3. Un pas de plus vers la science-fiction contemporaine

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3. Un pas de plus vers la science-fiction contemporaine

George Lucas a trente-trois ans lorsqu’il réalise Star Wars, son troisième film. Le premier, THX 1138 (1970), est un film d’anticipation. Le deuxième, American Graffiti (1973), est une chronique de la jeunesse des années 60, et le troisième, Star Wars (1977), un space opera. Mais ce dernier est un cas particulier si nous considérons la classification contemporaine de la science-fiction car il est au croisement de plusieurs genres. À la fois space opera classique par son côté western, fantasy par ses aspects héroïques, il sort du genre science-fiction par ses allusions à la Seconde Guerre mondiale.

L’histoire est simple : à une époque indéterminée et dans une « lointaine galaxie », les rebelles, conduits par la princesse Leïa Organa, s’opposent aux forces de l’Empire sous l’égide du seigneur Sith Darth Sidious. Ayant réussi à obtenir les plans d’une arme de destruction massive, l’Étoile noire, la princesse les confie à un petit robot, R2-D2, et l’envoie sur la planète Tatooine avant d’être faite prisonnière par le sombre Darth Vader. Sur Tatooine, R2-D2 doit trouver Obi Wan Kenobi, le dernier chevalier Jedi doué d’une immense puissance, et dernier espoir des rebelles, afin de lui remettre les plans. Sur son chemin, il croisera un droïde, C-3PO, Luke, un jeune homme intrépide qui deviendra l’élève de Kenobi, et Han Solo, un contrebandier de l’espace. Ensemble, ils sauveront la princesse d’une mort certaine et détruiront l’Étoile Noire. Mais Darth Vader parvient à s’enfuir…

La trame est proche d’une série B des années 50. C’est le mélange des sous-genres qui en fait sa force. Les chevaliers ont remplacé les cow-boys. Les empires se heurtent avec fracas. Le bien et le mal s’opposent. Le récit possède la simplicité et le dynamisme d’une bande dessinée d’aventures. L’espace et la mythologie font bon ménage. Deux autres épisodes suivront : The Empire Strikes Back (1980), filmé par Irvin Kershner, et Return of Jedi (1983), filmé par Richard Marquand. George Lucas supervise le tournage des deux.

Si, jusque vers la fin des années 80, il ne faisait aucun doute que la trilogie de Lucas était un space opera, aujourd'hui ce n’est plus le cas avec la variété des sous-genres actuels que nous pouvons qualifier, à la manière de l’art pictural, de contemporaines. En nous référant à cette classification, pour être un space opera, le récit doit se passer majoritairement dans l’espace et ne réserver qu’un traitement mineur à l’environnement planétaire. Or, une partie de chacun des trois films se passe sur des planètes différenciées les unes des autres par leur faune et leur flore notamment. George Lucas a apporté un soin particulier à la variété des lieux. Actuellement, le sous-genre qui correspond le plus à Star Wars, et à ses suites, est le planet opera[1][2].

Star Wars a relancé le space opera, et par cela même la science-fiction, sur une voie plus commerciale que celle de 2001, A Space Odyssey. Voie dans laquelle vont s’engouffrer des films comme The Black Hole (1978), de Gary Nelson, Battlestar Galactica, (1978), de Richard A. Colla, Starcrash, (1979) de Luigi Cozzi ou Buck Rogers in the 25th century, (1979) de Daniel Haller. En 1979, sort un film que le public qualifiera de croisement entre 2001, A Space Odyssey et Star Wars, Star Trek, The Motion Picture, réalisé par Robert Wise[3].

Ce dernier film a la particularité d’avoir un public acquis avant sa sortie cinématographique puisqu’il s’agit de la transposition de la série de Gene Roddenberry, Star Trek (1966-1969), le premier space opera télévisuel.

Le film mêle habilement action et philosophie. Au XXIIIe siècle, l’Humanité a conquis les espaces et rencontré de nouvelles espèces extraterrestres qui se sont alliées à elle. Différents représentants de ces espèces composent l’équipage du vaisseau Enterprise dirigé par l’humain James T. Kirk. Il est secondé par un scientifique moitié humain, moitié vulcain, le docteur Spock. Leur première mission sur grand écran consiste à sauver la Terre d’une force destructrice venue de l’espace.

De nombreux films donneront suite à ce récit mais, seul le huitième de la série, Star Trek, First Contact (1997) réalisé par Jonathan Frakes, retrouvera les qualités esthétiques et le souffle philosophique du premier. Ce n’est plus le Capitaine Kirk qui est aux commandes du nouveau vaisseau, l’Enterprise D, mais le Capitaine Jean-Luc Picard. L’équipage est celui de la seconde série télévisée, Star Trek Generations (1987-1994). D’anciens ennemis de Picard, les Borgs, menacent de détruire la Terre. L’Enterprise parvient à les éliminer. Toutefois, l’une des unités ennemies parvient à s’échapper et à remonter le temps. Le vaisseau la suit et arrive sur la Terre avant l’arrivée des borgs, à une époque où l’homme n’a pas encore rencontré les extraterrestres (les vulcains), « au milieu du XXIe siècle », « approximativement dix ans après la troisième guerre mondiale », « le 4 avril 2063, soit la veille du Premier contact ». Dès lors, entre L’Enterprise et les Borgs, entre Picard et la reine des Borgs, s’engage une lutte qui ira jusqu’à une annihilation presque totale du vaisseau et de son Commandant.

L’annihilation est aussi le but de l’alien qui envahit le Nostromo, le cargo du film de Ridley Scott, Alien (1979). Ici, chaque élément pris séparément ne possède rien de novateur. Nous pourrions comparer le récit à une version spatiale des Dix petits nègres d’Agatha Christie. La différence est que le « huitième passager » en question n’est pas un membre de l’équipage, et encore moins du genre humain. De plus, comme le démontreront les suites, il ne tue pas par vengeance mais par nature ou par instinct. Enfin, ce passager s’adapte à son environnement. Il est aussi possible de comparer le Nostromo à une maison hantée, et le monstre à un revenant. Il n’est, par ailleurs, jamais montré dans sa totalité. L’image que nous avons de lui provient des suites et de la documentation journalistique. Jusqu’au deuxième film, celui de James Cameron, Aliens (1986), la créature restera un véritable mystère. Alien peut être considéré comme un space opera mais il s’agit plus de la transposition d’un film d’horreur dans le futur et dans l’espace.

Hormis la dizaine d’autres Star Trek réalisés dans les années 80, 90 et 2000, une suite à 2001, A Space Odyssey réalisée par Peter Hyams, intitulée 2010, The Year we made contact (1983) et quelques films qui n’auront pas l’intérêt de leurs illustres prédécesseurs, il y aura peu de véritables films de space opera entre le milieu des années 80 et la fin des années 90. C’est une coproduction franco-américaine qui, à défaut de relancer le sous-genre ou de le renouveler, le rappellera au souvenir du public. En 1997, Luc Besson réalise The Fifth Element, bande dessinée filmique qui manque peut-être d’innovations scénaristiques mais pas de créativité visuelle, ni de souffle épique. Ces deux qualités en feront un succès public.

L’année suivante, l’action sera le mot d’ordre de Starship Troopers, le film de Paul Verhoeven qui propose la vision d’une Amérique ultra guerrière en lutte contre des insectes géants venus d’autres planètes. S’il rend hommage aux séries B, Verhoeven fustige cette Amérique, sa jeunesse et son armée trop sûres d’elles. Il suggère à travers de flamboyantes batailles spatiales combien la lutte est vaine et inégale. La vision de la flotte terrestre écrasée sous les coups de l’ennemi dépasse de loin celle de la destruction de L’Étoile Noire. En 1998, deux space opera connaîtront un échec justifié : Lost in space, de Stephen Hopkins et Supernova. Ce dernier est pourtant réalisé par Walter Hill et Francis Ford Coppola, mais aucun des deux ne voudra en reconnaître la « paternité ». Wing Commander (1999), de Chris Roberts n’apportera rien de plus au space opera et ne sera qu’un divertissement supplémentaire.

Au début des années 2000, l’engouement pour le space opera semble passé comme le montrent l’échec de Star Trek, Nemesis, (2002), de Stuart Baird, ou les semi-réussites commerciales de Space Cow-boys (1999), de Clint Eastwood et de la version contemporaine de Solaris (2002), de Steven Soderbergh. Quant à Titan A.E., de Don Bluth et Gary Goldman, non dénué de qualités, il a surtout le mérite d’être le premier film d’animation américain de space opera. Jusqu’à présent, seuls les japonais avaient osé la transposition de leurs mangas sur grand écran. Ce film d’animation ne rencontrera qu’un succès d’estime dans la mesure où, contrairement à la plupart des dessins animés de ce genre, il ne s’adresse pas à des enfants mais plutôt à des adolescents. C’est un écueil qu’évitera Treasure planet (2001), de John Musker et Ron Clements. Ce film jouit de la réputation, des savoir-faire artistiques et commerciaux de la firme Disney. Il se présente comme un cocktail d’action et d’humour destiné aux fans de Disney et à ceux des Star Wars.

[1] Au tout début des années 2000, avant que G. Lucas évoque la space fantasy. Nous en reparlerons peut-être dans un tome 4...

[2] Voir Tome 3 (à venir) : Star Wars / B. Du space opera au space planet.

[3] Co-réalisateur de West Side Story en 1961.

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