Le paresseux défoncé
de
Tarbouche
“ Ta gueule bordel…. Ferme ta putain de gueule, quelle heure il est ? ”. Le portable posé sur l’oreiller d’à côté indique 8 heures 46, il sonne depuis plus de deux heures. “ Putain...Bah je vais être en retard pour mon TD de 8 heure moi… ”. Voilà comment commencent toutes mes journées. Par l’infinie mollesse de celui qui n’a pas assez dormi. “ Lève toi, prends ta douche, va en cours, chope ton diplôme, trouve toi une femme, un pavillon, paie tes factures et tes impôts, fais des enfants, achète un chien et une berline. Et surtout, va bien te faire enculer ”. Liturgie de motivation matinale.
Je me lève de mon futon. Les portes de mes colocs sont ouvertes, ils sont déjà partis. Eux. Au moins j’ai le temps pour la salle de bain. L’eau brûlante. Chacun sa drogue, sa carotte, son étoile à suivre. La mienne c’est la douche. L’eau pulvérise et irradie ma peau qui ne tarde pas à rougir. J’ai mal, c’est que je suis bien vivant…Le même rituel, tous les jours. Ma cérémonie du thé. Le même peignoir, les mêmes chaussons pikachu trop grands. “ Qu’importe. Habille-toi et magne-toi, va jouer à faire semblant. ”
Passe le trajet à pied, dans le froid et l’humidité de cette putain de région. Les grilles de l’école s’arrachent à la brume. “Ça manque d’un gros chien de garde quand même. Allez, c’est parti ”. Je rentre et décoche les mêmes sourires enjôleurs et poignées de mains vigoureuses à des gens qui pensent que je les apprécie. Je n’ai plus besoin de masque, c’est trop facile. La pause se finit, j’ai croisé des gens, j’ai discuté avec eux, mais comme toujours, je n’ai rien écouté. Idem pour le cours magistral. Je suis celui qui entend mais qui n’écoute pas. Je ne suis pas dans ma bulle, je suis dans mon armure. Elle me protège des autres autant qu’elle vous protège de moi. Derrière mon heaume, personne ne peut deviner.
Je reste jusque tard pour travailler, par habitude. Il n’y a presque personne dans les locaux, j’ai mon coin, au calme. Si les gens me cherchent, ils savent où venir. Le soir je deviens le druide dans sa forêt. Ceux qui ont besoin d’aide viennent et demandent. Je n’ai jamais su pourquoi. Et du jour au lendemain je suis devenu le kairos de ce lieu. C’est absurde. Fatigué par les trop nombreux cafés de la journée, je range mes affaires et rentre tranquillement chez moi.
Sur le trajet du retour, je pense déjà au tas de saloperie que je vais prendre pour oublier cette journée de merde. J’ai l’embarra du choix… Avec deux pintes, Khachaturian et Korsakov enlacent mon esprit. Ajoutez à cela des shooters de chartreuse, d’arak, de vodka ou de jagër et vous avez un avant-goût du paradis où les gladiateurs font leur entrée, titubants, hagards et trop lâche pour défier la vie. Et puis viens le temps béni du protoxyde d’azote. Les panthéons ne sont jamais aussi près de moi, alors que j’inhale l’oxyde nitreux. Mon corps entier se contracte, implorant de l’oxygen. Mon cœur se mettra à battre de plus en plus fort jusqu’à vouloir exploser dans ma cage thoracique. Mes jambes quant à elles, seront engourdies et tremblantes. Mon esprit divaguera jusqu’à la cime de l’olympe et je rirai comme un diable sans aucune raison, la gorge lacérée par les valeurs d’alcools et les fumées des narguilés et des joints. Ces réjouissances me galvanisent, je presse le pas le visage béa.
Le palier de la maison, enfin. Cette armure est lourde mais déjà les rires des invités permanents la font s’évaporer. Le long couloir débouche sur le salon. De là, je vois quelques personnes attablés. Elle est là. Les habituels salamalecs aux mêmes imbéciles. Mais elle est là alors tout ira bien. Elle me voit, sourit et s’exclame “ Mon totoro, c’est pas trop tôt !”. Je lui fais la bise, par politesse évidemment. J’aimerais lui répondre par un “ Je préférerais être ton amant ” susurré. Je me tais. C’est la seule avec qui je n’ai pas envie de parler, de tout foutre en l’air. Je me tais. Elle repartira. Elle reviendra. D’ici là, passe moi le calva.
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