœur s’était approchée d’une filiale de Superna Corps, sa démarche lente et léthargique, comme à son habitude. Ce jour-là, Maxime avait ordonné une évacuation du bâtiment, prétextant un exercice d’évacuation et de relocalisation. Quand Ace était arrivée, plus personne ne se trouvait à l’intérieur. Les LED du couloir avaient viré au cyan avant de s’éteindre. Les caméras de surveillance l’avaient vue monter au dernier étage, où elle s’était allongée dans le bureau de direction, cherchant le sommeil avant de reprendre sa quête.
— Mademoiselle Dubois, annulez tous mes rendez-vous de la matinée, ordonna Maxime, la voix redevenue parfaitement neutre. J’ai un problème d’exposition à gérer. Appelez Irène Valois sur sa ligne sécurisée et dites-lui, mot pour mot, de placer un périmètre autour du sujet de surveillance. Puis, contactez Roxy Valois et répétez-lui, mot pour mot, la requête envoyée à sa sœur.
La secrétaire acquiesça, notant rapidement ses instructions.
— Très bien, Monsieur Montalban, je m’en occupe.
Une fois qu’elle eut quitté le bureau, Maxime jeta un coup d’œil à sa montre en céramique noire mate. 08 h 25. Très bien. Il était encore tôt. Décidé à se remettre au travail, il ouvrit sa boîte mail et commença à inspecter les dernières correspondances reçues. Naviguant entre les courriers inutiles et ceux plus importants, il prit soin d’inspecter chaque message de manière méthodique. La confirmation de l’accord avec Triton Dynamics, une société de matériel aérospatial aux États-Unis, était une avancée formidable vers son objectif : parcourir les étoiles, terraformer des planètes et bâtir un empire commercial au-delà de la planète bleue. Son ambition inarrêtable ne lui permettrait pas moins.
Une fois qu’il eut répondu favorablement aux dernières questions et requêtes de son nouveau partenaire commercial, Maxime continua la lecture de ses mails. Soudain, son attention fut attirée par un message intitulé simplement URGENT, envoyé par un nom qui lui était familier : Inès Karpel. Son premier réflexe fut de supprimer la missive sans y prêter attention. Il connaissait cette femme et lui faisait autant confiance qu’à un lion affamé. Cependant, sa raison prit le dessus sur son impulsion, et il ouvrit le message.
« Max,
Des idiots copient le dernier prototype de tes joujoux. Mal, évidemment. Ils pensent se remplir les poches avec cette idée foireuse. Tu me connais. Tu sais que je ne plaisante pas avec la valeur des choses. Je sais que notre relation n’est pas vraiment au beau fixe, mais tu restes de mon sang.
Pièces jointes : adresses, flux, visuels. Fais-en ce que tu veux. Ou n’en fais rien. C’est ton trône, pas le mien.
Inès. »

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