2. Qu’est-ce que l’heroic fantasy

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2. Qu’est-ce que l’heroic fantasy

Lorsque l’on évoque l’heroic fantasy au cinéma, le spectateur pense à Conan the Barbarian (1981), de John Milius et à la trilogie Lord of the Rings (2001, 2002 et 2003), de Peter Jackson. Or, ces deux œuvres sont très différentes l’une de l’autre. D’après les caractéristiques déterminées dans cette partie, le film de Milius appartient à l’heroic fantasy tandis que la trilogie de Jackson appartient à la high fantasy.

Jusqu’au début des années 2000, au cinéma, il n'existait officiellement qu’un seul genre de fantasy, le plus populaire : l’heroic fantasy. Sous ce terme sont étiquetées des œuvres aussi différentes que Conan the Barbarian, The Lord Of the Rings, Ladyhawk, Excalibur, Legend, The Dark Crystal, Princess Bride, Monty Python and The Holy Grail, Highlander… L’heroic fantasy est l’auberge espagnole de la science-fiction. Au cinéma comme dans la littérature, il est possible de dénoter plusieurs types de fantasy. Cela implique que la fantasy, jusqu’à présent considérée comme un sous-genre de la science-fiction, génère elle-même ses propres sous-genres, et tend à devenir un genre à part entière. Cependant, cette délimitation ne risque-t-elle pas de stéréotyper la fantasy et de la réduire à des formules et figures imposées ? Éspéronsqu’il y aura toujours des auteurs à la recherche d’une ou de plusieurs autres directions pour continuer à nourrir ces sous-genres et à les faire évoluer.

Si le terme fantasy est synonyme d’imagination, d’idées fantasques, voire de fantasmes, celui heroic correspond à sa traduction française : héroïque. Ce sous-genre met en scène des personnages dont les actes sont héroïques. En ce sens, l’œuvre de Tolkien a participé à la création de l’heroic fantasy, mais en réalité, dans ce sous-genre, nous n’y trouvons pas d’elfes, de peuples nains, de trolls, de hobbits ou d’autres créatures imaginaires, exception faite des créatures des grandes mythologies. Il est cependant possible d’y trouver des magiciens comme dans Wizards (1976), de Ralph Bakshi, une allégorie sur le bien et le mal, ou des monstres comme dans Beowulf (1998), de Graham Baker.

Nous trouvons aussi un protagoniste, sans pouvoir magique, qui n’a que sa force (athlétique), son courage et sa pugnacité pour combattre le mal car le thème sous-jacent est le combat du bien contre le mal. Le héros solitaire se trouve rapidement des alliés dont le but essentiel est d’écarter les obstacles afin que ce dernier puisse remplir sa mission (Kalidor). Ces adjuvants sont généralement humains. S’il s’agit d’un homme, il n’est pas aussi fort que le héros mais il est rusé et débrouillard. S’il s’agit d’une femme, elle est indépendante, guerrière ou magicienne, et elle finit par nourrir de secrets désirs envers le héros. Enfin, s’il s’agit d’un enfant, il est aussi déluré qu’attendrissant et montre tous les signes de ce que pouvait être le héros à son âge.

Il y a des variantes. Un personnage aussi musclé, voire plus que le héros, remplace l’enfant physiquement, mais il en garde le cœur et l’esprit. Il peut lui arriver de faire preuve d’une sagesse que les autres personnages ne possèdent pas (The Scorpion King). Il peut aussi arriver que parmi ses compagnons se trouve un opposant. Celui-ci jalouse le héros. Parfois, il continue à lutter à ses côtés pour vaincre le mal (Beowulf), parfois il le trahit pour se ranger du côté de celui qui lui paraît être le plus fort (The Scorpion King). Les compagnons du héros peuvent aussi être des animaux (The Beastmaster). Toutefois, parmi les qualités citées du héros, l’intelligence reste souvent absente. C’est en ce sens que Leiber fera évoluer l’heroic fantasy. Il imaginera des personnages à la psychologie plus complexe que ceux de Burroughs ou de Howard (Fafhrd, ou Le Souricier Gris). Il inventera aussi le « fantastique urbain » ou l’urban fantasy, sous-genre dans lequel la réalité du quotidien rencontre l’imaginaire et l’irrationnel.

Une autre particularité de l’heroic fantasy est son ambiance. Il est quasiment impossible de préciser avec exactitude l’époque à laquelle vivent les héros mais d’une manière générale, il s’agit de l’antiquité, d’un temps qui se situerait avant l’ère chrétienne, au croisement de la disparition des anciennes civilisations (atlantes, peuple de Mû, akkadiens…) et de la naissance de nouvelles cultures (égyptienne, grecque…). Les décors sont antiques et les mœurs sont aussi sauvages que les batailles entre les ennemis.

L’heroic fantasy utilise la mythologie, aussi bien grecque ou égyptienne que nordique ou asiatique, comme base de ses aventures. Elle donne une explication possible à leur existence comme si ces mythes, devenus avec le temps des mythes fondateurs de civilisations, prenaient corps au travers de héros humains. En ce sens, l’heroic fantasy relève de la science-fiction mais elle procède à l’inverse. Ici, c’est à partir du passé qu’il faut deviner ce qu’il y a eu avant, ou plus exactement ce qu’il y a eu entre la naissance du premier Homme et l’Histoire connue de l’Humanité. Comme la science-fiction traditionnelle avec le futur, cette période se prête à toutes les extrapolations possibles avec ce passé très lointain de l’humanité. Pourtant, pour certains amateurs, la fantasy est un genre au même titre que la science-fiction. Elle serait même le trait d’union entre cette dernière et le fantastique. À ce sujet, Robert Heinlein a déclaré[1] : « Il y a autant de différences entre la science-fiction et la fantasy qu’entre Karl Marx et Groucho Marx. » Ce sur quoi nous pourrions répondre, dans une moindre mesure, qu’il y a autant de différence entre le space opera et le steampunk, ou entre l’utopie et le néo-gothique. Le fait que la démarche de l’heroic fantasy soit similaire à celle de la plupart des sous-genres de la science-fiction traditionnelle est, pour l’instant, suffisant pour qu’elle soit considérée comme appartenant au genre. Même si la méthode diffère, et si les sciences occultes du passé remplacent les sciences technologiques du futur.

L’heroic fantasy répond à des craintes que nous retrouvons dans d’autres sous-genres de la science-fiction : que se passerait-il dans un monde anarchique et sans croyances ? Ce monde serait un monde obscur. L’heroic fantasy évoque l’absence de valeurs religieuses telles que celles que nous pratiquons de nos jours. Pourtant, ses récits ne manquent pas de croyances, que ce soit celles liées à la nature, à l’homme, au mal ou au bien. L’heroic fantasy rappelle les contes de notre enfance avec les chevaliers, les princesses, les sorciers, les magiciens, les dragons et autres monstres.

Si nous avons évoqué le physique du héros, nous n’avons pas parlé de ses qualités morales. Le héros est donc tout en muscles, il est beau, et surtout, il est de caractère noble et généreux. Il n’hésite pas à s’écarter du chemin qui le mène vers l’accomplissement de sa mission, souvent une vengeance d’honneur, pour sauver des vies. Ce détour complique un récit qui est généralement d’une simplicité désarmante, en l’étoffant, mais surtout il permet d’expliquer précisément contre quoi le héros va se venger et pourquoi. Au cours de ses pérégrinations, le héros se départit de cette idée de vengeance. S’il doit tuer son adversaire, ce n’est plus pour son honneur, mais pour la survie d’un peuple ou d’une civilisation. L’ennemi, lui, se révélera être un personnage particlièrement amoral.

À l’inverse de la littérature, peu d’œuvres cinématographiques ont donné naissance à des séries ou des suites. Citons deux Conan (Conan The Barbarian et Conan The Destroyer) et deux Dar (The Beastmaster et The Beastmaster 2 : Through the Portal of Time), néanmoins. La tendance devrait évoluer après le succès des œuvre de Peter Jackson, au moins au cinéma. 

Enfin, depuis quelques années, l’heroic fantasy apparaît plus adulte d’un point de vue technique grâce à l’élaboration de nouveaux effets spéciaux comme le montre The 13th Warrior ou The Scorpion King. Le sous-genre est redéfini d’un point de vue scénaristique. Les guerriers, aux muscles hypertrophiés, continuent à se battre avec leurs poings ou leurs épées, mais il arrive parfois qu'ils réfléchissent aussi. Les héros tendent à devenir vulnérables et les sentiments qu’ils éprouvent sont empreints de pudeur.


[1] Murail Lorris, La Science-fiction (p. 140) – Larousse / HER, 1999. 384 pages – Collection Guide Totem.

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